Sida
Le Brésil ne négocie plus
La décision prise par le gouvernement brésilien d'annoncer la rupture des négociations avec le laboratoire Roche, en vue d'obtenir la baisse du prix d'un médicament antisida, montre que dans ce domaine, les transactions restent difficiles. Malgré les avancées encourageantes obtenues ces derniers mois.
Le Brésil a pris le parti depuis plusieurs années d'adopter des mesures significatives pour favoriser l'accès du plus grand nombre possible de malades aux médicaments antisida. Il a ainsi mis en place un programme qui permet aujourd'hui à près de 100 000 Brésiliens séropositifs de bénéficier de traitements gratuitement.
Précurseur en matière de lutte contre le sida, le Brésil a réussi à réduire le nombre de décès dus à cette maladie de 40 à 50 % depuis le milieu des années 90. Cet effort exceptionnel a été rendu possible par un investissement financier très important en faveur du programme antisida du ministère de la Santé, de l'ordre de 300 millions de dollars par an. Certaines contributions d'institutions internationales sont venues renforcer les investissements nationaux. La Banque mondiale a ainsi alloué des crédits pour soutenir ces actions. Mais le Brésil a aussi décidé de permettre la fabrication locale de médicaments génériques pour réduire les coûts des traitements par rapport aux tarifs pratiqués par les firmes pharmaceutiques détentrices des brevets des molécules antisida, lorsque ces brevets n'étaient pas exploités sur le territoire national. Depuis 1997, le Brésil a donc adopté une loi qui lui permet de produire des génériques. L'accord sur les droits de la propriété intellectuelle (Trips) adopté dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) donne, en effet, la possibilité à un Etat de recourir au système, dit des «licences obligatoires», pour réaliser des copies de spécialités en cas d'urgence sanitaire.
Le Brésil attend une meilleure offre
Cette attitude avait déjà valu au Brésil de subir les foudres de Washington. Le gouvernement américain avait, en effet, sous la pression du lobby des firmes pharmaceutiques nationales, déposé une plainte devant l'OMC contre l'Etat brésilien concernant la fabrication de médicaments génériques. Une plainte retirée au mois de juin 2001, juste avant la tenue de la session spéciale des Nations unies sur le sida à New York, à l'occasion de laquelle les Etats-Unis avaient confirmé leur intention de participer activement à la lutte contre la pandémie dans les pays du Sud.
Cette session de l'ONU et le G8 en juillet à Gênes, ont permis le lancement du Fonds mondial de lutte contre le sida préconisé par Kofi Annan. Un Fonds auquel les grandes nations industrialisées ont promis des contributions à hauteur de près de deux milliards de dollars. Cette décision très attendue est venue au terme d'une succession d'initiatives et de transactions entre les pays victimes du sida et les firmes pharmaceutiques, dont la plus spectaculaire a sans doute été l'abandon du procès intenté à l'Etat sud-africain par 39 laboratoires pour empêcher l'application d'une loi permettant le recours aux médicaments génériques. La pression de l'opinion internationale, outrée de l'intransigeance des firmes face au drame humain et sanitaire qui se jouait en Afrique du Sud, avait certainement influencé cette décision.
Dans ce contexte, les firmes pharmaceutiques ont concédé ces derniers mois des baisses tarifaires sur les médicaments antisida à plusieurs pays. En Afrique, par exemple, Boehinger-Ingelheim a passé le prix de la Nevirapine de 230 à 50 dollars par mois grâce à un accord avec le Kenya, un pays qui a aussi autorisé l'importation de génériques. Le Brésil a réussi, pour sa part, à obtenir des laboratoires Merck Sharp & Dohme une diminution du prix de deux molécules (Indivanir et Efavirenz) d'environ 60%.
Par contre, la négociation avec le laboratoire Roche, engagée depuis le mois d'avril en vue d'obtenir le Nelfinavir à prix réduit, n'a pas pu aboutir. Ce médicament représente, en effet, 28 % des dépenses du pays pour le sida et permet de soigner environ 22 000 patients atteints de la maladie. Le ministère de la Santé a donc décidé, le 22 août, de rompre les négociations et de l'annoncer immédiatement à la presse. En prenant soin de laisser envisager la possibilité d'une production de la molécule sous forme générique.
Pour Daniel Piller, du laboratoire Roche, en Suisse, cette annonce a été une vraie «surprise». «Les discussions continuent avec le gouvernement du Brésilà Nous sommes sûrs de trouver une solution». Le Nelfinavir est actuellement vendu, selon lui, 50 % moins cher au Brésil qu'aux Etats-Unis et une proposition de réduction supplémentaire a déjà été faite aux autorités du pays. Il s'agirait d'une baisse de 13 %, un chiffre que Roche ne veut pas confirmer pour le moment, alors que le Brésil espérait obtenir 40 %. «Si nous faisons une meilleure offre, le ministre de la Santé a affirmé qu'il reviendrait sur son annonce».
