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Balkans

Election présidentielle incertaine en Serbie

Deux ans après le renversement de Slobodan Milosevic, l’élection présidentielle en Serbie a lieu sur fond de polémique sur le Tribunal pénal international et sur les réformes économiques en cours.
De notre correspondant dans les Balkans

Les électeurs serbes doivent choisir leur nouveau président ce dimanche. Il y a presque deux ans, le 5 octobre 2000, une insurrection populaire à Belgrade contraignait Slobodan Milosevic à accepter la victoire de Vojislav Kostunica, choisi par les électeurs le 24 septembre précédent pour devenir Président de la République fédérale de Yougoslavie. Toute l’opposition démocratique de Serbie avait su se regrouper autour de ce juriste un peu terne, président d’un petit parti “nationaliste démocrate”. Quelques mois plus tard, cette opposition triomphait également aux élections législatives anticipées, et le flamboyant Zoran Djindjic devenait Premier Ministre de la République de Serbie.

Deux ans plus tard, la République fédérale de Yougoslavie est censée disparaître au profit d’une nouvelle “Union de Serbie et du Monténégro” aux compétences réduites, et rien ne va plus entre les anciens ténors de l’opposition au régime de Milosevic. Zoran Djindjic a su s’entourer d’une équipe de réformateurs très libéraux, des “technocrates” souvent efficaces. Par contre, le camp nationaliste serbe s’est largement reconstitué autour de Vojislav Kostunica. Parmi les principaux enjeux de la bataille entre les deux camps qui se partagent le pouvoir en Serbie: la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye. Vojislav Kostunica n’a jamais caché l’animosité qu’il vouait à cette juridiction, tandis que les réformateurs proches de Zoran Djindjic estiment indispensable une totale coopération avec le Tribunal. Autre point d’affrontement: le rythme des réformes économiques, Vojislav Kostunica n’hésitant pas à accuser l’équipe des réformateurs d’être prête à «brader le pays»

Kostunica, favori des sondages

Vojislav Kostunica a choisi de se présenter lui-même à l’élection présidentielle de dimanche, alors qu’il est toujours Président fédéral. En cas de victoire, il attendrait la fin légale du mandat de son prédécesseur à la tête de la République de Serbie, Milan Milutinovic, inculpé par le TPI de La Haye, et l’aboutissement des négociations avec le Monténégro sur la création de la nouvelle “Union” d’Etats.

Par contre, Zoran Djindjic, le tout puissant maître du jeu de la scène politique serbe, a choisi de ne pas se présenter lui-même, car il ne jouit que d’une cote de popularité personnelle très limitée dans l’opinion. Le camp de la réforme sera donc représenté par l’actuel vice-Premier ministre fédéral Miroljub Labus, un économiste de 54 ans, considéré comme le principal inspirateur de la transition économique serbe. L’homme n’a pas un grand charisme, mais il jouit d’une réputation d’expert compétent et honnête.

Les sondages donnent presque tous une légère avance au candidat Kostunica dès le premier tour. Pour Miroljub Labus, tout se jouera pourtant dès dimanche, car ce candidat ne disposera presque d’aucune réserve de voix pour le second tour, prévu pour le 13 octobre. À l’inverse, Vojislav Kostunica peut compter sur une part au moins des voix qui se seront portées sur les différents petits candidats nationalistes.

Un troisième homme se tient en effet en embuscade : Vojislav Seselj, le chef de l’extrême droite nationaliste, longtemps associé au régime de Slobodan Milosevic. Depuis sa cellule de la prison de Scheveningen, l’ancien homme fort de Belgrade a d’ailleurs choisi d’apporter son soutien à Vojislav Seselj, plutôt qu’au candidat officiel du Parti socialiste de Serbie, le comédien Velimir Bata Zivojinovic. Le candidat Seselj plafonne dans les sondages aux alentours de 16 à 17% des suffrages, loin derrière Vojislav Kostunica et Miroljub Labus, crédité chacun d’un peu de 30% des intentions de vote, mais un coup de théâtre ne peut pas être exclu, les sondages ayant toujours sous-estimé les capacités de l’extrême droite.

Si Vojislav Kostunica l’emporte finalement, la Serbie connaîtra une nouvelle crise politique. Le Président ne peut dissoudre le Parlement qu’en accord avec le Premier Ministre. Or, le Parlement de Serbie est entièrement dominé par les partisans de Zoran Djindjic, qui a même réussi, il y a quelques mois, le tour de force d’exclure de l’assemblée les députés fidèles à Vojislav Kostunica. Toutes les hypothèses sont donc envisageables, l’entourage de Vojislav Kostunica n’excluant pas, à mots couverts, la possibilité d’une entente avec l’extrême droite.

La dernière inconnue tient au taux de participation, qui risque d’être particulièrement faible. La frange de la population la plus favorable aux réformes ressent durement le contrecoup des premières mesures économiques et pourrait partiellement choisir de se réfugier dans l’abstention. Le dénouement de la crise politique en Serbie aura enfin, sans aucun doute, des conséquences déterminantes sur l’avenir de l’Etat commun avec le Monténégro. De cruciales élections législatives sont également prévues dans la petite république le 20 octobre prochain.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 28/09/2002