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Sida

Le laboratoire Roche cède face au Brésil

La négociation qui a opposé le gouvernement du Brésil à la firme pharmaceutique suisse Roche concernant le prix d'un médicament antisida, le Nelfinavir, a été riche en rebondissements. Si Roche a finalement cédé aux demandes du ministre de la Santé brésilien, c'est bien en faisant contre mauvaise fortune bon coeur.

Il aura fallu six mois de consultations, une rupture des négociations associée à une menace à peine voilée de fabriquer le Nelfinavir sous forme générique, pour que le laboratoire Roche finisse par céder face au gouvernement brésilien. L'enjeu de cette tractation au long cours était d'arriver à un accord sur le prix d'un médicament antisida qui permet de soigner plus de 20 000 patients dans le pays et qui représente en terme de dépenses de santé, 28% du budget alloué au combat contre cette maladie.

Dans ce contexte, il n'était semble-t-il pas question pour José Serra, le ministre en charge du dossier, d'accepter les propositions limitées que le laboratoire Roche s'obstinait à lui faire. D'une réduction de 13 % au début des négociations, en avril dernier, la firme pharmaceutique suisse était déjà arrivée à une baisse de 30 %. Mais cette offre n'avait pas semblé suffisante au ministre. Le 22 août, sans prévenir, il avait donc décidé d'annoncer à grand renfort de presse une interruption des discussions. La négociation ne parvenant pas à une issue satisfaisante, le gouvernement brésilien semblait s'orienter vers une solution de remplacement : la fabrication de cette molécule sous forme générique. Le Brésil fait, en effet, partie avec l'Inde des pays du Sud qui disposent d'une industrie pharmaceutique suffisamment développée pour fabriquer sur place des médicaments dont les brevets sont détenus par les grands laboratoires.

Cette manoeuvre a porté ses fruits. Très rapidement, les responsables de Roche au Brésil ont repris contact avec le ministre de la Santé, visiblement décidés à aller plus loin. Daniel Piller, représentant de la firme en Suisse, estimait d'ailleurs dès le 23 août : «Nous sommes sûrs de trouver une solution. Si nous faisons une meilleure offre, le ministre a affirmé qu'il reviendrait sur son annonce». Ainsi fut fait, Roche a accepté une réduction de 40% du prix du Nelfinavir et José Serra a renoncé à lancer la fabrication locale du médicament en 2002.


35,4 millions de dollars d'économies


Cet accord va permettre au Brésil d'économiser 35, 4 millions de dollars par an (le budget total dédié à la lutte contre le sida est de 300 millions de dollars). Une somme très importante qui pourra aider le gouvernement à poursuivre son programme en faveur des malades du sida grâce auquel un grand nombre d'entre eux bénéficient d'un accès gratuit aux médicaments.

De plus en plus, les laboratoires qui détiennent les brevets des molécules antisida sont poussés dans leurs derniers retranchements. La communauté internationale fait pression pour qu'ils assouplissent leur politique tarifaire à destination des pays en développement où se trouve la grande majorité des personnes contaminées. Kofi Annan, le secrétaire générale des Nations unies, s'est d'ailleurs fait le porte-parole de ce combat. Après avoir poussé à la création d'un Fonds mondial de lutte contre le sida doté, au G8 de Gênes, en juillet dernier, de près de deux milliards de dollars de contributions par les pays du Nord, il a encore pris position récemment en rappelant que les six principaux groupes pharmaceutiques mondiaux lui avaient promis, en avril, de favoriser l'accès des malades des pays en développement aux traitements. Encourageant, Kofi Annan a estimé : «Le processus a commencé». Mais réaliste, il a annoncé qu'un bilan des efforts engagés doit être réalisé en octobre. Pour voir précisément l'état d'avancement des négociations entre les firmes et les Etats concernés, comparer les promesses aux actes.



par Valérie  Gas

Article publié le 01/09/2001