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Togo

Le débat politique à la case départ

Après près de trois ans d’une facilitation pleine
d’embûches et d’obstacles, les quatre médiateurs
étrangers achèvent leur mission le 31 mai 2002 au
Togo, laissant l’opposition et le pouvoir face à leurs
divergences et à un scrutin législatif qui s’annonce
très incertain et mouvementé.
Le 31 mai 2002 marque officiellement la fin de la mission des «facilitateurs» étrangers désignés par la France, l’Allemagne, l’Union européenne et l’Organisation de la francophonie pour conduire à terme l’accord politique conclu le 29 juillet 1999 entre l’opposition et la mouvance du président
Eyadéma. Au titre du bilan, on pourra clairement noter
qu’au bout de 32 mois, les élections législatives anticipées prévues par l’accord-cadre de Lomé, et qui sont supposées mettre un terme à l’interminable crise politique au Togo, n’ont pu avoir lieu. Pour l’heure, les «facilitateurs», à l’instar du Français Bernard Stasi, se refusent à parler d’échec. «Je ne veux pas employer ce mot d’échec», s’est défendu vendredi sur RFI le médiateur français, avant de reconnaître «un certain blocage que nous sommes obligés de constater». Ce n’est en revanche pas la position du Secrétaire général de l’Union des forces de changement (UFC, opposition), Jean-Pierre Fabre qui, lui, a fait vendredi sur RFI un constat d’échec
et accusé les facilitateurs de «silence coupable» pour
n’avoir pas su hausser le ton au moment opportun tout en
accusant la mouvance présidentielle d’être responsable
du blocage. Par contre, à la Convergence patriotique panafricaine (CPP, opposition modérée), on attend des facilitateurs un rapport couvrant l’ensemble de leurs missions et établissant «clairement les responsabilités», selon les propres termes de son 3ème vice-président, Cornélius Aïdam, dans une interview le 31 mai 2002 à l’hebdomadaire togolais «Nouvel Echo»(proche de l’opposition).

En fait de blocage, le chemin de l’application de l’accord de juillet 1999 a été semé d’embûches et d’obstacles divers au nombre desquels figure la récente nomination de magistrats pour enfin conduire le processus électoral. Après avoir tous apposé
leur signature au bas du texte de l’accord, les cinq principaux partis d’opposition et la mouvance présidentielle, forts de leurs divergences, avaient mis un an pour mettre en place la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et élire son président, et ce après l’intervention des facilitateurs. Il avait fallu six autres mois, en janvier 2001, pour
s’entendre sur une date pour le scrutin législatif, également avec l’aide des facilitateurs.
Dans la foulée, l’un des principaux signataires des accords, l’opposant Yawovi Agboyibo, leader du Comité d’action pour le renouveau (CAR), est condamné le 3 août 2001 à 6 mois de prison ferme pour «diffamation» envers le Premier ministre Agbéyomé Kodjo, provoquant ainsi le retrait du dialogue des autres membres de l’opposition. Ce qui n’empêchera pas Agboyibo de
purger sa peine. Bien entendu, le gouvernement attribue la responsabilité du blocage à l’opposition qu’il accuse de prendre «prétexte» de l’incarcération de Me Agboyibo, «condamné pour des motifs de droit commun», pour refuser de siéger au Comité paritaire de suivi (CPS). Le coup de grâce a été porté à cet accord politique lorsqu’en février dernier le Parlement, entièrement constitué de députés de la mouvance présidentielle, adopte des modifications au code électoral, issu de manière consensuelle de l’Accord-cadre de Lomé. L’une de ces modifications est de nommer un comité de sept magistrats pour conduire l’organisation du scrutin législatif, en cas de refus de l’opposition de siéger à la CENI. En adoptant la disposition relative à la nomination du comité des magistrats, le pouvoir avait en quelque sorte prévu la réaction de la partie adverse qui avait tout de suite dénoncé la «manière unilatérale» de modifier le code électoral et annoncé clairement son refus de cautionner une telle démarche en refusant de se faire représenter à la CENI. Mais le pouvoir a estimé que cette modification n’entache en rien le caractère consensuel des accords de Lomé. De source proche de l’UFC, le parti de Gilchrist Olympio, «il n’est pas question de participer à cette comédieélectorale» dont le décors se met en place avec cette commission de magistrats.

L’oraison funèbre de l’accord-cadre

Ainsi donc, l’accord-cadre de Lomé a vécu. A présent il appartient sans doute au passé. A moins de trouver une nouvelle formule. Selon Martin Aduayom de la Convention des peuples africains (CDPA, opposition), son «oraison funèbre» a été prononcée par le pouvoir en procédant à la nomination de magistrats pour remplacer une CENI paritaire (pouvoir/opposition). A moins d’un sursaut d’orgueil
de l’opposition, comme cela se fait sentir à la CPP,
pour maintenir une certaine forme de dialogue hors du
cadre des accords, la situation politique aujourd’hui
n’a pas évolué par rapport à la période d’avant juillet 1999. Aussi la CPP de l’ex-Premier ministre Edem Kodjo, par la voix de son 3ème vice-président Cornelius Aïdam, a déclaré que «l’opposition doit aller aux élections législatives ne serait-ce que pour empêcher le pouvoir de disposer d’une majorité pour modifier la Constitution à son seul profit et
permettre au président Eyadéma de se présenter autant
de fois qu’il le souhaitera
». «Bref, conclut-il, il n’existe aucune solution de facilité. L’opposition aura à affronter la sueur, la peine et il faut beaucoup de courage pour tout cela». Selon la Constitution, le président Eyadéma achèvera son second et dernier mandat fin 2003.



par Guy  Mario

Article publié le 01/06/2002