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Sida

Neuf milliards pour commencer

Pour la première fois, une session des Nations unies est consacrée au sida du 25 au 27 juin à New York. Cette réunion marque la volonté de la communauté internationale de lutter contre un fléau qui a déjà fait plus de 20 millions de morts dans le monde. Accès aux médicaments et prévention, aujourd'hui plus personne ne conteste qu'il faut mener les deux combats de front. Et que les financements doivent être augmentés considérablement.
«Nous attendons beaucoup de la session des Nations unies sur le sida, pas tellement en terme d'engagement concret des Etats, mais en terme de prise de conscience». Pour Michel Caraël, chef de l'évaluation du groupe de coordination et de développement de l'Onusida, «quelque chose est en train de se passer». Pour la première fois, en effet, les Nations unies consacrent une session extraordinaire au sida. Elle réunit pendant trois jours quelque deux cents Etats et deux mille participants de la société civile (ONG, firmes pharmaceutiquesà) pour étudier les moyens de lutter contre le fléau. Et notamment la création d'un Fonds mondial auquel Kofi Annan, a appelé tous les contributeurs potentiels, Etats, entreprises, fondations à verser de l'argent. D'ores et déjà, avant même que les modalités de fonctionnement aient été mises au point, plus de 500 millions de dollars de dons ont été annoncés par les Etats-Unis (200 millions), la France (100), la Fondation Bill et Melinda Gates (100), notamment.

Cette mobilisation très rapide est encourageante, puisque l'appel de Kofi Annan date seulement du récent sommet de l'OUA sur le sida à Abuja (avril 2001). D'autant plus qu'elle semble être accompagnée d'un effort de la part des firmes pharmaceutiques internationales pour baisser les prix des médicaments antisida à destination des pays africains. Plusieurs accords ont, en effet, été passés avec des Etats du continent (Sénégal, Burkina, Côte d'Ivoire notamment).

Malgré tout, les estimations des besoins financiers à l'échelle mondiale réalisées par l'Onusida révèlent qu'il faudrait d'ici 2005 engranger graduellement 9 milliards de dollars pour commencer à lutter efficacement contre le sida. Puis dans un second temps, passer à des dépenses annuelles de l'ordre de 7 à 10 milliards par an. Les pays africains, principales victimes de la pandémie, doivent évidemment être les premiers bénéficiaires de ces sommes qui proviendraient aux deux tiers de l'aide internationale, et dont ils recevraient la moitié.

Prévention et soins: même combat

Ces montants déjà énormes sont malgré tout au-dessous des véritables besoins. Les estimations de l'Onusida ne prennent pas en compte les sommes nécessaires en terme d'infrastructures de santé et d'éducation mais seulement le prix des médicaments ou des préservatifs et de leur délivrance. Cette restriction a son importance puisque certains mettent en avant l'inutilité de fournir des médicaments à bas prix en Afrique alors même que les systèmes de santé sont tellement délabrés et les personnels peu formés que le suivi minimum des malades ne peut être assuré. Le nouvel administrateur de l'USAID, l'Agence américaine pour le développement international, Andrew Natsios, dont les propos ont été rapportés par le quotidien Le Monde, a pris position en termes radicaux sur cette question. Il a ainsi affirmé que dans le cadre de la lutte contre le sida en Afrique, il fallait privilégier de manière exclusive la prévention et «ne prévoir que très peu, sinon pas, d'argent pour fournir des médicaments rétroviraux aux personnes atteintes du sida».

De telles affirmations vont complètement à contre-courant de la tendance actuelle qui est de mener de front les deux types d'action. Parce que la seule prévention a montré ses limites ces dernières années. Michel Caraël s'indigne et parle de «propos malheureux». «Faire de la prévention sans traitement, c'est absurde et injustifiable. Il faut faire les deux, c'est reconnu sur le plan international.» D'ailleurs, concernant les pays africains, il estime même, qu'étant donné le nombre de malades et la demande énorme de soins, les fonds devraient être répartis à 80% pour les médicaments et 20% pour la prévention.

Les moyens mis à la disposition de la lutte contre le sida, même en augmentation sensible, ne seront pas suffisants pour endiguer l'épidémie et les ravages qu'elle occasionne. Pour ne citer qu'un exemple, on estime que trois enseignants sur dix vont mourir dans les sept prochaines années dans les pays d'Afrique australe. Administration, système éducatif et de santé, tous les secteurs socio-économiques subissent le contrecoup de la diffusion du sida. Malgré tout, certains pays ont obtenu des résultats encourageants avec peu de moyens mais grâce à une mobilisation très importante et à un engagement politique au plus haut niveau. C'est le cas de l'Ouganda où le président Yoweri Museveni s'est impliqué personnellement dans la lutte contre le sida. La session des Nations unies doit aussi servir à cela: favoriser la mobilisation au sein même des pays les plus touchés. Car l'aide internationale doit être relayée par des efforts nationaux. Une piste sur laquelle les bailleurs de fonds essaient d'ailleurs de lancer les Etats africains en liant un pourcentage des sommes issues de la réduction de la dette à la lutte contre le sida.



par Valérie  Gas

Article publié le 24/06/2001