Togo
Le président Eyadéma limoge son Premier ministre
La rumeur qui circulait depuis plusieurs semaines sur une probable démission d'Agbéyomé Kodjo est finalement devenue une réalité: le président Eyadéma a limogé jeudi son Premier ministre. Officiellement, il s'agit de relancer rapidement le processus électoral en vue des prochaines législatives, déjà au centre des préoccupations du gouvernement sortant.
De notre correspondant à Lomé
La crise politique au sein du Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir) a fini par emporter le Premier ministre Gabriel Agbéyomé Kodjo, pourtant l'un des fidèles collaborateurs du chef de l'Etat togolais. Jeudi 27 juin 2002, aux environs de 19 heures, un communiqué de la Présidence de la République, signé du général Gnassingbé Eyadéma, met fin aux fonctions du Premier ministre. Le texte indique qu'«il est apparu nécessaire de mettre en place un nouveau gouvernement dont l'objectif essentiel sera de permettre la mise en oeuvre le plus rapidement possible du processus électoral».
Pour atteindre cet objectif, le chef de l'Etat remplace le Premier ministre sortant par son ministre de l'Education nationale et de la Recherche, Koffi Sama, également Secrétaire général du parti. En clair, le président Eyadéma accuserait le gouvernement de M. Kodjo de traîner les pieds pour organiser les législatives anticipées prévues par l'Accord-cadre de Lomé, conclu en juillet 1999 entre l'oppositon et la mouvance présidentielle. L'argument aura du mal à convaincre, au regard de l'état d'avancement de la préparation des élections. Il y a six mois, en décembre 2001, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) défunte en était déjà à la dernière étape des préparatifs, notamment à commander les cartes d'électeurs et les bulletins de vote, pour le scrutin prévu pour mars 2002.
Un désaccord entre l'opposition et la mouvance présidentielle sur le fournisseur du matériel, suivi en février par la modification d'un code électoral consensuel par un Parlement monocolore (composé exclusivement de députés RPT) ont fini par créer un nouveau blocage du processus électoral. Blocage difficilement imputable au gouvernement d'Agbéyomé Kodjo dont le seul rôle dans l'organisation des élections était de pourvoir la CENI de moyens financiers, en tout 2,5 milliards de francs CFA au titre du budget des élections que le gouvernement sortant a pu rassembler, avec l'appui de l'Union européenne, la France et l'Organisation internationale de la francophonie.
Dissensions au sein du RPT
Le Premier ministre sortant est, en fait, depuis plusieurs semaines dans une tourmente, suite à son refus de signer une mise au point de son parti, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), pour condamner une déclaration très critique de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Maurice Dahuku Péré, également membre du parti, qui réclamait de sérieuses réformes en son sein et dans la gestion du pays. «L'intolérance et l'exclusion semblent avoir déserté les rangs de l'opposition pour s'incruster solidement dans les nôtres», écrivait M. Péré, député à l'Assemblée, dans une lettre ouverte mi-mars 2000 au chef de l'Etat et au Comité central du RPT. L'ancien séminariste, gêné qu'il était dans sa conscience de chrétien, estimait que «l'égoïsme, l'orgueil et la fierté mal placée» sèment des «ravages» dans leurs propres rangs, dans les rapports avec les adversaires politiques et le peuple ainsi que dans leurs relations avec la communauté internationale, «hypothéquant dangereusement l'avenir de la patrie». Il admet par ailleurs dans sa lettre que, par leur faute, le Togo «dépérit chaque jour économiquement, socialement et politiquement» et que le pays est marginalisé par la communauté internationale. L'attitude d'Agbéyomé Kodjo, qui estimait dans l'hebdomadaire Le Reporter que c'est «une insulte» à la personne de Péré que de signer la mise au point du parti, a jeté un froid sur ses relations avec le chef de l'Etat qui tranche visiblement contre le député Péré, devenu fils «rebelle» du parti. M. Kodjo avait fait état notamment de traitements «humiliants» à son encontre et menacé de «démissionner» si la situation ne changeait pas. La menace a été mise à exécution. Jeudi, le Premier ministre sortant a annoncé en début d'après-midi à la presse qu'il présentait sa démission. Il ressortait d'un dernier entretien avec le président Eyadéma. Nommé depuis le 29 août 2000, Agbéyomé Kodjo a dit s'être entretenu ces derniers jours avec le président Gnassingbé Eyadéma au sujet de sa démission. Convaincu qu'il est victime de sa prise de position en faveur du député Péré, il s'est déclaré «soulagé» et «fier du bilan de son action à la tête du gouvernement».
