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Pays-Bas

Le populisme fait une entrée fracassante au Parlement

Au cours de la nuit le paysage politique néerlandais a subi une profonde transformation. Le pays s’est doté d’une Assemblée conservatrice, en rupture avec la précédente, et dans laquelle les populistes de la «Liste Pim Fortuyn», avec 26 députés, font une entrée fracassante. Configuration inédite qui prépare un gouvernement de coalition hautement sensible aux thèmes sécuritaires.
Sans surprise, la coalition sociale-démocrate a été bousculée lors du scrutin législatif de mercredi, usée par 8 années de pouvoir, incapable de contrer efficacement le discours populiste d'un mouvement réactionnaire balbutiant et tétanisée par l’assassinat de son chef de file, le 6 mai. C’est un désaveu brutal pour l’équipe sortante qui perd prés de la moitié de son électorat. C’est incontestablement un succès pour les conservateurs et notamment pour la liste du parti chrétien-démocrate (CDA), désormais première formation du pays avec 43 sièges, et qui se retrouve en situation de conduire le prochain gouvernement du royaume. Conformément à la tradition politique néerlandaise, compte tenu du système politique de représentation proportionnel intégral, ce sera un gouvernement de coalition. Au lendemain du scrutin, nous ne disposons que d’une photographie du rapport des forces représentées à l’Assemblée. Il appartient à présent à la reine Beatrix de désigner un «formateur». Ce dernier va entamer des consultations qui devront aboutir à la mise au point d’un programme commun entre les formations appelées à gouverner. En cas de blocage, si aucun consensus n’est trouvé, la reine peut recourir à un «informateur» pour dépasser les clivages. Ces consultations peuvent prendre beaucoup de temps, des semaines voire des mois. Dans la situation présente, avec les scores enregistrés, c’est douteux. La suprématie des démocrates-chrétiens dans la nouvelle Assemblée fait de leur leader, Jan Peter Balkanende, un futur premier ministre quasi-incontournable. D’autant que le CDA ne manifeste aucune répulsion à l’idée de gouverner avec les élus de la «Liste Pim Fortuyn». Au contraire, son chef de file déclare travailler dans cette perspective. Pour conforter cette coalition, et lui donner la majorité dont elle a besoin pour gouverner, le parti libéral VVD pourrait faire figure de troisième larron. Issu de l’équipe sortante de la «coalition pourpre», il vient d’en payer le prix fort en perdant 15 sièges, avec 23 députés dans la nouvelle Assemblée. Si le VVD fait alliance avec les deux autres, ce qui paraît vraisemblable à la lecture des commentaires de ses dirigeants, la nouvelle coalition pourrait compter sur une confortable majorité de 92 députés sur 150.

Quel programme ?

Apparemment les députés de la «Liste» connaissent leurs faiblesses et si ce n’est pas le cas la presse ne se prive pas de leur rappeler qu’en politique ce sont des parvenus de fraîche date. Leurs slogans islamophobes et anti-immigration ne font pas un programme. Ils savent qu’ils doivent apprendre et comptent bien sur leurs alliés au sein de la future coalition pour les initier aux subtilités de l’exercice du pouvoir. Ainsi chaperonnés par des professionnels rompus aux méandres politiciens, il n’est pas sûr que les novices trébuchent sur leur inexpérience, comme le laissent entendre un certains nombre d’observateurs. L’hypothèse la plus vraisemblable est qu’ils pèseront de toute leur influence sur le travail gouvernemental et que leurs thèmes de prédilection, insécurité et immigration, enrichiront massivement les débats parlementaires de la prochaine législature néerlandaise.
Reste la réputation du pays à l’étranger. Il est étonnant de constater que, même au sein de la coalition sortante, on se refuse à diaboliser la «Liste» en la qualifiant «d’extrême droite». Le secrétaire d’Etat aux finances sortant, le travailliste Wouter Bos, s’est employé à corriger l’image du défunt leader Pim Fortuyn en déclarant : «il n’était pas notre Le Pen. Fortuyn avait créé une combinaison unique qui n’était pas définissable en terme de gauche et de droite». Avant d’être assassiné, en effet, Pim Fortuyn avait à maintes reprises eu l’occasion d’exprimer l’aversion que lui inspirait ceux qui se réclament de l’extrême droite ultra nationaliste, xénophobe et antisémite. En revanche il se déclarait proche du chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, et admiratif à l’égard de l’ancien premier ministre britannique Margareth Thatcher.

Les résultats publiés par l'agence nationale néerlandaise ANP:
- parti chrétien-démocrate (CDA): 43 sièges (29 dans la
précédente assemblée)
- Liste Pim Fortuyn (LPF): 26 (0)
- Parti travailliste (PvdA): 23 sièges (45)
- Parti libéral (VVD): 23 (38)
- Verts: 11 (11)
- Parti socialiste (SP): 9 (5)
- Parti réformateur (D66): 7 (14)
- Parti protestant ChristenUnie: 4 (5)
- Parti protestant (SGP): 2 (3)
- Leefbar Nederland: 2 (0)
La chambre des députés compte 150 sièges. Ces résultats sont officieux. Les résultats officiels seront rendus publics le 21 mai.



par Georges  Abou

Article publié le 16/05/2002