Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Côte d''Ivoire

La France embarrassée

Le ministre français des Affaires étrangères a exprimé son inquiétude sur l’évolution de la situation ivoirienne et a durci le ton envers les autorités au lendemain de l’échec de la négociation entreprise par la CEDEAO. Sur le terrain, des combats étaient signalés ce soir, entre mutins et forces loyalistes, dans le centre-ville de Bouaké, la seconde ville du pays contrôlée par les rebelles depuis le 19 septembre.
On comprend mieux, en examinant les forces en présence sur le terrain, le changement de ton survenu à Paris au cours de ces dernières heures. Prenant acte du durcissement de la position ivoirienne et du refus des autorités de signer l'accord préparé par les émissaires de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), le ministre français des Affaires étrangères a déclaré ce lundi matin: «Il est important que Laurent Gbagbo signe l’accord (car) il n’y a pas de solution militaire à la crise». Sur les ondes de la radio privée RTL, Dominique de Villepin a précisé que Paris «exigeait le dialogue» entre le gouvernement et les rebelles. La vivacité de la prise de position française traduit une inquiétude bien compréhensible.

Non seulement le départ des négociateurs de la CEDEAO écarte la perspective d’une solution négociée à brève échéance, conformément aux décisions prises lors du sommet sous-régionale d’Accra, fin septembre, mais il laisse également l’armée française comme seul et dernier interlocuteur étranger sur place. La position pouvait encore se justifier tant que subsistait l’espoir et la volonté d’en sortir par la voie de la négociation. Mais désormais, sans solution de remplacement, la position française pourrait s’avérer rapidement inconfortable. Associée à la Côte d’Ivoire par des accords de défense, cantonnée dans une attitude dont la neutralité est sujette à caution, l’armée française n’est plus dans la posture humanitaire qu’elle avait endossé au début des événements, lorsqu’elle s’était engagée pour procéder à l’évacuation des ressortissants étrangers bloqués dans les localités contrôlées par les rebelles.

Bouclier français

Ces derniers avaient, lors de la première phase de l’opération, plutôt bien accepté la mission des soldats français. Au cours de ces derniers jours, en revanche, le soupçon s’est installé: l’argument humanitaire justifiant leur présence a fait long feu. Et l’annonce de l’aide logistique apportée par Paris aux autorités ivoiriennes a contribué à détériorer le climat de confiance qui avait prévalu lors des premiers jours.

Quant aux autorités ivoiriennes, pressées de toutes parts de s’inscrire dans un processus de négociations avec les insurgés, elles maintiennent une ligne de conduite cohérente, bien que déplaisante pour leurs partenaires: une autorité légitime ne négocie pas avec des mutins en armes. Le problème est que le gouvernement ivoirien n’a pas les moyens de sa politique et qu’il n’a pas recruté parmi ses voisins et alliés les forces et la volonté indispensables à l’engagement d’une contre-offensive victorieuse. Jusqu’à présent, sans avoir à combattre, les forces françaises ont servi de bouclier au régime ivoirien. Mais à présent que l’engagement diplomatique est relégué au second rang des préoccupations, nul ne peut prévoir jusqu’où pourrait mener un engrenage militaire mal maîtrisé. C’est cette inquiétude qu’a relayé ce lundi le chef de la diplomatie française.



par Georges  Abou

Article publié le 07/10/2002