Sida
Comment améliorer l’accès aux soins
La XIIe Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique, s’est ouverte, dimanche 9 décembre 2001, à Ouagadougou. La principale préoccupation des quelque 2000 à 3000 participants est l’accès aux soins et aux traitements. En effet, les médicaments, notamment les anti-rétroviraux, sont hors de portée de la majorité des 28 millions d’Africains infectés par le VIH. Même lorsque les laboratoires pharmaceutiques pratiquent des prix négociés. Entretien avec la camerounaise Marianne Ngoulla, médecin, chargée des questions de soins de santé et de la médecine traditionnelle, au bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé, à Harare.
De notre correspondant au Burkina Faso
RFI : Quelles sont les solutions pour assurer une prise en charge des malades du sida en Afrique?
Marianne NGOULLA : Aujourd’hui, il existe deux approches à l’Organisation mondiale de la Santé. D’abord, assister les pays dans les négociations avec les firmes pharmaceutiques afin d’obtenir des prix encore plus bas. Ensuite, voir dans quelle mesure on peut produire localement les médicaments anti-rétroviraux génériques ainsi que les médicaments pour les infections opportunistes à de meilleurs prix que ceux du marché actuel. Une autre voie est celle de la médecine traditionnelle pour voir comment on peut profiter des savoirs ancestraux pour améliorer les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Au stade actuel de l’épidémie, je pense qu’il faut explorer toutes les possibilités et voir laquelle va nous permettre d’avancer. Toutes ne vont peut-être pas aboutir en même temps. Mais, de toutes les façons, il faut vraiment trouver une stratégie qui va au-delà du prix négocié. Il faut, par exemple, trouver les moyens de subventionner ou d’avoir les médicaments gratuits pour les patients vivant avec le VIH/sida. Je ne sais pas comment cela pourra se faire. Mais les résultats obtenus par le Brésil en terme de réduction du taux de mortalité, et cela, principalement grâce à la production des médicaments au niveau local (ce qui permet de réduire les coûts de la prise en charge des patients), peuvent servir d’exemple pour les Etats africains. Il faut reconnaître que l’épidémie de sida dépasse tout ce que l’Afrique a déjà connu. Les solutions doivent donc être imaginatives et vraiment novatrices pour arriver à trouver une réponse significative à ce fléau qui, chaque jour, prend de l’ampleur.
RFI : Comment l’Afrique peut-elle rapidement profiter des récentes décisions prises par l’Organisation mondiale du commerce à Doha, en faveur d’un meilleur accès aux médicaments pour les pays pauvres ?
M. N : Pour profiter des flexibilités offertes par les accords de Doha, telle que la possibilité de donner des licences obligatoires pour produire localement des médicaments ou les importer, ou encore la possibilité de faire des essais de recherche-développement, il faudrait que les législations de nos Etats soient mises en conformité avec ces accords. Mais malheureusement ce n’est pas encore le cas. Il y a encore beaucoup à faire. Quand on voit que ces accords vont devoir rentrer en vigueur pour les pays en développement en 2005, même si pour les pays les moins avancés on a réussi à avoir une extension jusqu’en 2016, il faudrait qu’on agisse vite. Car, si aujourd’hui on réussit à obtenir des prix bas pour les médicaments tels que les anti-rétroviraux, c’est parce qu’il y a encore des producteurs de médicaments génériques comme la Chine, le Brésil, la Thaïlande ou l’Inde. Or, ce dernier pays par exemple, va devoir cesser de produire d’ici 2005 les génériques pour des raisons d’application des brevets. Ce qui nous amène à penser que l’Afrique doit penser sérieusement à produire ces médicaments elle-même et à grande échelle.
RFI : Est-ce que l’Afrique a les capacités techniques et les moyens pour produire les médicaments ?
