Arabie Saoudite
Rumeurs de succession
Hospitalisé à Genève depuis le mois de mai, le roi Fahd a reçu la visite de nombreux chefs d'État arabes et de membres de son clan. D’où les rumeurs selon lesquelles certains voudraient écarter le prince Abdallah, dirigeant de fait du royaume, de la succession de Fahd à la mort de celui-ci.
Depuis le mois de mai, le roi Fahd, qui est toujours souverain en titre d’Arabie Saoudite, se trouve à Genève, entre son palais de 17 000 m² et la clinique dont il a fait déloger les patients pour y installer sa suite. Fahd, frappé d’une embolie cérébrale en novembre 1995, souffre du diabète, d’arthrite au genou, et vient de se faire opérer de la cataracte. Très diminué depuis son accident vasculaire, il a confié la régence à son demi-frère Abdallah qui assure de puis la réalité du pouvoir et qui a imprimé sa marque à la gestion des affaires du royaume.
A Genève, le roi Fahd a reçu de nombreuses visites de dignitaires saoudiens et arabes. Ainsi, le roi Abdallah II de Jordanie, Mohammed VI du Maroc, le président des Émirats arabes unis Cheikh Zayed, le président égyptien Hosni Moubarak ont fait le déplacement pour le rencontrer. De même, certains membres éminents de la famille régnante des Al Saoud, comme son frère, le prince Sultan, ministre de la Défense ou son neveu, le prince Saoud Al Fayçal, ministre des Affaires étrangères. Mais pas le prince Abdallah.
L’histoire de la famille royale a longtemps été émaillée par les échos de la sourde rivalité opposant ce dernier, fils d’une épouse du roi Abdelaziz originaire de la tribu des Chammar (nord de l’Arabie Saoudite) aux sept fils de Hassa bint Soudayri, parmi lesquels le roi Fahd, Sultan, ministre de la Défense, Nayef, ministre de l’Intérieur ou Salman, gouverneur de Ryad.
Le clan des Soudayri
Les «Soudayri», qui forment un clan très soudé, passent pour être modernistes et pro-américains alors qu’Abdallah a une réputation de conservatisme et de nationalisme arabe. Ces stéréotypes, abondamment publiés dans les années 70 et 80, ont bien entendu une part de réalité. Pourtant, ils sont assez largement dépassés. Le «nationalisme arabe» prêté à Abdallah ne l’a pas empêché de réaffirmer avec force la solidarité de l’Arabie Saoudite avec les États-Unis. Il a de même secoué le conservatisme ambiant pour tenter de moderniser l’économie du royaume, quitte à remettre en cause certains privilèges des membres de la famille royale.
Il est vrai, cependant, que si George Bush a réservé un traitement de faveur en invitant le Prince Abdallah dans sa résidence de Crawford (Texas) en avril dernier et qu’il a fait l’éloge du «Plan Abdallah» prévoyant une paix totale avec Israël en échange d’un retrait total des territoires occupés, son soutien appuyé à la cause palestinienne et surtout, son refus marqué de participer à une offensive contre l’Irak, et même, de laisser les Américains la mener à partir du territoire saoudien, en a indisposé plus d’un à Washington. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le fameux briefing du Pentagone où l’Arabie Saoudite a été qualifiée d’«ennemie» par un consultant de la Rand Corporation, a été organisée par Richard Perle, l’idéologue de cette tendance de l’administration américaine.
Même s’ils prennent garde à ne pas le dire publiquement, les «faucons» de l’administration Bush (Richard Perle, Dick Cheney ou Donald Rumsfeld) n’apprécient guère la politique suivie par l’Arabie Saoudite sous la conduite d’Abdallah. Il n’en fallait pas davantage pour qu’un journal arabe (Al Qods al Arabi) et des journaux britanniques (The Observer, The Guardian) en tirent la conclusion qu’une partie de la famille royale saoudienne, plusieurs chefs d’État arabes et les États-Unis conspiraient pour écarter Abdallah de la succession à la mort de Fahd.
Cette analyse, cependant, suscite le scepticisme de plusieurs observateurs de la politique saoudienne. En premier lieu, il paraît hautement invraisemblable que des dirigeants de Jordanie, d’Égypte ou des Émirats arabes unis prendraient le risque, à supposer qu’ils en aient la tentation, de s’immiscer dans les affaires internes de la famille Al Saoud. Celle-ci a toujours veillé avec un soin jaloux à conserver le secret sur ses désaccords internes et l’on voit mal certains de ses membres les plus en vue inviter des étrangers à arbitrer un différend interne. D’autre part, Sultan, qui est second dans l’ordre de succession, est assuré de devenir prince hériter à la mort de Fahd et lors de l’accession au trône d’Abdallah. Il serait périlleux de remettre cette éventualité en cause par un coup d’État familial à l’issue incertaine.
