Togo
Vers la décrispation
Après plus de sept mois passés en prison pour un délit de diffamation de l'actuel Premier ministre, la libération de l'opposant Yawovi Agboyibo va, sans doute, rouvrir la voie du dialogue entre l'opposition et le pouvoir au Togo.
De notre correspondant à Lomé
«Maintenant que la libération de Me Agboyibo est effective, il y aura une décrispation de la vie politique. Tout ira bien du côté du dialogue intertogolais». C'est en ces termes que George Aïdam, membre du Comité politique du Comité d'action pour le renouveau (CAR, opposition) de l'avocat Yawovi Agboyibo, a accueilli, l'air heureux, la libération jeudi soir de son leader par une décision du chef de l'État togolais. Le président Gnassingbé Eyadéma a justifié sa décision par un souci «d'apaisement».
L'apaisement, c'est la pilule qui a certainement manqué ces derniers mois au débat politique au Togo. Il est indéniable que l'emprisonnement depuis le 3 août 2001 de Me Agboyibo, l'un des principaux leaders de l'opposition, a empoisonné la vie politique au Togo. C'est autour de 21 heures TU jeudi que Me Agboyibo, celui qu'on a surnommé au Togo Le Bélier noir, a été conduit de la prison civile de Lomé à son domicile. Très amaigri et affaibli, il a été accueilli par sa famille, ses proches collaborateurs et des militants dans une ambiance de joie doublée d'émotions.
Membre du Comité paritaire de suivi (CPS), l'organe chargé de l'application des accords du 29 juillet 1999 entre l'opposition et la mouvance du président Eyadéma, la condamnation de l'avocat à six mois de prison ferme pour «diffamation» à l'endroit du Premier ministre était perçue par l'opposition comme un rejet par le pouvoir desdits accords. Résultat : l'opposition suspend en octobre sa participation au dialogue au sein du CPS, et fait de la libération d'Agboyibo le préalable à toutes discussions ultérieures. Les différentes missions des facilitateurs étrangers du dialogue intertogolais à Lomé n'ont pu amener l'opposition à changer de position. Celle-ci inclut notamment le refus de l'opposition de participer au scrutin législatif anticipé précédemment fixé au 10 mars 2002.
Ainsi, pendant qu'elle désapprouvait encore la récente modification de la loi électorale par le pouvoir, l'opposition n'avait inscrit que la libération de Me Agboyibo à l'ordre du jour de sa rencontre en février avec le chef de l'État. En fait d'une affaire juridique, comme l'a toujours clamé le pouvoir, plusieurs observateurs de la vie politique togolaise avaient souligné dès le départ que l'incarcération de Me Agboyibo était beaucoup plus politique, et avaient souhaité qu'elle soit réglée ainsi. Fait palpable de cet imbroglio juridico-politique : après cinq mois de prison, la Cour d'appel annule en janvier la procédure du jugement d'Agboyibo par le Tribunal de Première instance de Lomé, tout en restant muette sur sa libération.
Reprise certaine du dialogue
Plus paradoxal, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel va rejeter plus tard une ordonnance de mise en liberté de Me Agboyibo délivrée par le juge d'instruction du Tribunal de Première instance. Le dialogue interrompu, il était devenu très délicat pour le pouvoir d'organiser seul les législatives anticipées dont l'objectif, fixé par l'accord-cadre de Lomé, était de faire participer l'opposition. Ce qui justifie pour l'essentiel le report sine die du scrutin législatif. Ce report, selon un diplomatique à Lomé, constitue «une ouverture» pour le dialogue entre les deux parties.
On pourra, à présent que la libération de l'avocat est effective, s'attendre à la reprise très prochaine du dialogue intertogolais au sein du Comité paritaire de suivi. «Ce qui Me paraît plus important, c'est qu'à la suite du recouvrement de ma liberté, le dialogue puisse être repris et que le Togo puisse sortir de la crise. Si dans les minutes qui suivent on est conviés à une réunion du CPS, j'y serai immédiatement», a déclaré l'opposant à la presse au lendemain de sa libération. L'opposition qui souhaite voir les élections législatives anticipées s'organiser très rapidement ne manquera pas de ramener sur la table de discussions les récentes modifications apportées au code électoral. Elle en avait dénoncé la manière «unilatérale» du pouvoir de réviser cette loi, alors que le texte avait été conçu sur une base consensuelle.
Qu'à cela ne tienne, la mouvance du président Eyadéma soutient que les modifications apportées à la loi électorale n'ont en rien affecté son caractère consensuel et paritaire. Mais il paraît certain que, de part et d'autre, «il y a une volonté de sortir de l'impasse», affirment plusieurs sources diplomatiques à Lomé. Tout compte fait, Yawovi Agboyibo, «tirant leçon de tout ce qui s'est passé», appelle à une réflexion de fond sur les élections, au-delà du «dialogue formel» mené jusqu'ici. «Vous savez, au Togo, les problèmes plus cruciaux sont des problèmes de fond et d'intérêts. Parfois nous avons tendance à l'oublier, or qu'on le veuille ou non, la politique, c'est d'abord l'art de gérer les intérêts et les forces», a-t-il affirmé.