Dans l'entourage du chef de l'Etat où, visiblement, on s'accordait du temps avant d'annoncer la nouvelle, la panique était perceptible après la déclaration de M. Kodjo. La Présidence a rejeté toute relation entre cette démission et la désormais célèbre «affaire Péré». Ecarté du pouvoir, M. Agbéyomé Kodjo se donne encore le temps de réfléchir sur son avenir. «D'une manière ou d'une autre, partout où je serai, j'apporterai ma contribution au développement du pays», a-t-il déclaré au journaliste de RFI au lendemain de son limogeage.
Le nouveau Premier ministre, Koffi Sama, âgé d'une cinquantaine d'année et doté d'une nature très discrète, aura la charge plutôt compliquée de gérer une période critique en raison d'un scrutin législatif qui s'annonce très mouvementé. L'opposition a refusé de se faire représenter à la CENI paritaire (pouvoir/opposition) telle que définie par le nouveau code électoral dont elle conteste vivement la modification. En lieu et place de la CENI, la Cour constitutionnelle nomme un comité de sept magistrats pour conduire l'organisation des élections. L'opposition crie au scandale, à la violation de l'accord conclu de manière consensuelle et refuse de participer à un scrutin organisé par des juges «inféodés au pouvoir». Ce qui met le pouvoir en difficulté vis-à-vis des partenaires occidentaux qui exigent des élections pluralistes et démocratiques avant la reprise de l'aide internationale, suspendue depuis près de dix ans.
La crise politique au sein du Rassemblement du peuple togolais (RPT, au pouvoir) a fini par emporter le Premier ministre Gabriel Agbéyomé Kodjo, pourtant l'un des fidèles collaborateurs du chef de l'Etat togolais. Jeudi 27 juin 2002, aux environs de 19 heures, un communiqué de la Présidence de la République, signé du général Gnassingbé Eyadéma, met fin aux fonctions du Premier ministre. Le texte indique qu'«il est apparu nécessaire de mettre en place un nouveau gouvernement dont l'objectif essentiel sera de permettre la mise en oeuvre le plus rapidement possible du processus électoral».
Pour atteindre cet objectif, le chef de l'Etat remplace le Premier ministre sortant par son ministre de l'Education nationale et de la Recherche, Koffi Sama, également Secrétaire général du parti. En clair, le président Eyadéma accuserait le gouvernement de M. Kodjo de traîner les pieds pour organiser les législatives anticipées prévues par l'Accord-cadre de Lomé, conclu en juillet 1999 entre l'oppositon et la mouvance présidentielle. L'argument aura du mal à convaincre, au regard de l'état d'avancement de la préparation des élections. Il y a six mois, en décembre 2001, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) défunte en était déjà à la dernière étape des préparatifs, notamment à commander les cartes d'électeurs et les bulletins de vote, pour le scrutin prévu pour mars 2002.
Un désaccord entre l'opposition et la mouvance présidentielle sur le fournisseur du matériel, suivi en février par la modification d'un code électoral consensuel par un Parlement monocolore (composé exclusivement de députés RPT) ont fini par créer un nouveau blocage du processus électoral. Blocage difficilement imputable au gouvernement d'Agbéyomé Kodjo dont le seul rôle dans l'organisation des élections était de pourvoir la CENI de moyens financiers, en tout 2,5 milliards de francs CFA au titre du budget des élections que le gouvernement sortant a pu rassembler, avec l'appui de l'Union européenne, la France et l'Organisation internationale de la francophonie.
