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Balkans

Un carrefour de l’islam radical au coeur de l’Europe ?

Les Balkans constituent-ils une plaque tournante des réseaux terroristes islamiques internationaux ? On pourrait le penser à en juger par les importantes arrestations de militants islamistes opérés au cours de l’année écoulée par les forces américaines présentes en Bosnie et au Kosovo. Ces opérations ont pourtant eu lieu, le plus souvent, dans la plus grande discrétion.
De notre correspondant dans les Balkans

Depuis le 11 septembre 2002, les forces américaines en Bosnie ont lancé plusieurs opérations anti-terroristes, se soldant par l’arrestation de militants islamistes, souvent d’origine étrangère. La plus importante rafle a eu lieu en janvier 2002, et les terroristes supposés ont été transférés, sans autre forme de procès, vers la base de Guantanamo. Nombre de citoyens bosniaques ont mal ressenti cette ardeur anti-islamiste, d’autant plus choquante pour eux que les anciens dirigeants serbes Radovan Karadzic et Ratko Mladic, recherchés par le Tribunal international de La Haye, courent toujours. Même sans professer de sympathies avec l’islam radical, les Bosniaques craignent cependant avant tout d’être confondus dans la vague d’hostilité entourant l’islam.

Les troupes américaines présentes au Kosovo ont également procédé à l’arrestation de quelques islamistes supposés, qui ont été interrogés dans la base militaire de Camp Bondsteel, une enclave américaine dont aucune information ne filtre. Le Secrétaire général de l’Otan, Georges Robertson, a cependant confirmé, à plusieurs reprises, la présence de réseaux terroristes au Kosovo. L’opinion albanaise du territoire, qui avait vigoureusement manifesté sa solidarité avec l’Amérique après les attentats du 11 septembre, s’est bien gardée de réagir sur cette question sensible. Quelques éditorialistes ont démenti la possible existence de réseaux terroristes, en soulignant le régime de Slobodan Milosevic avait déjà essayé d’accuser les Albanais de collusion avec le terrorisme.

Des Twin Towers en Albanie

Plus qu’au Kosovo, c’est d’ailleurs en Albanie que les réseaux islamistes ont probablement disposés –et disposent peut-être toujours– de solides bases arrière. Les montagnes du nord de l’Albanie constituent une zone de non-droit où il est facile d’établir des camps d’entraînement. A défaut d’envoyer des volontaires, des réseaux liés à Al-Qaïda auraient pu faire transiter une aide logistique à l’UCK du Kosovo par cette région. L’été 1998, à la veille des attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar Es-Salaam, plusieurs contacts directs des réseaux de Ben Laden avaient d’ailleurs été arrêtés en Albanie.

En janvier 2002, un étrange scandale a éclaté dans ce pays, à propos de deux tours jumelles qui devaient être édifiées dans la capitale, Tirana. Ces Twin Towers albanaises auraient appartenu à un certain Jasin Kadi, financier saoudien directement lié à Ben Laden. Le gouvernement a dû ordonner une enquête, au risque de faire apparaître l’Albanie comme un paradis pour le blanchiment d’argent sale lié au terrorisme international.

Beaucoup de volontaires internationaux du jihad avaient afflué durant la guerre de Bosnie (1992-1995). Ils sont presque tous repartis, mais cela ne signifie pas que les Balkans aient perdu tout intérêt pour les militants de l’islam radical, qui préfèrent toutefois faire désormais preuve de discrétion. Les pays musulmans de la région peuvent offrir d’importantes facilités pour faire transiter des fonds, sans oublier leur précieuse position stratégique, aux portes de l’Union européenne.



par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 11/09/2002