Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Togo

Report du scrutin législatif

Les Togolais n'ont pas fini de servir de balle de ping-pong entre un pouvoir trentenaire et une éternelle opposition encore incapable de trouver le chemin qui mène au trône.
De notre correspondant à Lomé

On s'y attendait : le scrutin législatif anticipé tant attendu pour le 10 mars 2002 vient d'être reporté sine die. Et pour la seconde fois en six mois. Contrairement au premier report du même scrutin en octobre 2001, les moyens financiers sont disponibles mais, c'est un désaccord né de la modification, dans les derniers jours, de la loi électorale par le pouvoir qui met l'opposition en courroux. Réponse : celle-ci refuse de siéger au sein de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) telle que redéfinie par le nouveau code.

En l'absence d'une CENI dont la tâche est de préparer et d'organiser les élections, point d'élections. C'est ce qui ressort, en tout cas, du communiqué du gouvernement ayant annulé mardi dernier le scrutin du 10 mars 2002. Les raisons n'ont en fait jamais manqué à l'une ou l'autre partie pour remettre en cause l'acte commun pris le 29 juillet 1999, à la signature de l'Accord-cadre de Lomé entre la mouvance du président Gnassingbé Eyadéma et l'opposition.

Bien qu'il n'y ait pas eu de critiques sur le fond de la révision du code électoral dont tout le monde reconnaît la difficulté d'application, l'argument de l'opposition est simple et logique : la loi électorale est un texte issu des accords de Lomé, elle ne peut de ce fait être modifiée par le pouvoir seul. «Le processus électoral est sorti de son cadre légal consensuel depuis que le pouvoir a procédé à la modification du code électoral», avait expliqué George Aïdam, un des responsables du Comité d'action pour le renouveau (CAR, opposition) de l'avocat incarcéré Yawovi Agboyibo.

Le scrutin aurait dû avoir lieu il y a trois ans

Les Togolais peuvent encore espérer... patiemment ; le gouvernement a promis de prendre «toutes les dispositions légales» pour leur permettre un jour de sanctionner le plus mauvais acteur politique. Sauf que, pour connaître la prochaine date des élections législatives, il faudra attendre la mise en place de la CENI, et donc la décision de l'opposition d'y envoyer ses cinq (5) représentants. «Ces élections n'auront jamais lieu», a observé un conducteur de taxi-moto qui ne comprenait pas comment l'opposition qui refuse de cautionner une loi va se décider à siéger à la CENI.

Il y a trois ans que le scrutin législatif anticipé aurait dû avoir lieu. Les accords politiques de juillet 1999, devenus nécessaires à la suite des législatives de mars de la même année, boycottées par l'ensemble de l'opposition, avaient fixé 2000 pour un nouveau scrutin. Celui-ci devait permettre à l'opposition d'être représentée à l'Assemblée, ce qui justifiait le terme «anticipé». La classe politique togolaise, tiraillée par d'incessants désaccords, avait mis un an, en juillet 2000, pour mettre en place la Commission électorale nationale indépendante (CENI) prévue par l'Accord-cadre de Lomé. Il avait par la suite fallu des pressions diverses, notamment celles de «facilitateurs» étrangers du dialogue intertogolais, pour que la CENI ne se décide en janvier 2001 à retenir la date du 14 octobre suivant pour le scrutin législatif.

Au bout de neuf mois, malgré l'opportunité qui s'offrait au pouvoir de requérir à l'appui financier de l'Union européenne, la date du 14 octobre 2001 pour le premier tour du scrutin sera déclarée «caduque» par la CENI qui avait évoqué pour le report des difficultés techniques et financiers. Le budget des élections, fixé à près de 4 milliards de francs CFA, avait dû être revu à la baisse (2,5 milliards F Cfa) pour que la CENI ne rentre dans ses fonds. Mais, c'est compter sans la révision du code électoral. Il est difficile aujourd'hui d'envisager la tenue d'élections législatives avant la fin de l'année 2002, alors que s'annonce déjà les présidentielles de juin 2003 qui devaient, constitutionnellement, permettre au président de céder son fauteuil.

De part et d'autre, l'on est conscient des souffrances de la population mais, comment faire pour les abréger ? C'est la grande interrogation, lorsqu'on sait que les législatives anticipées constituent le passage obligé pour que le Togo, suspendu de l'aide internationale depuis 1993, renoue avec ses partenaires économiques. Les Togolais, lassés de cette situation politique de plus en plus complexe, doivent prendre leur courage à deux mains et continuer leur chemin de croix.



par Guy  Mario

Article publié le 09/03/2002