Dissensions au sein du RPT
Le Premier ministre sortant est, en fait, depuis plusieurs semaines dans une tourmente, suite à son refus de signer une mise au point de son parti, le Rassemblement du peuple togolais (RPT), pour condamner une déclaration très critique de l'ancien président de l'Assemblée nationale, Maurice Dahuku Péré, également membre du parti, qui réclamait de sérieuses réformes en son sein et dans la gestion du pays. «L'intolérance et l'exclusion semblent avoir déserté les rangs de l'opposition pour s'incruster solidement dans les nôtres», écrivait M. Péré, député à l'Assemblée, dans une lettre ouverte mi-mars 2000 au chef de l'Etat et au Comité central du RPT. L'ancien séminariste, gêné qu'il était dans sa conscience de chrétien, estimait que «l'égoïsme, l'orgueil et la fierté mal placée» sèment des «ravages» dans leurs propres rangs, dans les rapports avec les adversaires politiques et le peuple ainsi que dans leurs relations avec la communauté internationale, «hypothéquant dangereusement l'avenir de la patrie». Il admet par ailleurs dans sa lettre que, par leur faute, le Togo «dépérit chaque jour économiquement, socialement et politiquement» et que le pays est marginalisé par la communauté internationale. L'attitude d'Agbéyomé Kodjo, qui estimait dans l'hebdomadaire Le Reporter que c'est «une insulte» à la personne de Péré que de signer la mise au point du parti, a jeté un froid sur ses relations avec le chef de l'Etat qui tranche visiblement contre le député Péré, devenu fils «rebelle» du parti. M. Kodjo avait fait état notamment de traitements «humiliants» à son encontre et menacé de «démissionner» si la situation ne changeait pas. La menace a été mise à exécution. Jeudi, le Premier ministre sortant a annoncé en début d'après-midi à la presse qu'il présentait sa démission. Il ressortait d'un dernier entretien avec le président Eyadéma. Nommé depuis le 29 août 2000, Agbéyomé Kodjo a dit s'être entretenu ces derniers jours avec le président Gnassingbé Eyadéma au sujet de sa démission. Convaincu qu'il est victime de sa prise de position en faveur du député Péré, il s'est déclaré «soulagé» et «fier du bilan de son action à la tête du gouvernement».
Dans l'entourage du chef de l'Etat où, visiblement, on s'accordait du temps avant d'annoncer la nouvelle, la panique était perceptible après la déclaration de M. Kodjo. La Présidence a rejeté toute relation entre cette démission et la désormais célèbre «affaire Péré». Ecarté du pouvoir, M. Agbéyomé Kodjo se donne encore le temps de réfléchir sur son avenir. «D'une manière ou d'une autre, partout où je serai, j'apporterai ma contribution au développement du pays», a-t-il déclaré au journaliste de RFI au lendemain de son limogeage.
Le nouveau Premier ministre, Koffi Sama, âgé d'une cinquantaine d'année et doté d'une nature très discrète, aura la charge plutôt compliquée de gérer une période critique en raison d'un scrutin législatif qui s'annonce très mouvementé. L'opposition a refusé de se faire représenter à la CENI paritaire (pouvoir/opposition) telle que définie par le nouveau code électoral dont elle conteste vivement la modification. En lieu et place de la CENI, la Cour constitutionnelle nomme un comité de sept magistrats pour conduire l'organisation des élections. L'opposition crie au scandale, à la violation de l'accord conclu de manière consensuelle et refuse de participer à un scrutin organisé par des juges «inféodés au pouvoir». Ce qui met le pouvoir en difficulté vis-à-vis des partenaires occidentaux qui exigent des élections pluralistes et démocratiques avant la reprise de l'aide internationale, suspendue depuis près de dix ans.
par Guy Mario
Article publié le 28/06/2002