Précurseur en matière de lutte contre le sida, le Brésil a réussi à réduire le nombre de décès dus à cette maladie de 40 à 50 % depuis le milieu des années 90. Cet effort exceptionnel a été rendu possible par un investissement financier très important en faveur du programme antisida du ministère de la Santé, de l'ordre de 300 millions de dollars par an. Certaines contributions d'institutions internationales sont venues renforcer les investissements nationaux. La Banque mondiale a ainsi alloué des crédits pour soutenir ces actions. Mais le Brésil a aussi décidé de permettre la fabrication locale de médicaments génériques pour réduire les coûts des traitements par rapport aux tarifs pratiqués par les firmes pharmaceutiques détentrices des brevets des molécules antisida, lorsque ces brevets n'étaient pas exploités sur le territoire national. Depuis 1997, le Brésil a donc adopté une loi qui lui permet de produire des génériques. L'accord sur les droits de la propriété intellectuelle (Trips) adopté dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) donne, en effet, la possibilité à un Etat de recourir au système, dit des «licences obligatoires», pour réaliser des copies de spécialités en cas d'urgence sanitaire.
Le Brésil attend une meilleure offre
Cette attitude avait déjà valu au Brésil de subir les foudres de Washington. Le gouvernement américain avait, en effet, sous la pression du lobby des firmes pharmaceutiques nationales, déposé une plainte devant l'OMC contre l'Etat brésilien concernant la fabrication de médicaments génériques. Une plainte retirée au mois de juin 2001, juste avant la tenue de la session spéciale des Nations unies sur le sida à New York, à l'occasion de laquelle les Etats-Unis avaient confirmé leur intention de participer activement à la lutte contre la pandémie dans les pays du Sud.
Cette session de l'ONU et le G8 en juillet à Gênes, ont permis le lancement du Fonds mondial de lutte contre le sida préconisé par Kofi Annan. Un Fonds auquel les grandes nations industrialisées ont promis des contributions à hauteur de près de deux milliards de dollars. Cette décision très attendue est venue au terme d'une succession d'initiatives et de transactions entre les pays victimes du sida et les firmes pharmaceutiques, dont la plus spectaculaire a sans doute été l'abandon du procès intenté à l'Etat sud-africain par 39 laboratoires pour empêcher l'application d'une loi permettant le recours aux médicaments génériques. La pression de l'opinion internationale, outrée de l'intransigeance des firmes face au drame humain et sanitaire qui se jouait en Afrique du Sud, avait certainement influencé cette décision.
Dans ce contexte, les firmes pharmaceutiques ont concédé ces derniers mois des baisses tarifaires sur les médicaments antisida à plusieurs pays. En Afrique, par exemple, Boehinger-Ingelheim a passé le prix de la Nevirapine de 230 à 50 dollars par mois grâce à un accord avec le Kenya, un pays qui a aussi autorisé l'importation de génériques. Le Brésil a réussi, pour sa part, à obtenir des laboratoires Merck Sharp & Dohme une diminution du prix de deux molécules (Indivanir et Efavirenz) d'environ 60%.
Par contre, la négociation avec le laboratoire Roche, engagée depuis le mois d'avril en vue d'obtenir le Nelfinavir à prix réduit, n'a pas pu aboutir. Ce médicament représente, en effet, 28 % des dépenses du pays pour le sida et permet de soigner environ 22 000 patients atteints de la maladie. Le ministère de la Santé a donc décidé, le 22 août, de rompre les négociations et de l'annoncer immédiatement à la presse. En prenant soin de laisser envisager la possibilité d'une production de la molécule sous forme générique.
Pour Daniel Piller, du laboratoire Roche, en Suisse, cette annonce a été une vraie «surprise». «Les discussions continuent avec le gouvernement du Brésilà Nous sommes sûrs de trouver une solution». Le Nelfinavir est actuellement vendu, selon lui, 50 % moins cher au Brésil qu'aux Etats-Unis et une proposition de réduction supplémentaire a déjà été faite aux autorités du pays. Il s'agirait d'une baisse de 13 %, un chiffre que Roche ne veut pas confirmer pour le moment, alors que le Brésil espérait obtenir 40 %. «Si nous faisons une meilleure offre, le ministre de la Santé a affirmé qu'il reviendrait sur son annonce».
par Valérie Gas
Article publié le 23/08/2001