M. N. :De nombreux Etats en Afrique disposent des capacités de production des génériques. Aussi bien au nord, au sud, à l’est qu’à l’ouest de l’Afrique. Mais aujourd’hui, le risque est que si chacun se lance de son côté dans la production, il peut se poser des problèmes de viabilité et de rentabilité de ces industries pharmaceutiques locales. Et le problème du coût des produits risque de persister. Il faut donc organiser la production. Les initiatives régionales ou sous-régionales dont on a parlé pendant longtemps dans le cas du VIH/sida peuvent être une solution. Si on arrivait à régionaliser la production en fonction des groupes d’intégration tels que la CEDEAO, la SADC, la CEMAC, on peut espérer avoir des prix plus bas grâce aux économies d’échelle. Mais avant d’en arriver là, il faut avoir accès à la formulation, c’est-à-dire à un transfert de technologies. On a déjà initié ce type de collaboration avec la Thaïlande et les négociations ont abouti à un transfert de technologie vers deux pays africains : le Zimbabwe et le Ghana. Maintenant, il reste donc la mise en œuvre et les possibilités d’approches sous- régionales dans la distribution pour rendre disponibles les médicaments à des coûts intéressants.
RFI : Faute de moyens, de nombreux malades africains du sida se tournent vers la médecine traditionnelle. Faut-il, oui ou non, prendre au sérieux tous ces tradi-praticiens qui prétendent soigner le sida ?
M. N : A l’OMS, nous essayons de voir comment assurer aux traitements issus de la médecine traditionnelle une qualité, une efficacité et une sécurité pour la prise en charge des patients vivant avec le VIH/sida. A cet effet, l’OMS a développé, en collaboration avec les experts de la région et des experts internationaux, des protocoles pour une évaluation de ces médicaments pour que, lorsqu’un tradi-praticien déclare avoir des produits qui soignent ou qui améliorent les conditions de vie des patients du sida, l’on puisse valider ce qu’il dit de façon clinique et que les résultats soient acceptés au niveau national, au niveau de la région africaine, et pourquoi pas au niveau international. On doit rester prudent avec le sida et ne pas donner des espoirs qui, demain, peuvent se révéler faux. Des validations sont en cours avec le support de l’OMS dans certains pays et on peut dire qu’il y a des résultats encourageants. Il y a des espoirs pour ce qui est des infections opportunistes. La médecine traditionnelle apporte vraiment des solutions. Mais pour ce qui est de traiter le SIDA, il est difficile d’être affirmatif. Dans tous les cas, il faudrait encadrer ces recherches en apportant des fonds pour leur permettre d’aboutir le plus rapidement possible. D’ailleurs, au cours de cette CISMA, on va présenter un abstract sur l’expérience du Burkina-Faso dans le domaine de la médecine traditionnelle.
RFI : Quelles sont les solutions pour assurer une prise en charge des malades du sida en Afrique?
Marianne NGOULLA : Aujourd’hui, il existe deux approches à l’Organisation mondiale de la Santé. D’abord, assister les pays dans les négociations avec les firmes pharmaceutiques afin d’obtenir des prix encore plus bas. Ensuite, voir dans quelle mesure on peut produire localement les médicaments anti-rétroviraux génériques ainsi que les médicaments pour les infections opportunistes à de meilleurs prix que ceux du marché actuel. Une autre voie est celle de la médecine traditionnelle pour voir comment on peut profiter des savoirs ancestraux pour améliorer les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Au stade actuel de l’épidémie, je pense qu’il faut explorer toutes les possibilités et voir laquelle va nous permettre d’avancer. Toutes ne vont peut-être pas aboutir en même temps. Mais, de toutes les façons, il faut vraiment trouver une stratégie qui va au-delà du prix négocié. Il faut, par exemple, trouver les moyens de subventionner ou d’avoir les médicaments gratuits pour les patients vivant avec le VIH/sida. Je ne sais pas comment cela pourra se faire. Mais les résultats obtenus par le Brésil en terme de réduction du taux de mortalité, et cela, principalement grâce à la production des médicaments au niveau local (ce qui permet de réduire les coûts de la prise en charge des patients), peuvent servir d’exemple pour les Etats africains. Il faut reconnaître que l’épidémie de sida dépasse tout ce que l’Afrique a déjà connu. Les solutions doivent donc être imaginatives et vraiment novatrices pour arriver à trouver une réponse significative à ce fléau qui, chaque jour, prend de l’ampleur.
RFI : Comment l’Afrique peut-elle rapidement profiter des récentes décisions prises par l’Organisation mondiale du commerce à Doha, en faveur d’un meilleur accès aux médicaments pour les pays pauvres ?