Enfin, le prince Abdallah jouit actuellement d’une réelle popularité à l’intérieur du royaume et ailleurs dans le monde arabe, justement en raison du fait qu’il a su tenir tête aux États-Unis. Le remplacer par un prince plus accommodant à l’égard de Washington, dans le contexte actuel marqué par un antiaméricanisme virulent de la société saoudienne, ne se ferait pas sans des difficultés considérables aux conséquences imprévisibles.
A Genève, le roi Fahd a reçu de nombreuses visites de dignitaires saoudiens et arabes. Ainsi, le roi Abdallah II de Jordanie, Mohammed VI du Maroc, le président des Émirats arabes unis Cheikh Zayed, le président égyptien Hosni Moubarak ont fait le déplacement pour le rencontrer. De même, certains membres éminents de la famille régnante des Al Saoud, comme son frère, le prince Sultan, ministre de la Défense ou son neveu, le prince Saoud Al Fayçal, ministre des Affaires étrangères. Mais pas le prince Abdallah.
L’histoire de la famille royale a longtemps été émaillée par les échos de la sourde rivalité opposant ce dernier, fils d’une épouse du roi Abdelaziz originaire de la tribu des Chammar (nord de l’Arabie Saoudite) aux sept fils de Hassa bint Soudayri, parmi lesquels le roi Fahd, Sultan, ministre de la Défense, Nayef, ministre de l’Intérieur ou Salman, gouverneur de Ryad.
Le clan des Soudayri
Les «Soudayri», qui forment un clan très soudé, passent pour être modernistes et pro-américains alors qu’Abdallah a une réputation de conservatisme et de nationalisme arabe. Ces stéréotypes, abondamment publiés dans les années 70 et 80, ont bien entendu une part de réalité. Pourtant, ils sont assez largement dépassés. Le «nationalisme arabe» prêté à Abdallah ne l’a pas empêché de réaffirmer avec force la solidarité de l’Arabie Saoudite avec les États-Unis. Il a de même secoué le conservatisme ambiant pour tenter de moderniser l’économie du royaume, quitte à remettre en cause certains privilèges des membres de la famille royale.
Il est vrai, cependant, que si George Bush a réservé un traitement de faveur en invitant le Prince Abdallah dans sa résidence de Crawford (Texas) en avril dernier et qu’il a fait l’éloge du «Plan Abdallah» prévoyant une paix totale avec Israël en échange d’un retrait total des territoires occupés, son soutien appuyé à la cause palestinienne et surtout, son refus marqué de participer à une offensive contre l’Irak, et même, de laisser les Américains la mener à partir du territoire saoudien, en a indisposé plus d’un à Washington. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le fameux briefing du Pentagone où l’Arabie Saoudite a été qualifiée d’«ennemie» par un consultant de la Rand Corporation, a été organisée par Richard Perle, l’idéologue de cette tendance de l’administration américaine.
Même s’ils prennent garde à ne pas le dire publiquement, les «faucons» de l’administration Bush (Richard Perle, Dick Cheney ou Donald Rumsfeld) n’apprécient guère la politique suivie par l’Arabie Saoudite sous la conduite d’Abdallah. Il n’en fallait pas davantage pour qu’un journal arabe (Al Qods al Arabi) et des journaux britanniques (The Observer, The Guardian) en tirent la conclusion qu’une partie de la famille royale saoudienne, plusieurs chefs d’État arabes et les États-Unis conspiraient pour écarter Abdallah de la succession à la mort de Fahd.
Cette analyse, cependant, suscite le scepticisme de plusieurs observateurs de la politique saoudienne. En premier lieu, il paraît hautement invraisemblable que des dirigeants de Jordanie, d’Égypte ou des Émirats arabes unis prendraient le risque, à supposer qu’ils en aient la tentation, de s’immiscer dans les affaires internes de la famille Al Saoud. Celle-ci a toujours veillé avec un soin jaloux à conserver le secret sur ses désaccords internes et l’on voit mal certains de ses membres les plus en vue inviter des étrangers à arbitrer un différend interne. D’autre part, Sultan, qui est second dans l’ordre de succession, est assuré de devenir prince hériter à la mort de Fahd et lors de l’accession au trône d’Abdallah. Il serait périlleux de remettre cette éventualité en cause par un coup d’État familial à l’issue incertaine.
Enfin, le prince Abdallah jouit actuellement d’une réelle popularité à l’intérieur du royaume et ailleurs dans le monde arabe, justement en raison du fait qu’il a su tenir tête aux États-Unis. Le remplacer par un prince plus accommodant à l’égard de Washington, dans le contexte actuel marqué par un antiaméricanisme virulent de la société saoudienne, ne se ferait pas sans des difficultés considérables aux conséquences imprévisibles.
par Olivier Da Lage
Article publié le 13/08/2002