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Sida

L’Afrique compte sur ses communautés

La XIIe Conférence internationale sur le sida et les maladies sexuellement transmissibles en Afrique (Cisma) ouvre ses portes, le 9 décembre 2001, à Ouagadougou. Pendant cinq jours, les représentants des pays du continent vont dresser le bilan d’une épidémie dont l’Afrique est la principale victime. Ils vont aussi s’interroger sur les moyens de lutter contre ce fléau qui, à moyen terme, aura des conséquences importantes sur le plan sanitaire mais aussi social et économique.
Le bilan du sida en Afrique est lourd. Les derniers chiffres publiés par Onusida rappellent que le continent demeure la région du monde la plus durement touchée par cette épidémie meurtrière. Vingt-huit millions d’Africains sont contaminés par le virus. Durant la seule année 2001, 3,4 millions de personnes ont été infectées sur le continent soit environ les deux tiers du nombre total de nouvelles contaminations dans le monde (5 millions). Avec 2,3 millions de morts du sida durant cette même période, sur un total de 3 millions, l’Afrique a aussi été la région qui a subi la plus importante ponction de population. Le VIH est ainsi, aujourd’hui, la première cause de décès en Afrique subsaharienne.

A l’échelle du continent, le taux de prévalence chez l’adulte est en moyenne de 8,4 %. L’Afrique du Sud est le pays le plus touché avec 4,7 millions de personnes contaminées soit un Sud-Africain sur neuf. Mais c’est au Bostwana que le taux de prévalence est le plus élevé avec 35 % de la population adulte infectée. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui le pays d’Afrique de l’Ouest dans lequel le taux de prévalence est le plus important. On y dénombre un million de séropositifs pour une population totale de quinze millions de personnes. Dans cinq pays d’Afrique de l’Ouest, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Nigeria, Togo, le taux de prévalence chez l’adulte a dépassé, cette année, la barre des 5 %.

Les femmes représentent, en Afrique, la majorité des personnes contaminées (55%). Le nombre d’orphelins est en constante augmentation. Douze millions d’enfants africains ont déjà perdu au moins l’un de leurs parents à cause du sida. Les taux de contamination chez les femmes enceintes sont très importants dans certains pays comme le Swaziland, le Bostwana et quelques zones d’Afrique du Sud, où ils oscillent entre 32 et 43 %. De même, de plus en plus de bébés naissent porteurs du virus et la mortalité infantile augmente. Au Zimbabwe, par exemple, 70 % des décès d’enfants de moins de cinq ans sont dus au sida.

Un fléau pour le développement

Cette maladie frappe surtout les populations jeunes et actives. Dans seize pays africains, une personne sur dix est séropositive chez les 15-49 ans. C’est donc la population en âge de travailler et de produire qui est en première ligne face au sida. Dans un tel cas de figure, des institutions comme Onusida ou le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) craignent que l’épidémie ne soit aussi un fléau en terme de développement, d’autant que le sida n’épargne pas les professionnels qualifiés comme les enseignants ou les médecins. Entre 2010 et 2020, le produit intérieur brut des pays africains les plus touchés par le sida pourrait ainsi chuter dans une proportion allant de 8 à 20 %. Perte de revenus et augmentation des dépenses due aux soins des malades combinent leurs effets pour mettre les familles dans des situations économiques précaires. Mais cette situation a aussi un impact sur les entreprises dont les personnels sont touchés et sur les Etats dont les budgets, déjà insuffisants, ne peuvent pas permettre de débloquer des fonds pour le sida, d’autant qu’ils sont désorganisés car les fonctionnaires (professeurs, soignants, cadres administratifs) sont eux-mêmes décimés par la maladie.

Sans même envisager l’avenir, le sida a déjà eu des conséquences dramatiques pour les pays africains puisque l’espérance de vie, qui est aujourd’hui en moyenne de 47 ans, aurait été de 62 ans sans cette épidémie. Au Bostwana, Malawi, Mozambique, Swaziland, on est même repassé sous la barre des 40 ans. Selon le Pnud, les indices économiques et sociaux de certains Etats africains ont fait un bond en arrière et sont retombés au même niveau qu’il y a quarante ans. Trente pays du continent ont vu leur indice de développement humain chuter, en l’an 2000. Dans au moins une douzaine d’entre eux, dont le Bostwana, le Burundi, le Cameroun, le Congo, le Kenya, le Rwanda, le Togo, le Zimbabwe, cette situation est directement liée aux ravages occasionnés par le sida.

Si le tableau est incontestablement très sombre, quelques avancées ont été réalisées. Le nombre de contaminations en 2001 reste énorme mais n’a pas augmenté par rapport à l’année précédente (3,4 millions contre 3,8 en 2000). Certains Etats ont mis en place des campagnes de lutte qui ont obtenu des résultats. C’est le cas de l’Ouganda où le président Yoweri Museveni s’est impliqué personnellement dans le programme antisida, basé essentiellement sur la prévention, lancé en 1986. Depuis huit ans, le taux d’infection chez les femmes enceintes, qui est de 11,25 %, est en baisse dans ce pays. Cette campagne «réussie», comme celle du Sénégal, montre que l’une des clefs du succès est de bénéficier à la fois d’une véritable implication des principaux représentants de l’Etat et de la participation des groupes représentatifs de la population, des chefs religieux, des responsables d’association, des chefs de village... De ce point de vue, la Conférence de Ouagadougou, qui se déroule autour du thème central, «les communautés s’engagent», aura aussi pour objectif de permettre l’échange des expériences entre pays africains.

Sur le plan international, une certaine prise de conscience par rapport au drame du sida en Afrique a eu lieu depuis deux ans. Elle s’est traduite essentiellement par une pression de la communauté internationale sur les laboratoires pharmaceutiques pour les inciter à baisser les prix des médicaments anti-sida à destination des Etats africains. Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, a aussi obtenu la création d’un Fonds mondial contre le sida qui devrait prendre effet en janvier 2002 et permettre de débloquer des financements pour aider les pays du continent à acheter les traitements dont ils ont besoin. Car la lutte contre le sida passe aussi par des investissements financiers que les Etats n’ont pas les moyens de réaliser seuls. Le sida met l’Afrique en péril et il est tous les jours plus urgent de trouver des solutions pour stopper, ou ralentir au maximum, la propagation de l’épidémie mais aussi permettre aux malades d’être soignés. D’autant qu’Onusida estime que, sans traitements adéquats, la plupart des Africains qui sont déjà contaminés par le sida ne survivront pas à la décennie.



par Valérie  Gas

Article publié le 08/12/2001