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Balkans

Seselj : l’ultranationalisme serbe n’est pas mort

Dimanche, la principale surprise des élections serbes est assurément venue du score du candidat d’extrême droite, Vojislav Seselj. Il a pulvérisé les prévisions des instituts de sondage, en recueillant 22,5% des voix. Personne ne songe officiellement à s’allier avec lui, mais il pèsera d’un poids accru sur la scène politique du pays.
De notre correspondant à Belgrade

Vojislav Seselj a largement construit sa carrière politique dans l’ombre de Slobodan Milosevic. Ce docteur en droit de 48 ans est né à Sarajevo. Il se fait connaître dans les années 1980 en tâtant de la prison pour ses opinions politiques. Ce dissident du régime titiste ne tarde pas à rejoindre les rangs des nationalistes serbes qui relèvent alors la tête.

En 1990, à la faveur de l’instauration du multipartisme, il crée le Parti radical serbe (SRS), reprenant le nom d’une vieille formation politique d’avant-guerre. Durant les guerres de Croatie et de Bosnie, le parti dispose de milices, et organise quelques provocations armées contre les minorités nationales de Voïvodine. A l’époque, Vojislav Seselj explique «qu’il ne faut pas égorger les Croates avec des couteaux mais avec des cuillères rouillées».

Un subtil partage des rôles s’établit entre Slobodan Milosevic, officiellement «socialiste» et le leader de l’extrême droite, tantôt associé au pouvoir, tantôt rejeté dans l’opposition et aussitôt utilisé comme repoussoir par le régime de Belgrade. Dans le même temps, Vojislav Seselj essaie d’asseoir l’assise internationale de son parti en multipliant les contacts avec le leader extrémiste russe Vladimir Jirinovski ou le Front national français.

Vojislav Seselj a politiquement survécu à la chute de Milosevic, et a même reconstruit son assise politique sur les ruines du Parti socialiste de Serbie. Milosevic ne s’y est pas trompé, en lui accordant, depuis sa cellule de La Haye, son soutien pour les élections de dimanche.

Vojislav Seselj dispose d’un fort grand pouvoir de nuisance

Vojislav Seselj a mené campagne en dénonçant les risques sociaux des politiques de réforme du pays et les scandales de corruption qui plombent les réformateurs au pouvoir depuis deux ans. De la sorte, il a réussi à fédérer un électorat qui regroupe les nostalgiques de l’ancien régime, les déçus des réformes entreprises et les nationalistes convaincus. En pleine campagne électorale, le Tribunal pénal international de La Haye a annoncé qu’une enquête serait ouverte sur le chef de l’extrême droite. Vojislav Seselj en a profité pour dénoncer les «ingérences politiques» de cette « juridiction anti-serbe», non sans trouver un certain écho dans l’opinion.

De manière révélatrice, le leader de l’extrême droite arrive en tête de tous les candidats chez les Serbes du Kosovo, qui se sentent abandonnés par Belgrade. Au total, l’extrême droite recueille près du tiers des suffrages, car aux voix qui se sont portées sur Vojislav Seselj, il faut ajouter celles d’autres petits candidats ultranationalistes, comme Borislav Pelevic, le chef du Parti de l’Unité serbe, la formation créée par le chef milicien Arkan.

En faisant référence à des pays comme la France, certains analystes politiques essayaient, dimanche soir, de se rassurer en expliquant qu’«une extrême droite à 22%, c’est à peine plus que la moyenne européenne». Il n’empêche que Vojislav Seselj pèsera d’un poids accru sur la scène politique serbe, et notamment sur des dossiers sensibles comme la coopération avec le TPI.

De manière immédiate, Vojislav Seselj dispose d’un fort grand pouvoir de nuisance : s’il appelle ses partisans à boycotter le second tour de l’élection présidentielle, prévu pour le 13 octobre prochain, il est fort probable que la barre des 50% de participation ne puisse pas être atteinte. Dans ce cas, l’élection serait invalidée, obligeant à convoquer un nouveau scrutin dans une période de trois mois.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 30/09/2002