Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Football

Roger Lemerre remercié

Comme prévu, Roger Lemerre a été démis de ses fonctions d’entraîneur-sélectionneur de l’équipe de France. L’annonce a été faite à Lyon par le président de la fédération française de football, Claude Simonet. Son remplaçant sera connu dans quelques jours.
Sur un air de « responsable mais pas coupable » ou « j’y suis, j’y reste, », Roger Lemerre n’a cessé de faire de la résistance depuis son retour de Corée du Sud. Pas question de remettre sa démission, comme l’ont fait d’autres grands battus de la Coupe du monde, pas question de se retrouver les mains vides après quatre années passées à la tête de l’équipe de France. Comme le disait un de ses proches, Henri Emile, intendant de l’équipe de France, «il part de l’idée que si la Fédération n’est pas contente de ses résultats, c’est à elle de l’écarter et non à lui de partir».

Homme opiniâtre, attaché à ses valeurs, peu prolixe avec la presse qu’il n’aime pas et qui le lui rend bien, enfermé dans ses certitudes, pratiquant un discours ésotérique, carré dans ses bottes, conséquence sans doute des nombreuses années à la tête de l’équipe de France militaire, Roger Lemerre n’a cessé de se forger une carapace, renforcé dans ses convictions intimes par le titre de champion d’Europe en 2000, puis par un succès dans la Coupe des Confédérations, répétition en format réduit de la Coupe du monde, il y a un an. Ce qui passe lorsque la réussite est là, ne passe naturellement plus en cas d’échec. Et le voyage en Asie fut, pire qu’une défaite, une véritable déroute, la France terminant à la dernière place de son groupe avec un seul point marqué en trois matches, mais aussi à la vingt-huitième place du tournoi. De la première place à la vingt-huitième, quelle dégringolade. L’humiliation suprême. Echec d’un homme, échec d’un groupe, échec de la fédération, personne ne peut se dédouaner de ses responsabilités. Car tout le monde était parti en Asie avec la certitude que les matches de poule ne seraient qu’une formalité pour le champion en titre, ce qui n’est pas sans rappeler une autre histoire, politique celle-là. Mais pour avoir été le patron, Roger Lemerre occupait légitimement la place de premier responsable. On pensait qu’il s’en irait de lui-même. Il a préféré, c’est humain, pouvoir bénéficier de somptueuses indemnités de licenciement, en raison probablement de sa récente paternité. Bref, c’est une aventure qui ne se termine pas bien, témoignant combien l’opération Coupe du monde avait été mal gérée. L’ère Lemerre appartient désormais au passé.

La course à la succession est ouverte.

Si la Fédération a décidé de s’octroyer quelques semaines de réflexion et de consultations avant de trouver l’homme idoine, les candidats ne manquent pas. Parmi les noms évoqués depuis le lendemain de la défaite contre le Danemark, on a entendu ceux de Didier Deschamps, ex-capitaine des Bleus au Mondial 98 et actuel entraîneur de Monaco, de Jean Tigana et de Alain Giresse, deux des membres du carré magique des années 80 aux côtés de Michel Platini et de Luis Fernandez, le premier en poste à Fulham, le second aux F.A.R de Rabat. Mais, pour des raisons diverses, ces trois candidatures ont été écartées. Le président de la Fédération, Claude Simonet, affirmait avoir un faible pour Jean-François Domergue, un autre ancien international ; ce dernier, entraîneur du Havre, a fait savoir que le poste ne l’intéressait pas. Michel Platini souhaite la promotion de son ancien coéquipier à Saint-Etienne et ex-entraîneur de Lyon, Jacques Santini. C’est l’un des possibles. Au même titre que Raymond Domenech, toujours un ancien international, depuis une dizaine d’années intégré à la Direction technique nationale, d’abord comme responsable de la sélection "espoirs", puis de l’équipe des moins de 20 ans qu’il a propulsé, au mois de mai, en finale du championnat d’Europe.

Dernier postulant, Philippe Troussier qui a une très large carrière internationale, tour à tour à la tête des sélections de la Côte d’Ivoire, du Nigeria, du Burkina Faso, de l’Afrique du Sud qu’il dirigeait à la Coupe du monde 98, enfin, depuis quatre ans, du Japon avec lequel il a conquis un titre de champion d’Asie avant de se qualifier pour les huitièmes de final du Mondial 2002. Les trois derniers nommés semblent les candidats les plus solides. Si Jacques Santini s’inscrit dans la droite ligne d’Aimé Jacquet, discret, voire un peu effacé, Domenech et Troussier possèdent une expérience de la haute compétition mais ne sont pas catalogués parmi les caractères faciles. Dans ces conditions, et compte tenu des appuis dont chacun des trois peut se prévaloir, il est difficile de dire qui sera le successeur de Roger Lemerre. Quel qu’il soit, il prendra ses fonctions avant un match amical contre la Tunisie, le 21 août, ultime test avant les éliminatoires de l’Euro 2004 qui débutent courant septembre avec une première sortie contre Chypre.

La déroute de Corée du Sud est encore une catastrophe difficile à digérer. Les Français qui avaient vécu quatre années de rêve depuis le 12 juillet 98, se sont brutalement réveillés avec la gueule de bois. Ils ont conservé des atouts majeurs, mais il est temps de remettre de l’ordre dans un groupe qui s’est délité et qui a perdu beaucoup de sa solidarité. Il faut un meneur d’hommes d’expérience capable de mettre les uns et les autres face à leur responsabilité. Tout faux-pas lui sera interdit avec des vedettes tentées d’abandonner la solidarité qui en avait fait l’atout majeur du groupe pour jouer leur carte personnelle.



par Gérard  Dreyfus

Article publié le 05/07/2002