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Justice

Papon relance le débat sur les prisons-hospices

La libération de Maurice Papon, pour raisons de santé, relance le débat sur le maintien en détention des prisonniers malades ou très âgés. Déjà, des voix s’élèvent contre les «deux poids, deux mesures», alors que près de 30 nonagénaires et des milliers de malades sont aujourd’hui incarcérés.
Au moins mille malades du sida devraient bénéficier de la loi adoptée en mars 2002, dite « loi Kouchner », qui a permis à Maurice Papon, 92 ans, de quitter la prison de la Santé où il était détenu depuis moins de trois ans, affirme l’association Act-Up. L’ancien fonctionnaire du régime collaborationniste de Vichy avait été condamné en avril 1998 à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crime contre l’humanité. Daniel Cohn-Bendit, président du groupe écologiste au parlement européen a, lui aussi, demandé la sortie de prison des personnes malades ou âgées de plus de 75 ans, comme, par exemple, «les militants d’Action directe qui sont dans une situation médicale identique à celle de Maurice Papon».

La loi permet en effet de suspendre l’exécution d’une peine en cas de pathologies engageant le pronostic vital ou d’un état de santé durablement incompatible avec la détention. Mais, dans le cas de Maurice Papon, les images télévisées le montrant ferme sur ses jambes à la sortie de sa prison ont suscité l’incompréhension. C’est pourquoi, l’un des médecins-experts qui se sont prononcés pour sa libération a jugé bon de préciser qu’un individu gravement malade n’est pas obligatoirement mis sur une civière et que le terme de grabataire ou en voie de le devenir, employé à l’égard de Papon ne signifiait pas nécessairement «allongé», ce que tout le monde croyait pourtant.

Vieillissement carcéral

Maurice Papon serait le deuxième prisonnier à bénéficier de cette loi récente mais la question du maintien en détention des personnes âgées ou des malades en fin de vie a déjà été soulevée en 2000 dans deux rapports parlementaires sur la situation des prisons françaises. Selon l’administration pénitentiaire, au premier janvier 2001 on comptait 27 détenus de plus de 80 ans et trois de plus de 90 ans. Ces chiffres confirment le vieillissement de la population carcérale, notamment en raison de l’allongement des peines, mis en relief par les parlementaires qui ne relevaient alors qu’une vingtaine âgés de plus de 80 ans. Ils soulignaient que demeurent en prison des gens qui n’ont rien à y faire transformant les prisons françaises en «hospices» et en «mouroirs».

D’autant que les établissements pénitentiaires sont notoirement inadaptés aux handicapés, aux personnes dépendantes ou souffrant de pathologies lourdes. Dans la seule prison de Muret dans le sud-ouest de la France on comptait 30 détenus de plus de 70 ans, 4 en fauteuil roulant et 2 sous assistance respiratoire.

Cela pose très concrètement la question de la mort en prison, jugée «indigne» par les parlementaires français, et du maintien détention de personnes qui ne présente plus aucun danger pour la société. La loi Kouchner, qui ne connaît encore qu’un début d’application, est potentiellement beaucoup plus large que l’ancienne grâce médicale, prérogative du président de la République, qui n’a été prononcée que 14 fois en 1998 et 18 fois en 1999. Elle n’est cependant pas automatique et nécessite que l’avocat du détenu saisisse les juridictions.



par Francine  Quentin

Article publié le 19/09/2002