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Attentats

Un proche de Ben Laden capturé

Capturé par la police pakistanaise, Abou Zoubeyda est soupçonné d’être un des principaux lieutenants d’Oussama Ben Laden. Il a été remis aux autorités américaines. A ce jour, c’est le plus haut responsable de Al Qaïda derrière les barreaux. Washington espère lui extorquer de précieux renseignements.
De notre correspondant à New York

L’opération a été planifiée de longues semaines à l’avance. Les services de renseignement américains ont, selon une source du Washington Post, intercepté un appel en provenance d’Afghanistan et destiné à une résidence située à Faisalabad, une ville industrielle du Pakistan, à 300 kilomètres de la frontière avec l’Afghanistan. Jeudi dernier, lorsque les policiers pakistanais et les agents américains ont pris la maison d’assaut, des coups de feu ont été tirés. Abou Zoubeyda a été touché à l’aine à l’estomac et à la cuisse, alors qu’il tentait de s’enfuir. Une vingtaine d’autres personnes suspectées d’appartenir au réseau Al Qaïda ainsi qu’une quarantaine de Pakistanais ont également été arrêtés. Abou Zoubeyda a été remis aux autorités américaines dimanche et devait être envoyé par avion sur une base militaire américaine.

La Maison Blanche se réjouit de la capture. «Les menaces existent toujours, Al Qaïda a plusieurs tentacules. Mais une d’entre elles a été coupée» a déclaré Ari Fleischer, porte-parole de George Bush. Selon lui, l’arrestation d’Abou Zoubeyda «représente un très sérieux revers pour Al Qaïda». Pour le ministre de la Défense Donald Rumsfeld, «il ne fait aucun doute qu’il sera utile d’avoir une chance de lui rendre visite». Pour Stan Bedlington, un ancien haut gradé de la CIA spécialiste des questions de terrorisme interrogé par Associated Press, il s’agit d’une «victoire majeure, majeure, si ce n’est la plus importante victoire jusqu’à maintenant». «Nous l’avons suivi pendant très longtemps –une personne très dangereuse» a estimé la conseillère pour la sécurité nationale Condoleezza Rice. En 2000, il aurait filé entre les doigts des services secrets américains alors qu’il séjournait au Soudan.

Le recruteur en chef d’Al Qaïda

Âgé de 30 ans, l’homme est soupçonné d’être un des dirigeants encore en vie les plus haut placés au sein d’Al Qaïda. A la fin des années 90, il aurait été le recruteur en chef de l’organisation, alimentant les camps d’entraînement en nouvelles recrues qu’il se chargeait de renvoyer à l’étranger une fois leur formation achevée. Il aurait alors officié dans un endroit appelé «la maison des martyrs», à Peshawar, au Pakistan. «Il est la personne en charge des camps», avait confessé l’Algérien Ahmed Ressam lors de son procès pour un complot qui visait cette fois l’aéroport de Los Angeles. Il recevait «de jeunes hommes de tous les pays. Il vous acceptait ou vous rejetait. Et il s’occupait des frais du camp».

Ces derniers mois, il aurait pris de l’importance avec la mort en novembre de Mohammed Atef, vraisemblablement tué en novembre dernier au cours d’un bombardement sur l’Afghanistan. Les États-Unis craignaient que Zoubeyda ne soit chargé d’organiser une nouvelle série d’attaques contre les intérêts américains et de reconstituer le réseau.

Palestinien originaire de la bande de Gaza mais né en Arabie Saoudite, Zoubeyda ne figure pas sur la liste des terroristes «most wanted» publiées l’an dernier par le FBI. A 31 ans, il n’est pour l’instant inculpé d’aucun crime face à la justice américaine, mais un tribunal jordanien l’a condamné par contumace pour un complot avorté qui visait à faire exploser des hôtels jordaniens au moment des célébrations du millénaire. Selon le Washington Post, le numéro du téléphone satellitaire de Zoubeyda a été trouvé dans la mémoire du téléphone portable d’un homme accusé d’avoir monté un complot contre l’ambassade américaine de Sarajevo. Un autre membre du réseau, accusé d’une tentative d’attentat contre l’ambassade américaine à Paris, aurait affirmé à un juge français avoir été briefé par Zoubeyda dans la maison de Ben Laden. Il aurait également participé à la coordination des attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, et à celui contre le USS Cole.

Les États-Unis fondent de nombreux espoirs sur cette capture. Washington espère extorquer des renseignements sur les allers et venus d’Oussama Ben Laden et de son adjoint Ayman Zawahiri. Ils espèrent également obtenir des renseignements sur les cellules d’Al Qaïda à travers le monde. «Il sait où se trouvent les gens» a déclaré au Los Angeles Times un officiel des services de renseignements américains. «De plus, nous avons des informations sans ambiguïté selon lesquelles il préparait de nouvelles attaques contre les intérêts américains et ceux de nos alliés dans le monde entier». «Ce type va être passé à l’essoreuse pendant des jours et des semaines», a déclaré au quotidien un ancien responsable de l’administration Clinton. «Cela prendra au moins 96 heures pour lui faire tout cracher (...) Si ils ne le font pas craquer dans ce délais, c’est un vrai dur. Ils vont continuer. Au moment où l’on parle, il est sûrement en train de vivre les pires heures de sa vie

Ces dernières semaines, les services de renseignement américains ont détecté une augmentation des communications par e-mails et des transferts d’argent qui pourraient traduire un regain d’activité du réseau Ben Laden. Zoubeyda était soupçonné d’en être le chef d’orchestre. Selon des informations du Wall Street Journal, il pourrait être jugé devant un tribunal militaire. En dépit des cris de victoire, jusqu’à maintenant, très peu de responsables de haut niveau d’Al Qaïda ont été éliminés ou capturés.



par Philippe  Bolopion

Article publié le 03/04/2002