Balkans
La Macédoine va-t-elle tourner la page de la guerre ?
La Macédoine a connu une journée électorale étonnamment calme dimanche, un peu plus d’un an après la conclusion des accords d’Ohrid, qui ont mis fin à la guerre civile qui a failli emporter le pays. L’opposition sociale-démocrate a été plébiscitée, mais elle ne pourra gouverner le pays qu’en s’entendant avec les anciens guérilleros albanais.
De notre envoyé spécial à Skopje
Plus d’un million six cent mille électeurs étaient appelés aux urnes, et le pays a voté dans le calme et un certain désenchantement. Le scrutin était placé sous haute surveillance de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui avait dépêché plus de 800 observateurs, mais les violences tant redoutées n’ont pas éclaté. «Des incidents ? Mais non, nous avons déjà fait l’expérience de la guerre l’an dernier, et cela nous a suffi», s’exclame Abdurahim, un Albanais de Tetovo, dans un grand éclat de rire. «Et tout le monde sait très bien que même si des changements interviennent, nous ne vivrons pas mieux. Alors, pourquoi se battre ?». En fin de journée, la participation semblait pourtant élevée, aussi bien dans les zones macédoniennes qu’albanaises.
L’enjeu était en effet crucial. Selon les dernières estimations pré-électorales, les nationalistes macédoniens du VMRO-DPMNE, au pouvoir depuis 1998, ont été balayés par l’opposition social-démocrate (SDSM), qui obtiendraient un peu plus de 40% des voix, selon des premiers résultats communiqués dans la nuit de dimanche à lundi. Le Premier ministre sortant, Ljupco Georgievski, a rapidement reconnu la défaite de son parti. De même, dans le camp albanais, le Parti démocratique albanais (PDSh), qui participe au gouvernement du pays depuis quatre ans, a été laminé au profit de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), qui regroupe la plupart des anciens cadres de la guérilla albanaise de l’UCK. Le BDI obtiendrait jusqu’à près de 80% des voix au sein de la communauté albanaise (12% à l’échelle de tout le pays) tandis que le PDSh ne parviendrait à sauver que deux ou trois députés. Dès que ces résultats ont été connus, des tirs de pistolets, de kalachnikov et d’armes de gros calibres ont salué la victoire des anciens «terroristes» dans les quartiers albanais de Skopje.
«Le pays sera tôt ou tard divisé»
Toutes les principales formations politiques se prononcent en faveur d’une application totale des accords de paix d’Ohrid, mais la campagne a surtout été dominée par la dramatique situation économique du pays, et la corruption massive qui gangrène la classe politique.
Le leader de l’opposition social-démocrate, Branko Crvenkovski, probable futur Premier ministre du pays, garde le silence sur les alliances que son parti qui ne devrait pas obtenir la majorité absolue au sein du Parlement. La perspective d’une alliance avec les anciens guérilleros albanais du BDI demeure en effet taboue aux yeux de beaucoup de Macédoniens. «Mais si Ali Ahmeti et le BDI gagnent la majorité au sein de la communauté albanaise, il faudra bien s’allier avec eux», reconnaissait le président du bureau de vote d’un village macédonien des environs de Tetovo, enclavé dans une région principalement albanaise. «La vie commune est notre seule perspective, et pour cela, tout le monde doit faire des compromis», ajoutait l’homme, qui ne cachait pas ses sympathies social-démocrates. La communauté internationale a déjà mis en garde contre les risques que représenterait une exclusion des formations albanaises du jeu politiques.
C’est la seconde fois que la Macédoine connaît une alternative politique aussi radicale depuis son accession à l’indépendance en 1992. Les résultats du vote semblent satisfaire pleinement la communauté internationale, lassée du nationalisme exacerbé du VMRO, et qui pense pouvoir compter sur le «réalisme» des dirigeants social-démocrate. Certaines voix plus critiques se font pourtant déjà entendre. Pour beaucoup de Macédoniens, le BDI regroupe «des nationalistes albanais radicaux qui avancent masqués sous le discours modéré que leur ont écrit leurs mentors occidentaux», et dans les bars de Cair, le quartier albanais de Skopje, les militants qui fêtaient la victoire de leur parti reconnaissaient volontiers que «toute vie commune n’a plus aucun sens, car le pays sera tôt ou tard divisé».
Dans l’immédiat, Ali Ahmeti, l’ancien porte-parole de la guérilla et leader charismatique du BDI, devrait siéger au sein du futur parlement, alors même qu’il y a deux semaines un tribunal de Macédoine l’inculpait encore de crimes de guerre. Même si le bilinguisme sera de rigueur dans la future assemblée, pour communiquer avec ses collègues, Ali Ahmeti devra sûrement réapprendre le macédonien, alors qu’il prétend avoir oublier cette langue, puisqu’il vit en exil depuis près de vingt ans.
