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Tchétchénie

Tortures, viols, exécutions sommaires

Depuis le début de l'opération militaire russe, le 1er octobre 1999, la Tchétchénie n'est plus qu'une vision d'horreur. De nombreux témoignages confirment l'ampleur des exactions russes: pillages, camps de filtration, tortures, exécutions sommairesà
Alors que les bombardements aériens et les tirs d'artillerie de l'armée russe continuent dans les montagnes du Sud, les voix des Tchétchènes et des organisations de défense des droits de l'Homme (CICR, Human Rights Watch notamment) s'élèvent de plus en plus pour dénoncer les exactions commises par les Russes.

Les massacres touchent aussi bien les guerriers tchétchènes que la population civile. Les témoignages en provenance de la République indépendantiste sont éloquents : villages figés dans la douleur, dans la barbarie et dans le sang, corps inanimés, abandonnés et pratiquement gelés jonchent le sol et quant à ceux qui ont échappé à la mort, ils se cachent, terrorisés ou se réfugient en Ingouchie. Ils seraient actuellement au nombre de 250 000 dans cette province, malades et souffrant de malnutrition.

Une jeune femme libérée depuis peu d'un camp de filtration contre un pot-de-vin, raconte à l'AFP "ils me battaient et me posaient toujours la même question : es-tu une combattante ?" , une autre rajoute "ils me tapaient avec une matraque et quand je perdais connaissance, ils m'aspergeaient d'eau et recommençaient".

Les exactions à l'encontre des civils sont innommables : tortures, sévices, viols, pour la plupart subis par des détenus dans les camps de filtration, que les Russes appellent plus prosaïquement des "points de contrôle", les laissent morts, invalides ou atteints de maux psychologiques irréversibles.

Les témoignages d'atrocités, rapportés par les journalistes présents sur le terrain, ne cessent de se multiplier. Un homme détenu dans le camp de filtration deTchernokozovo livre un horrible récit des pratiques qui y sévissent "Avant le marteau, je pensais qu'il n'y avait rien de pire que les matraques, mais j'ai compris que la matraque n'était rien". D'autres témoins disent avoir subi toutes sortes de tortures pendant de longs interrogatoires, d'avoir été contraints de ramper aux pieds d'officiers russes en prononçant des propos dégradants, d'avoir été détenus presque nus pendant des jours dans des cellules sans toilette. "Les gardes portaient des masques. On m'a forcé de marcher à quatre pattes et de parler dans cette position à l'officier" renchérit un autre.

D'autres civils tchétchènes, témoins de nettoyages perpétrés dans des villages par les forces militaires russes relatent l'horreur "Ils étaient venus pour nous tuer. Ils demandaient de l'argent et nous humiliaient. Mes voisins leur ont donné 200 dollars mais ils les ont quand même tués".

D'autres encore témoignent de cas de viol. Une femme enfermée dans un camp de filtration et sortie depuis quelques jours raconte le sort qu'a subi une autre de ses concitoyenne "Elle a été battue sans pitié, puis on a compris qu'ils la violaient. Elle les suppliait de ne pas le faire. Les soldats utilisaient un sale langage et cela a duré un moment". Les hommes, non plus, n'ont pas été épargnés "ils ont ordonné à un homme de se déshabiller après l'avoir cruellement battu puis ils l'ont allongé. Ils lui ont fait quelque chose, un acte comme la sodomieà Nous l'avons entendu dire "s'il vous plait, ce n'est pas nécessaire". Deux fois, la même chose lui est arrivée et il y a eut deux ou trois autres cas semblables".

Un rapport (http://www.medecinsdumonde.org) de l'organisation non-gouvernementale, Médecins du monde (MDM), rendu public le 23 février, confirme les dires de tous ces civils et dénonce "les crimes de guerre massifs, systématiques et répétés" et déplore de surcroît "les grandes insuffisances de l'aide alimentaire, de la situation sanitaire et des soins médicaux" dans les camps de déplacés.

Après ses investigations sur le terrain (MDM était la seule ONG présente en Tchétchénie au moment de l'entrée des forces russes, le 1er octobre 1999) et les témoignages recueillis, MDM s'insurge contre "les violations du droit humanitaire, l'existence de plusieurs camps de filtration et les exactions des militaires russes".

Mais malgré la pression internationale et les récits d'atrocités, Moscou feint d'ignorer la réalité et continue son offensive contre les derniers bastions indépendantistes dans les montagnes tchétchènes appliquant, sans relâche, sa méthode de "nettoyage" systématique.



par Clarisse  Vernhes

Article publié le 27/03/2000