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Sida

Le plan de bataille de l'ONU

Les 189 Etats membres de l'Onu ont fini par s'accorder sur un document dans lequel ils se fixent des objectifs assortis d'un calendrier dans la lutte contre le sida et la protection des malades. Le consensus s'est fait au prix de concessions arrachées par des pays musulmans. Les homosexuels, les toxicomanes et les prostituées ont été rayés du document final.
De notre correspondant à New York (Nations Unies)

L'organisation humanitaire Oxfam a sans doute résumé au mieux trois jours de session spéciale des Nations unies sur le Sida en concluant : «L'Onu a fait ce qu'elle a pu». Le document adopté hier à l'unanimité est loin d'être parfait. Les catégories de la population les plus vulnérables à la maladie -les homosexuels, les toxicomanes et les prostituées- sont absents de la déclaration finale de l'Assemblée générale de l'Onu. Les mentions les concernant ont été éliminées sous la pression insistante d'un bloc de pays musulmans, conseillés par le Vatican et les Etats-Unis. «Il y a une réticence à reconnaître les groupes affectés par le HIV/sida, a déploré la haut commissaire aux droits de l'homme Mary Robinson, y compris les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Ne pas le reconnaître ne peut qu'entraîner une augmentation du nombre des contaminations».

Ce point mis à part, les quelque 3 000 personnes qui ont participé à la conférence semblaient se satisfaire à peu près du produit des débats. «C'est un événement historique pour deux raisons, a estimé Kofi Annan. D'abord, le niveau de fréquentation montre que le monde réalise finalement la gravité de la crise du HIV/sida. Deuxièmement, la déclaration adoptée nous fournit une stratégie claire pour s'y attaquer.» Sur 16 pages, les Etats se sont fixés des objectifs précis. Sous le titre A crise mondiale, action mondiale, il appelle les gouvernements à se doter avant 2003, de stratégies nationales et de plans de financement pour lutter contre la pandémie. Avant 2005, des mesures de préventions doivent être mises en place. Les Etats se donnent moins de dix ans pour réduire de 25% le nombre de jeunes de 15 à 24 ans atteints par le virus. La délivrance plus large de traitements pour empêcher la transmission de la mère à l'enfant devraient permettre de réduire de 50% d'ici 2010 les contaminations par cette voie.

L'argent commence à rentrer dans le fonds spécial pour le Sida

La mise en place d'un fond spécial pour lutter contre le Sida, dont Kofi Annan a voulu la création, a été inscrit dans la déclaration finale. Plusieurs pays ont déjà promis de l'alimenter à hauteur de près de 700 millions de dollars. L'objectif affiché est de le pourvoir de près de 10 milliards de dollars. Kofi Annan attend pour cela beaucoup du Sommet du G8 qui se tiendra à Gênes le mois prochain. Il a derrière lui la plupart des organisations non gouvernementales, attentives à ce que chaque proposition de la déclaration soit financée et appliquée. Médecins sans frontières s'est dit «optimiste», mais selon Anne-Valérie Kaninda, conseillère médicale de l'organisation, «des financements adéquats doivent être engagés et des programmes ambitieux doivent être mis en £uvre afin que des vies puissent être sauvées immédiatement».

Les grandes entreprises ont également participé au sommet de manière active. Leur geste n'est pas gratuit : leur main d'£uvre, surtout en Afrique, est décimée par la maladie. L'absentéisme, les assurances vies coûteuses, le renouvellement incessant de la main d'£uvre, l'augmentation du coût de la formation sont autant de raisons de participer à l'effort mondial. «On estime aujourd'hui que sur les 36 millions de personnes séropositives à l'heure actuelle, 23 millions ont un travail. La pandémie va avoir un énorme impact sur les entreprises» prévient le directeur général de l'Organisation internationale du travail, Juan Somavia. Le Conseil mondial des affaires sur le sida, qui regroupe une vingtaine de multinationales, de Calvin Klein à AOL-Time-Warner, entend réagir sous la direction de l'ancien ambassadeur américain à l'ONU Richard Holbrooke. L'organisme va commencer par diffuser un guide d'action pratique contre le sida.

«Tout le monde a appris quelque chose à cette conférence, a estimé Kofi Annan. Dans certains pays, peut-être que cela prendra un peu plus de temps pour reconnaître les réalités et le besoin de respecter les droits de chaque individu.» Le secrétaire général de l'Onu a cinq ans devant lui pour faire évoluer les mentalités. Le Conseil de sécurité de l'Onu a recommandé à l'assemblée générale de le réélire à son poste.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 28/06/2001