«Maintenant que la libération de Me Agboyibo est effective, il y aura une décrispation de la vie politique. Tout ira bien du côté du dialogue intertogolais». C'est en ces termes que George Aïdam, membre du Comité politique du Comité d'action pour le renouveau (CAR, opposition) de l'avocat Yawovi Agboyibo, a accueilli, l'air heureux, la libération jeudi soir de son leader par une décision du chef de l'État togolais. Le président Gnassingbé Eyadéma a justifié sa décision par un souci «d'apaisement».
L'apaisement, c'est la pilule qui a certainement manqué ces derniers mois au débat politique au Togo. Il est indéniable que l'emprisonnement depuis le 3 août 2001 de Me Agboyibo, l'un des principaux leaders de l'opposition, a empoisonné la vie politique au Togo. C'est autour de 21 heures TU jeudi que Me Agboyibo, celui qu'on a surnommé au Togo Le Bélier noir, a été conduit de la prison civile de Lomé à son domicile. Très amaigri et affaibli, il a été accueilli par sa famille, ses proches collaborateurs et des militants dans une ambiance de joie doublée d'émotions.
Membre du Comité paritaire de suivi (CPS), l'organe chargé de l'application des accords du 29 juillet 1999 entre l'opposition et la mouvance du président Eyadéma, la condamnation de l'avocat à six mois de prison ferme pour «diffamation» à l'endroit du Premier ministre était perçue par l'opposition comme un rejet par le pouvoir desdits accords. Résultat : l'opposition suspend en octobre sa participation au dialogue au sein du CPS, et fait de la libération d'Agboyibo le préalable à toutes discussions ultérieures. Les différentes missions des facilitateurs étrangers du dialogue intertogolais à Lomé n'ont pu amener l'opposition à changer de position. Celle-ci inclut notamment le refus de l'opposition de participer au scrutin législatif anticipé précédemment fixé au 10 mars 2002.
Ainsi, pendant qu'elle désapprouvait encore la récente modification de la loi électorale par le pouvoir, l'opposition n'avait inscrit que la libération de Me Agboyibo à l'ordre du jour de sa rencontre en février avec le chef de l'État. En fait d'une affaire juridique, comme l'a toujours clamé le pouvoir, plusieurs observateurs de la vie politique togolaise avaient souligné dès le départ que l'incarcération de Me Agboyibo était beaucoup plus politique, et avaient souhaité qu'elle soit réglée ainsi. Fait palpable de cet imbroglio juridico-politique : après cinq mois de prison, la Cour d'appel annule en janvier la procédure du jugement d'Agboyibo par le Tribunal de Première instance de Lomé, tout en restant muette sur sa libération.
Reprise certaine du dialogue
Plus paradoxal, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel va rejeter plus tard une ordonnance de mise en liberté de Me Agboyibo délivrée par le juge d'instruction du Tribunal de Première instance. Le dialogue interrompu, il était devenu très délicat pour le pouvoir d'organiser seul les législatives anticipées dont l'objectif, fixé par l'accord-cadre de Lomé, était de faire participer l'opposition. Ce qui justifie pour l'essentiel le report sine die du scrutin législatif. Ce report, selon un diplomatique à Lomé, constitue «une ouverture» pour le dialogue entre les deux parties.
On pourra, à présent que la libération de l'avocat est effective, s'attendre à la reprise très prochaine du dialogue intertogolais au sein du Comité paritaire de suivi. «Ce qui Me paraît plus important, c'est qu'à la suite du recouvrement de ma liberté, le dialogue puisse être repris et que le Togo puisse sortir de la crise. Si dans les minutes qui suivent on est conviés à une réunion du CPS, j'y serai immédiatement», a déclaré l'opposant à la presse au lendemain de sa libération. L'opposition qui souhaite voir les élections législatives anticipées s'organiser très rapidement ne manquera pas de ramener sur la table de discussions les récentes modifications apportées au code électoral. Elle en avait dénoncé la manière «unilatérale» du pouvoir de réviser cette loi, alors que le texte avait été conçu sur une base consensuelle.
Qu'à cela ne tienne, la mouvance du président Eyadéma soutient que les modifications apportées à la loi électorale n'ont en rien affecté son caractère consensuel et paritaire. Mais il paraît certain que, de part et d'autre, «il y a une volonté de sortir de l'impasse», affirment plusieurs sources diplomatiques à Lomé. Tout compte fait, Yawovi Agboyibo, «tirant leçon de tout ce qui s'est passé», appelle à une réflexion de fond sur les élections, au-delà du «dialogue formel» mené jusqu'ici. «Vous savez, au Togo, les problèmes plus cruciaux sont des problèmes de fond et d'intérêts. Parfois nous avons tendance à l'oublier, or qu'on le veuille ou non, la politique, c'est d'abord l'art de gérer les intérêts et les forces», a-t-il affirmé.
par Guy Mario
Article publié le 15/03/2002