M. N : Pour profiter des flexibilités offertes par les accords de Doha, telle que la possibilité de donner des licences obligatoires pour produire localement des médicaments ou les importer, ou encore la possibilité de faire des essais de recherche-développement, il faudrait que les législations de nos Etats soient mises en conformité avec ces accords. Mais malheureusement ce n’est pas encore le cas. Il y a encore beaucoup à faire. Quand on voit que ces accords vont devoir rentrer en vigueur pour les pays en développement en 2005, même si pour les pays les moins avancés on a réussi à avoir une extension jusqu’en 2016, il faudrait qu’on agisse vite. Car, si aujourd’hui on réussit à obtenir des prix bas pour les médicaments tels que les anti-rétroviraux, c’est parce qu’il y a encore des producteurs de médicaments génériques comme la Chine, le Brésil, la Thaïlande ou l’Inde. Or, ce dernier pays par exemple, va devoir cesser de produire d’ici 2005 les génériques pour des raisons d’application des brevets. Ce qui nous amène à penser que l’Afrique doit penser sérieusement à produire ces médicaments elle-même et à grande échelle.
RFI : Est-ce que l’Afrique a les capacités techniques et les moyens pour produire les médicaments ?
M. N. :De nombreux Etats en Afrique disposent des capacités de production des génériques. Aussi bien au nord, au sud, à l’est qu’à l’ouest de l’Afrique. Mais aujourd’hui, le risque est que si chacun se lance de son côté dans la production, il peut se poser des problèmes de viabilité et de rentabilité de ces industries pharmaceutiques locales. Et le problème du coût des produits risque de persister. Il faut donc organiser la production. Les initiatives régionales ou sous-régionales dont on a parlé pendant longtemps dans le cas du VIH/sida peuvent être une solution. Si on arrivait à régionaliser la production en fonction des groupes d’intégration tels que la CEDEAO, la SADC, la CEMAC, on peut espérer avoir des prix plus bas grâce aux économies d’échelle. Mais avant d’en arriver là, il faut avoir accès à la formulation, c’est-à-dire à un transfert de technologies. On a déjà initié ce type de collaboration avec la Thaïlande et les négociations ont abouti à un transfert de technologie vers deux pays africains : le Zimbabwe et le Ghana. Maintenant, il reste donc la mise en œuvre et les possibilités d’approches sous- régionales dans la distribution pour rendre disponibles les médicaments à des coûts intéressants.
RFI : Faute de moyens, de nombreux malades africains du sida se tournent vers la médecine traditionnelle. Faut-il, oui ou non, prendre au sérieux tous ces tradi-praticiens qui prétendent soigner le sida ?
M. N : A l’OMS, nous essayons de voir comment assurer aux traitements issus de la médecine traditionnelle une qualité, une efficacité et une sécurité pour la prise en charge des patients vivant avec le VIH/sida. A cet effet, l’OMS a développé, en collaboration avec les experts de la région et des experts internationaux, des protocoles pour une évaluation de ces médicaments pour que, lorsqu’un tradi-praticien déclare avoir des produits qui soignent ou qui améliorent les conditions de vie des patients du sida, l’on puisse valider ce qu’il dit de façon clinique et que les résultats soient acceptés au niveau national, au niveau de la région africaine, et pourquoi pas au niveau international. On doit rester prudent avec le sida et ne pas donner des espoirs qui, demain, peuvent se révéler faux. Des validations sont en cours avec le support de l’OMS dans certains pays et on peut dire qu’il y a des résultats encourageants. Il y a des espoirs pour ce qui est des infections opportunistes. La médecine traditionnelle apporte vraiment des solutions. Mais pour ce qui est de traiter le SIDA, il est difficile d’être affirmatif. Dans tous les cas, il faudrait encadrer ces recherches en apportant des fonds pour leur permettre d’aboutir le plus rapidement possible. D’ailleurs, au cours de cette CISMA, on va présenter un abstract sur l’expérience du Burkina-Faso dans le domaine de la médecine traditionnelle.
par propos recueillis par Alpha Barry
Article publié le 10/12/2001