Balkans
Timide retour de réfugiés en Bosnie-Herzégovine
Les Bosniaques sont convoqués ce samedi à des élections générales, les quatrièmes depuis le retour à la paix, en 1995. En Republika Srpska, le Parti démocratique serbe (SDS, nationaliste) devrait continuer à dominer la scène politique, tandis qu’en Fédération croato-bosniaque, l’autre «entité» de ce pays toujours divisé, la partie se jouera entre les sociaux-démocrates et le Parti pour la Bosnie (nationaliste modéré) d’Haris Silajdzic.
De notre correspondant à Belgrade
Depuis le début de l’année 2000, quelque chose a commencé à changer en Bosnie-Herzégovine. Les retours de réfugiés et de déplacés, restés symboliques durant les premières années de paix, ont brusquement pris de l’essor. Selon le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR), l’année 2001 a connu le plus grand nombre de retours: 90 000 personnes sont revenues chez elles, en territoire hier ennemi (9 000 Croates et 47 000 Bosniaques musulmans en Republika Srpska, 34 000 Serbes en Fédération croato-bosniaque). Les agences internationales s’attendent à des chiffres encore plus élevés pour l’année 2002.
Hasan tient un petit commerce dans le centre de Srebrenica. Il est revenu au printemps dernier dans sa ville natale théâtre en juillet 1995 du pire massacre de la guerre de Bosnie. Quelque 300 musulmans ont, comme lui, fait le choix de revenir à Srebrenica. «Chaque communauté continue à s’éviter, mais je pense qu’un jour, les Serbes viendront aussi faire leurs courses chez moi», explique Hasan. «D’ailleurs, les Serbes qui vivent ici sont eux-mêmes des réfugiés, chassés d’autres régions de Bosnie. Ils ont été amenés ici par les autorités de la Republika Srpska pour repeupler la ville». Depuis juillet dernier, un minaret blanc se dresse à nouveau dans le ciel de Srebrenica, sans que cela ne semble gêner les Serbes de la ville. Hasan croit-il à un retour de tous les réfugiés ? «Mais non, les maisons sont détruites, d’autres personnes sont arrivées, et beaucoup sont mortes. Que ceux qui le peuvent essaient, comme moi, de rentrer chez eux, mais les autres doivent réapprendre à vivre ensemble, là où ils se trouvent».
A travers toute la Republika Srpska, des dizaines de villages musulmans sont actuellement en cours de reconstruction, grâce à des programmes financés par l’Union européenne. Les principaux bénéficiaires de ces programmes de retour sont cependant des personnes âgées, décidées à revenir vivre et mourir dans leur village d’origine. «Nous avons touché de l’argent pour reconstruire la maison», explique ainsi un vieil homme rencontré sur la route de Pale. «Mais il n’y a pas d’école pour les enfants, et les jeunes ne peuvent pas trouver de travail: il vaut mieux qu’ils restent à Sarajevo. Ici, les musulmans ne peuvent pas aller en ville. Nous sommes tout juste tolérés si nous restons dans le village».
Les administrations restent gérées selon des critères ethniques
Au printemps dernier, le haut représentant international en Bosnie, Wolfgang Petritsch a fait adopter aux forceps des modifications constitutionnelles qui garantissent les mêmes droits à tous les citoyens de Bosnie dans les deux «entités» du pays. Mais les administrations demeurent gérées selon des critères ethniques, et les musulmans n’ont, par exemple, aucune chance de trouver un emploi public ou de bénéficier de l’aide sociale en Republika Srpska.
Tous les retours sont d’ailleurs loin d’être de «vrais» retours. Ainsi, de nombreux Serbes ne reviennent à Sarajevo que pour récupérer l’appartement qui leur appartenait, et le revendre aussitôt. La différence de niveau des prix de l’immobilier à Sarajevo et en Republika Srpska ou en Serbie elle-même permet de réaliser une belle affaire. «Avec le prix de la vente, ils peuvent racheter un appartement un peu plus grand dans une petite ville de la Republika Srpska et même ouvrir un commerce ou un café», explique Elizabeta Humar, une habitante du quartier de Grbavica, qui était durant la guerre la pointe avancée des positions serbes dans le centre de Sarajevo.
