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Cuba

Chavez est de retour, Castro respire

Cuba se réjouit du retour au pouvoir d’Hugo Chavez au Vénézuela. L’échec de la révolution bolivarienne aurait eu de terribles conséquences sur l’économie de l’île. Mais au delà des intérêts financiers, Cuba a su défendre une idéologie commune aux deux régimes.
De notre correspondante à La Havane

«La révolution bolivarienne a gagné» titre en première page Granma, le journal du parti communiste cubain et seul quotidien de l’île. Après avoir retenu son souffle tout le week-end au rythme des flashs d’information et émissions spéciales consacrées au coup d’Etat de Caracas, Cuba respire. Dans la rue, les commentaires vont bon train: «les Américains se sont encore pris une tôle», plaisantent certains, «l’impérialisme n’a pas résisté à la pression du peuple», analysent les révolutionnaires convaincus, alors que les mères de familles, rassurées, arrêtent d’élaborer des combines pour pallier aux futures coupures d’électricité: le pétrole vénézuélien continuera d’arriver gratuitement sur l’île.

La déclaration de l’éphémère nouveau gouvernement vénézuélien, quelques heures à peine après le coup d’Etat, de ne plus envoyer une seule goutte de pétrole à Cuba montre que le rapprochement entre les deux pays est au cœur du problème. Dés son arrivée au pouvoir en 1998, Hugo Chavez lance «la révolution bolivarienne». Centrée sur une redistribution des richesses plus équitable, s’appuyant sur le personnage de Simon Bolivar, comme Cuba sur celui de José Marti pour légitimer l’idéologie révolutionnaire, et faisant appel au devoir patriotique pour forger un consensus social, la révolution bolivarienne s’inspire de son aînée cubaine.

Castro et Chavez s’entendent d’ailleurs à merveille, et ce n’est une surprise pour personne lorsque en novembre 2001 les deux hommes signent un accord de coopération, qui prévoit l’échange de pétrole vénézuélien contre l’envoi de médecins, entraîneurs sportifs et techniciens cubains au pays de Bolivar. Aujourd’hui, plus de 1000 coopérants cubains travaillent au Venezuela alors qu’une centaine de Vénézuéliens, atteint de graves maladies, sont soignés gratuitement à Cuba. La rupture de cet accord de coopération, comme le prévoyaient les putschistes, aurait été un vrai drame pour Cuba, car depuis l’effondrement du camp socialiste, le pétrole vénézuélien est la seule source d’approvisionnement de l’économie cubaine.

Chavez apporte un ballon d’oxygène à Castro

Mais au delà d’un partenariat économique vital, la révolution bolivarienne d’Hugo Chavez représente aussi un soutien idéologique inespéré pour la révolution castriste moribonde. Quarante deux ans après l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro, il ne s’agit plus d’aide militaire cubaine aux guérillas marxistes d’Amérique centrale, mais d’accords bilatéraux entre deux Etats proposant une alternative au modèle de développement économique et social en vigueur sur le continent.

Conséquence de cette proximité entre les deux régimes, les médias cubains se sont mobilisés en faveur de Chavez. Si on ne peut pas parler d’objectivité, ni même de liberté d’expression, dans les médias cubains, qui sont totalement sous la tutelle du parti communiste, il faut toutefois reconnaître le rôle décisif qu’ils ont joué ce week-end. Alors que les télévisions vénézuéliennes, la chaîne américaine CNN et de ce fait une bonne partie de la presse internationale, annonçaient la démission d’Hugo Chavez, la télévision cubaine diffusait une interview de la fille du président démentant l’information: «mon père n’a pas démissionné, c’est un président démocratiquement élu qui est prisonnier dans son propre pays», lançait-elle. La télévision cubaine a, tout au long du week-end, retransmis des interviews, de la mère d’Hugo Chavez, de sa fille, de ministres restés fidèles au président, jusqu’au discours intégral et en direct du président Chavez lors de son retour au pouvoir. Ce dernier n’a pas manqué de remercier les journalistes cubains pour avoir permis à ses proches de diffuser la vérité, alors que, quelques heures avant la prise du palais de Miraflores par les putschistes, les médias vénézuéliens n’avaient même pas retransmis le discours présidentiel appelant au calme.

Mais c’est sans aucun doute sur le thème des droits de l’homme que les médias cubains s’en sont donnés à cœur joie. Alors que vendredi la délégation uruguayenne présentera un texte condamnant Cuba (écrit par Washington), devant la commission internationale des droits de l’homme de l’ONU, Granma rappelle que les Etats-Unis n’ont pas condamné le coup d’Etat au Venezuela. «les Etats-Unis appuient la démocratie quand cela leur convient et quand cela correspond à leurs intérêts économiques, stratégiques ou idéologiques» écrivait le quotidien. Même si ce qui vient de ce passer au Venezuela ne change en rien la situation des droits de l’homme à Cuba, il est clair qu’elle offre aux dirigeants cubains une bonne argumentation pour se défendre.



par Karen  DONADEL

Article publié le 17/04/2002