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Immigration

Les sans-papiers manifestent, le gouvernement veut décrisper le dossier

Plusieurs milliers d’immigrés clandestins ont manifesté samedi à Paris, et dans plusieurs villes de province, à l’appel de la coordination nationale des sans-papiers. Leur objectif est d’obtenir une «régularisation globale». Le ministre de l’Intérieur propose un règlement au cas par cas.
La partie n’est pas gagnée pour les manifestants qui ont répondu samedi à l’appel de la Coordination nationale des sans-papiers. Mais, d’ores et déjà, ils ont obtenu un franc succès d’estime et enregistré quelques résultats. Leurs manifestations et leur occupation de la basilique Saint-Denis n’ont pas été brutalement réprimées, comme par le passé. Ils ont été soutenus, et le demeurent, tant par les associations de défense des droits de l’Homme et des immigrés, que par des syndicats et partis politiques. Et le discours des autorités à leur égard n’est plus celui d’une application de la loi dans toute sa rigueur, jusqu’à l’absurde.

Jeudi 5 septembre, face à une délégation de responsables de la Ligue des droits de l’Homme et du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, le ministre de l’Intérieur a montré une volonté de décrispation et tracé la ligne de conduite fixée par son gouvernement sur ce dossier: les sans-papiers n’obtiendront pas la «régularisation globale» qui était toujours leur mot d’ordre lors de la manifestation de samedi. En revanche tous les dossiers déposés en préfecture seront réexaminés «avec humanité et réalisme».

Le rôle contesté des préfets

La différence entre l’ancien traitement des cas et le nouveau, entre rigidité et humanité, réside en fait dans la circulaire adressée aux préfets du pays, auprès desquels chaque immigré adresse sa demande d’établissement ou de renouvellement de titres de séjours. Nicolas Sarkozy veut désormais qu’ils prennent en compte «le caractère particulier que certaines situations peuvent poser sur le plan social et humain». Il leur proposera donc une «grille de lecture de la loi».

L’attitude des services préfectoraux est en effet dénoncée de longue date par les associations de soutien aux immigrés qui parlent «d’arbitraire». L’ambiance est parfois hostile aux guichets réservés aux étrangers et, de l’aveu même du ministre, ces services «font preuve d’une sévérité administrative excessive». En conséquence, une «grille de lecture de la loi» leur sera fourni afin que la philosophie gouvernementale aille au-delà, cette fois, des cabinets parisiens. Le ministre se donne notamment pour objectif de «faire disparaître la catégorie des personnes qui ne sont ni régularisables ni expulsables» (conjoints de citoyens français, parents d’enfants français, personnes menacées dans leur pays d’origine).

Les réactions sont mitigées. Si la bonne volonté du gouvernement est saluée, en revanche il n’échappe à personne que la régularisation ne concernera guère plus que quelques milliers de personnes, alors que ce sont des dizaines de milliers de femmes, d’enfants et d’hommes qui attendent des «papiers». La Coordination a déjà recueilli plus de dix mille inscriptions sur ses listes. Son porte-parole estime même que «ce discours ne mène à rien». Romain Binazon rejette catégoriquement le traitement au cas par cas.

Dans le contexte, à Montreuil, en banlieue parisienne où réside une importante communauté d'immigrés d'origine malienne, la visite en France du président Amadou Toumani Touré est attendue avec espoir. Le chef de l'Etat malien rencontrera ses concitoyens lundi et ces derniers attendent de lui qu’il relaie leur message.

Enfin, il faut noter que cette mobilisation s’inscrit dans un mouvement global de durcissement communautaire. Un nouveau plan de lutte contre l’immigration illégale a été adoptée lors du sommet européen de Séville, au mois de juin. Les dernières élections dans les pays-membres de l’Union montre que le populisme enregistre des succès significatifs. Mais paradoxalement, au-delà des discours, il se manifeste une véritable volonté de traiter, en aval, ce phénomène: c’est ainsi que l’Italie de Silvio Berlusconi s’est engagée dans une opération de régularisation massive qui pourrait concerner plusieurs centaines de milliers de sans-papiers.



par Georges  Abou

Article publié le 07/09/2002