Les mouvements de retour des réfugiés sont encore bien loin de compenser la mutation à la fois démographique et sociologique qu’a connue la Bosnie, de même que les cicatrices de la guerre ne peuvent pas s’effacer en quelques années. Les plus optimistes voudront cependant croire qu’une société multi-ethnique a des chances de se reconstituer peu à peu.
Depuis le début de l’année 2000, quelque chose a commencé à changer en Bosnie-Herzégovine. Les retours de réfugiés et de déplacés, restés symboliques durant les premières années de paix, ont brusquement pris de l’essor. Selon le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés (UNHCR), l’année 2001 a connu le plus grand nombre de retours: 90 000 personnes sont revenues chez elles, en territoire hier ennemi (9 000 Croates et 47 000 Bosniaques musulmans en Republika Srpska, 34 000 Serbes en Fédération croato-bosniaque). Les agences internationales s’attendent à des chiffres encore plus élevés pour l’année 2002.
Hasan tient un petit commerce dans le centre de Srebrenica. Il est revenu au printemps dernier dans sa ville natale théâtre en juillet 1995 du pire massacre de la guerre de Bosnie. Quelque 300 musulmans ont, comme lui, fait le choix de revenir à Srebrenica. «Chaque communauté continue à s’éviter, mais je pense qu’un jour, les Serbes viendront aussi faire leurs courses chez moi», explique Hasan. «D’ailleurs, les Serbes qui vivent ici sont eux-mêmes des réfugiés, chassés d’autres régions de Bosnie. Ils ont été amenés ici par les autorités de la Republika Srpska pour repeupler la ville». Depuis juillet dernier, un minaret blanc se dresse à nouveau dans le ciel de Srebrenica, sans que cela ne semble gêner les Serbes de la ville. Hasan croit-il à un retour de tous les réfugiés ? «Mais non, les maisons sont détruites, d’autres personnes sont arrivées, et beaucoup sont mortes. Que ceux qui le peuvent essaient, comme moi, de rentrer chez eux, mais les autres doivent réapprendre à vivre ensemble, là où ils se trouvent».
A travers toute la Republika Srpska, des dizaines de villages musulmans sont actuellement en cours de reconstruction, grâce à des programmes financés par l’Union européenne. Les principaux bénéficiaires de ces programmes de retour sont cependant des personnes âgées, décidées à revenir vivre et mourir dans leur village d’origine. «Nous avons touché de l’argent pour reconstruire la maison», explique ainsi un vieil homme rencontré sur la route de Pale. «Mais il n’y a pas d’école pour les enfants, et les jeunes ne peuvent pas trouver de travail: il vaut mieux qu’ils restent à Sarajevo. Ici, les musulmans ne peuvent pas aller en ville. Nous sommes tout juste tolérés si nous restons dans le village».
Les administrations restent gérées selon des critères ethniques
Au printemps dernier, le haut représentant international en Bosnie, Wolfgang Petritsch a fait adopter aux forceps des modifications constitutionnelles qui garantissent les mêmes droits à tous les citoyens de Bosnie dans les deux «entités» du pays. Mais les administrations demeurent gérées selon des critères ethniques, et les musulmans n’ont, par exemple, aucune chance de trouver un emploi public ou de bénéficier de l’aide sociale en Republika Srpska.
Tous les retours sont d’ailleurs loin d’être de «vrais» retours. Ainsi, de nombreux Serbes ne reviennent à Sarajevo que pour récupérer l’appartement qui leur appartenait, et le revendre aussitôt. La différence de niveau des prix de l’immobilier à Sarajevo et en Republika Srpska ou en Serbie elle-même permet de réaliser une belle affaire. «Avec le prix de la vente, ils peuvent racheter un appartement un peu plus grand dans une petite ville de la Republika Srpska et même ouvrir un commerce ou un café», explique Elizabeta Humar, une habitante du quartier de Grbavica, qui était durant la guerre la pointe avancée des positions serbes dans le centre de Sarajevo.
Les mouvements de retour des réfugiés sont encore bien loin de compenser la mutation à la fois démographique et sociologique qu’a connue la Bosnie, de même que les cicatrices de la guerre ne peuvent pas s’effacer en quelques années. Les plus optimistes voudront cependant croire qu’une société multi-ethnique a des chances de se reconstituer peu à peu.
par Jean-Arnault Dérens
Article publié le 05/10/2002