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Sida

L’Afrique du Sud infléchit son attitude sur le sida

Les autorités sud-africaines annoncent que les traitements nécessaires pour éviter la transmission du sida de la mère à l’enfant seront distribués. L’efficacité des antirétroviraux est officiellement reconnue, mais les programmes de distribution des médicaments sont encore loin d’être en place.
De notre correspondante en Afrique du Sud

Le revirement tant attendu de la politique gouvernementale sur le sida s’est amorcé. Plusieurs ministres ont annoncé, le 17 avril dernier, que la Nevirapine, un médicament bon marché qui réduit les risques de transmission du virus HIV de la mère à l’enfant, serait distribuée à l’échelle nationale. Le gouvernement a aussi annoncé que les victimes de viol pourraient recevoir des antirétroviraux dans les hôpitaux publics du pays. Dans un communiqué, les autorités de Pretoria ont indiqué avoir «noté que les traitements antirétroviraux pouvaient aider à améliorer la condition des personnes vivant avec le sida, s’ils sont administrés à certaines phases de la progression de la maladie».

Quoi qu’il en soit, l’accès aux antirétroviraux dans les hôpitaux publics reste hors de question. Manto Tshabalala-Msimang, la ministre de la Santé, a expliqué que le traitement de 100 000 malades coûterait quelque 700 millions de rands. Un coût trop élevé pour garantir un accès universel, à tous et sans discrimination. «Le gouvernement continuera de faire pression pour que les prix de ces médicaments baissent», a déclaré la ministre de la Santé.

Malgré tout, ce premier pas dans la reconnaissance de l’efficacité des antirétroviraux a réjoui l’association la plus militante du pays, la Campagne d’action pour les traitements (TAC). Cette dernière a intenté un procès à l’Etat pour élargir l’accès à la Nevirapine. La molécule, qui ne coûte pas plus de 30 rands par patiente, n’est jusqu’à présent distribuée aux femmes enceintes et séropositives que dans 18 hôpitaux seulement, dans le cadre d’un projet pilote, dans un pays où plus de 5 millions de personnes sont contaminées (11% de la population totale). Entériné par la Cour constitutionnelle, un verdict de la Haute cour de justice de Pretoria a contraint le gouvernement à mettre en place une distribution nationale de Nevirapine.

L'autocritique du gouvernement sud-africain

«Cette victoire pour la société civile et le ministère de la Santé crée un consensus qui va nous permettre d’aller de l’avant», a déclaré Zackie Achmat, le président de TAC, tout en se félicitant de voir «la raison l’emporter au sein du gouvernement». La position de Thabo Mbeki sur le sida, outre des effets désastreux sur sa propre image et celle du pays, est souvent mentionnée parmi les facteurs de dépréciation du rand, la monnaie nationale. Le refus d’admettre l’efficacité des antirétroviraux était devenu de plus en plus intenable ­ et de plus en plus contesté, jusque dans les rangs du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir.

Joel Netshitenzhe, le porte-parole du gouvernement, a affirmé le 17 avril dernier qu’une sévère autocritique avait eu lieu en conseil des ministres sur l’efficacité du Conseil national sud-africain sur la sida (Sanac), une structure nommée par Thabo Mbeki. «Un fait rare», a-t-il souligné. Un nouveau groupe de travail interministériel sur le sida a par ailleurs été formé par le chef de l’Etat, un autre signe d’espoir pour les militants de l’accès aux antirétroviraux.

L’annonce, cependant, a été accueillie avec un certain scepticisme par l’opposition. La ministre de la Santé ayant annoncé la Nevirapine pour «l’an prochain» et les antirétroviraux pour les victimes de viol «pas avant six mois», Patricia de Lille, une parlementaire du Congrès panafricain (PAC), s’est inquiétée de l’absence de calendrier précis. «Cela pourra prendre encore deux ans avant de voir ces mesures appliquées», a-t-elle déclaré. Le Parti démocratique (DP), la principale formation d’opposition, a pour sa part regretté que le gouvernement n’abandonne pas son appel de la décision de la Haute cour de justice de Pretoria, dont le résultat devrait être connu début mai.



par Sabine  Cessou

Article publié le 19/04/2002