Plus d’un million six cent mille électeurs étaient appelés aux urnes, et le pays a voté dans le calme et un certain désenchantement. Le scrutin était placé sous haute surveillance de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui avait dépêché plus de 800 observateurs, mais les violences tant redoutées n’ont pas éclaté. «Des incidents ? Mais non, nous avons déjà fait l’expérience de la guerre l’an dernier, et cela nous a suffi», s’exclame Abdurahim, un Albanais de Tetovo, dans un grand éclat de rire. «Et tout le monde sait très bien que même si des changements interviennent, nous ne vivrons pas mieux. Alors, pourquoi se battre ?». En fin de journée, la participation semblait pourtant élevée, aussi bien dans les zones macédoniennes qu’albanaises.
L’enjeu était en effet crucial. Selon les dernières estimations pré-électorales, les nationalistes macédoniens du VMRO-DPMNE, au pouvoir depuis 1998, ont été balayés par l’opposition social-démocrate (SDSM), qui obtiendraient un peu plus de 40% des voix, selon des premiers résultats communiqués dans la nuit de dimanche à lundi. Le Premier ministre sortant, Ljupco Georgievski, a rapidement reconnu la défaite de son parti. De même, dans le camp albanais, le Parti démocratique albanais (PDSh), qui participe au gouvernement du pays depuis quatre ans, a été laminé au profit de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), qui regroupe la plupart des anciens cadres de la guérilla albanaise de l’UCK. Le BDI obtiendrait jusqu’à près de 80% des voix au sein de la communauté albanaise (12% à l’échelle de tout le pays) tandis que le PDSh ne parviendrait à sauver que deux ou trois députés. Dès que ces résultats ont été connus, des tirs de pistolets, de kalachnikov et d’armes de gros calibres ont salué la victoire des anciens «terroristes» dans les quartiers albanais de Skopje.
«Le pays sera tôt ou tard divisé»
Toutes les principales formations politiques se prononcent en faveur d’une application totale des accords de paix d’Ohrid, mais la campagne a surtout été dominée par la dramatique situation économique du pays, et la corruption massive qui gangrène la classe politique.
Le leader de l’opposition social-démocrate, Branko Crvenkovski, probable futur Premier ministre du pays, garde le silence sur les alliances que son parti qui ne devrait pas obtenir la majorité absolue au sein du Parlement. La perspective d’une alliance avec les anciens guérilleros albanais du BDI demeure en effet taboue aux yeux de beaucoup de Macédoniens. «Mais si Ali Ahmeti et le BDI gagnent la majorité au sein de la communauté albanaise, il faudra bien s’allier avec eux», reconnaissait le président du bureau de vote d’un village macédonien des environs de Tetovo, enclavé dans une région principalement albanaise. «La vie commune est notre seule perspective, et pour cela, tout le monde doit faire des compromis», ajoutait l’homme, qui ne cachait pas ses sympathies social-démocrates. La communauté internationale a déjà mis en garde contre les risques que représenterait une exclusion des formations albanaises du jeu politiques.
C’est la seconde fois que la Macédoine connaît une alternative politique aussi radicale depuis son accession à l’indépendance en 1992. Les résultats du vote semblent satisfaire pleinement la communauté internationale, lassée du nationalisme exacerbé du VMRO, et qui pense pouvoir compter sur le «réalisme» des dirigeants social-démocrate. Certaines voix plus critiques se font pourtant déjà entendre. Pour beaucoup de Macédoniens, le BDI regroupe «des nationalistes albanais radicaux qui avancent masqués sous le discours modéré que leur ont écrit leurs mentors occidentaux», et dans les bars de Cair, le quartier albanais de Skopje, les militants qui fêtaient la victoire de leur parti reconnaissaient volontiers que «toute vie commune n’a plus aucun sens, car le pays sera tôt ou tard divisé».
Dans l’immédiat, Ali Ahmeti, l’ancien porte-parole de la guérilla et leader charismatique du BDI, devrait siéger au sein du futur parlement, alors même qu’il y a deux semaines un tribunal de Macédoine l’inculpait encore de crimes de guerre. Même si le bilinguisme sera de rigueur dans la future assemblée, pour communiquer avec ses collègues, Ali Ahmeti devra sûrement réapprendre le macédonien, alors qu’il prétend avoir oublier cette langue, puisqu’il vit en exil depuis près de vingt ans.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 16/09/2002