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Tchétchénie

Le commandant Khattab est mort

Annoncée par les autorités russes, puis démentie par les rebelles tchétchènes, la mort du commandant Khattab, l’un des combattants les plus extrémistes de la guérilla indépendantiste, a finalement été confirmée par la fraction radicale de la rébellion tchétchène. Cette mort, dont les circonstances ne sont toujours pas élucidées, aurait été préparée depuis plus d’un an par le FSB, les services secrets russes. Elle constitue sans aucun doute un franc succès pour Moscou, enlisé depuis trois ans dans le bourbier tchétchène.
Le commandant Khattab était un personnage mystérieux, peu connu des médias à qui il n’a accordé que de très rares interviews. Ce combattant arabe –il serait saoudien ou jordanien- était pourtant un vieux routier du jihad, la guerre sainte, au nom de laquelle il a combattu en Afghanistan, en Tchétchénie mais aussi dans plusieurs autres républiques du Caucase. Khattab, âgé d’une quarantaine d’année, avait commencé sa lutte contre les Russes il y a quinze ans, abandonnant les bancs d’une université américaine pour affronter l’armée rouge en Afghanistan. En 1992, il s’est enrôlé au Tadjikistan pour soutenir l’opposition islamiste armée contre le régime de Douchambé avant de rejoindre trois ans plus tard la Tchétchénie où il a organisé les premiers camps d’entraînements. Ses embuscades contre les blindés russes et ses faits d’armes lui ont valu l’admiration des Tchétchènes et de l’un de leur prestigieux commandants Chamil Bassaïev. Les deux hommes exporteront notamment le jihad au Daguestan voisin dans l’espoir de réunir en un seul Etat islamique ces deux anciennes républiques soviétiques.

Khattab serait mort le 19 mars dernier «empoissonné par une lettre transmise par un messager qu’il connaissait». L’information a été publiée lundi sur le site internet d’une fraction radicale des indépendantistes qui précise que «le martyr» a été enterré dans les montagnes tchétchènes. Une vidéo montrant son cadavre avait été diffusée dès vendredi par la télévision russe après que les services secrets eurent affirmé la veille l’avoir éliminé au cours d’une opération spéciale. Khattab ne participait plus aux combats depuis plus de six mois, se cachant dans les montagnes et les grottes. La rumeur avait même affirmé qu’il était parti en Afghanistan apporter son soutien au régime des Taliban.

Un succès pour Moscou

Le commandant Khattab était considéré, sans doute à juste titre, comme l’un de ceux qui ont propagé dans les républiques musulmanes du Caucase le wahhabisme, ce courant islamiste radical prôné notamment par Oussama Ben Laden. Nommé chef de «l’Armée islamique du Daguestan», c’est lui qui a occupé en août 1999 avec quelques 2000 combattants tchétchènes plusieurs villages de cette petite république et proclamé un état islamique avant d’être repoussé par l’armée russe. Khattab était également accusé par Moscou, qui n’a jamais pu en fournir la preuve, d’être le principal instigateur des attentats qui ont fait près de 300 morts dans la capitale russe en septembre de la même année. Pour les services secrets il était depuis toujours la personnification du danger islamiste dans la région.

Sa mort, si elle constitue un franc succès pour Moscou qui élimine ainsi l’un des principaux chefs des indépendantistes, ne règle pas pour autant le conflit tchétchène enlisé depuis trois ans dans une traque sans merci des rebelles. La Russie, qui a décrété cette zone interdite aux journalistes étrangers, est régulièrement épinglée par les organisations de défense de droits de l’Homme qui dénoncent les exactions commises par son armée. Alors que le président Poutine affirmait le 17 avril que «la phase militaire était terminée en Tchétchénie», un attentat a fait, dans la capitale Grozni, dix-sept morts, des policiers pro-russes, apportant un cinglant démenti à son affirmation. Le conflit tchétchène aurait officiellement fait, depuis son déclenchement en 1999, 3000 morts parmi les militaires russes, mais les pertes réelles seraient au moins deux fois plus importantes. Les combats auraient en outre fait, selon des sources indépendantes, près de 150000 morts au sein de la population civile. Près de 200.000 Tchétchènes sont par ailleurs réfugiés dans les républiques voisines.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/04/2002