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Sida

XIIè CISMA : Pour une subvention des anti-rétroviraux

La conférence internationale sur le sida et les MST en Afrique s’est achevée jeudi à Ouagadougou sur un appel à la communauté internationale pour subventionner les médicaments pour la majorité des 28 millions et demi de personnes infectées. Certes, il n’y a pas eu d’engagement ni de la part des États africains, ni de la part des bailleurs de fonds à assurer une prise en charge aux malades africains du Sida. Mais la plupart des participants repartent avec une certaine satisfaction pour avoir réussi, plus qu’auparavant, à faire pression, à la place des gouvernements africains, sur les pays nantis à mettre la main à la poche.
De notre correspondant au Burkina Faso

Comment assurer un meilleur accès aux soins et aux traitements pour la majorité des séropositifs africains qui, faute de moyens, en sont exclus ? Cette question qui a dominé les cinq jours de débats de la XIIè CISMA est restée presque sans réponse immédiate à la fin des travaux. Aucun engagement n’a été pris par les Etats africains à mettre en place des politiques plus volontaires de lutte contre la pandémie du sida, pourtant reconnue comme étant désormais la première cause de mortalité en Afrique. Aucune annonce non plus n’a été faite par les partenaires financiers internationaux (représentés à la conférence de Ouagadougou) pour réduire les conséquences du sida dont on reconnaît aussi qu’elles sont désastreuses pour les économies du continent.

On est donc resté sans perspectives sûres pour inverser la réalité des statistiques plus qu’effrayantes liées à la situation du sida en Afrique. En rappel, il n’ y a qu’un africain sur 1000 qui a accès aux anti-rétroviraux et sur un besoin annuel de 7 à 10 milliards de dollars pour combattre l’épidémie en Afrique, on n’a réussi jusque-là à mobiliser que 1,5 milliard. La XIIè CISMA s’est achevé, donc, sur un appel à la communauté internationale à «subventionner l’acquisition des ARV et soutenir les productions locales des formes génériques».

Compte tenu des capacités des Etats, la production locale de génériques comme le permet désormais les récents accords de Doha semble peu probable dans l’immédiat. La subvention apparaît alors comme la meilleure voie pour rendre tout de suite accessible les médicaments. «Ici, plusieurs études ont été présentées pour montrer que non seulement les ARV sont efficaces mais que des expériences réussissent en Afrique, souligne Gabrielle Krikorian de l’ONG Act Up Paris. Reste à savoir qui va financer les projets.» Tous les regards sont tournés vers le Fonds mondial lancé en avril 2001 par le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Réuni du 13 au 15 décembre 2001 à Bruxelles, le groupe de travail temporaire de ce Fonds prévu pour être opérationnel dès janvier 2002 doit finaliser ses objectifs. La plupart des donateurs ne veulent pas que le Fonds finance, comme le souhaitent les Africains, l’achat de médicaments.

La faible mobilisation des Etats africains

«L’Afrique doit faire pression pour amener à la raison les donateurs. Il faut que les voix des gouvernements s’élèvent ici pour réclamer du Fonds l’achat des médicaments», déclarait avant l’ouverture de la conférence à Ouagadougou le ministre français délégué à la santé Bernard Kouchner dont le pays se bat pour que 20 à 30 % des ressources mobilisées soient consacrées à la fourniture des ARV. Un appel qui semble être tombé dans l’oreille d’un sourd puisqu’il n’ y a pas eu de mobilisation particulière de la part des gouvernements représentés à Ouagadougou par des ministres et hauts fonctionnaires. «Je suis déçu de constater que les chefs d’Etats du continent ont laissé seul le pays organisateur à faire un plaidoyer», regrette Boua Bi Drigone, président du réseau ivoirien des personnes vivant avec le VIH.

Devant l’inertie des gouvernements, c’est la société civile qui a pris les choses en main. Des Ong ont élaboré un appel pour réclamer que l’accès aux anti-retro viraux soit une priorité du Fonds mondial et que 30 % des ressources mobilisées lui soient consacrées. Elles ont recueilli plus de 1 000 signatures d’associations, d’institutions nationales et internationales ainsi que de séropositifs et de simples participants pour faire plier le groupe de travail réuni à Bruxelles. «Ca ne suffira peut-être pas à faire pencher la balance de notre côté, mais cette mobilisation ouvre quelque chose à savoir qu’en face on veut se faire entendre», explique Gabrielle Krikorian. En attendant, d’obtenir des fonds du nord, des voix s’élèvent pour que les Etats africains montrent leur volonté de contrer le Sida.

«Le Sénégal investit 500 millions de FCFA dans la lutte contre le sida. Si tous les gouvernements faisaient de même c’est-à-dire en engageant beaucoup de ressources budgétaires, on arriverait à des résultats et cela encouragerait les bailleurs de fonds à investir», fait remarquer Ibrahim Ndoye, président de l’union africaine contre les infections sexuellement transmissibles et membre du comité directeur international de la CISMA. Le plus grand mérite de la conférence de Ouagadougou aura été comme l’indiquait son thème de faire prendre conscience aux communautés africaines de la nécessité de leur engagement dans la lutte contre le VIH/Sida. Symbole de cette réussite : la décision de l’ordre des pharmaciens burkinabè de renoncer à toute marge bénéficiaire dans la vente des ARV génériques.



par Alpha  Barry

Article publié le 14/12/2001