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Kenya

La KANU en crise à deux mois du scrutin présidentiel

Le parti au pouvoir fait face à une véritable fronde qui pourrait hâter sa chute lors des prochaines élections. En choisissant le fils de Jomo Kenyatta pour lui succéder, Daniel Arap Moi a non seulement provoqué une grave crise au sein du régime, mais également précipité une partie de la KANU dans l’opposition.
Le régime kenyan traverse une crise qui pourrait bien marquer le début de la fin de son hégémonie sur la vie politique du pays. Sans surprise, la conférence nationale du parti au pouvoir s’est conformée au scénario préparé par le chef de l’Etat sortant : l’Union nationale africaine du Kenya (KANU) a bien désigné lundi matin, par acclamation, le fils de Jomo Kenyatta, le président-fondateur du Kenya post-colonial, pour représenter la KANU lors des élections présidentielles prévues pour la fin décembre. Mais cette désignation s’inscrit dans une atmosphère de très vive contestation, avec le boycottage de la séance par les adversaires de la candidature du jeune héritier, Uhuru Kenyatta, et surtout la démission de deux nouveaux ministres du gouvernement, portant à six le nombre des démissionnaires au cours de ces deux derniers jours.

Lundi matin, dès l’annonce du choix du candidat, les dissidents du parti annonçaient leur intention de rejoindre l’opposition. «Ce n’est pas une scission», a déclaré le président Daniel Arap Moi, qui ne peut plus prétendre, constitutionnellement, à un nouveau mandat. Peut-être n’est-ce, en effet, qu’une grave crise de confiance au sein du parti au pouvoir à moins de trois mois d’une échéance capitale pour la survie du régime ? En tout cas l’opposition interne est suffisamment puissante pour que le groupe des dissidents se soit formellement constitué au sein d’une «Alliance Arc-en-ciel», avant d’annoncer la création d’une formation d’opposition, le Parti démocrate libéral. Fort du soutien d’anciens notables du régime, le nouveau-né sur la scène politique kenyane annonce dans la foulée qu’il envisage de faire alliance avec l’un des principaux partis d’opposition. S’il y parvient, le pays augmenterait ses chances de tourner la page des «leaders historiques», après trente-neuf ans de règne sans partage de la KANU sur les affaires, malgré le rétablissement du multipartisme sous la pression de la rue et de la communauté internationale en 1991.

Affaire de famille

C’est le ministre de l’Energie qui mène la fronde. Comme nombre de ses collègues, Raila Odinga, dont le père avait été emprisonné sous le régime de Jomo Kenyatta, explique sa démission par l’incapacité du gouvernement à résoudre la crise scolaire, alors que les enseignants du primaire et du secondaire entament leur troisième semaine de grève ce lundi. Mais c’est surtout le soutien présidentiel au petit-fils Kenyatta qui vaut au président sortant d’avoir à affronter cette situation inédite. Selon les protestataires, non seulement le processus de désignation a été manipulé, mais le choix présidentiel s’est porté sur Uhuru Kenyatta en raison de son inexpérience qui le rend plus facile à contrôler et inapte à entamer les poursuites qui pourraient viser le chef de l’Etat sur les dossiers de corruption, violations des droits de l’homme et fuites de capitaux qui ont émaillé les vingt-huit années de présidence de Daniel Arap Moi. «Il peut facilement être guidé», avait dit de lui son parrain en politique, tombeur de son père en 1978.

Cette succession avait été longuement et mûrement préparée. Selon le journaliste kenyan Joseph Karimi, cité par l’AFP, «après le rejet d’un accord pour promouvoir Kenyatta au sein du Parti démocratique (opposition), Moi et la famille Kenyatta se sont entendus pour faire du jeune politicien un homme politique d’envergure nationale». Malgré ses échecs électoraux, le jeune homme connaîtra une ascension incontestable, dans l’ombre du président. Mais l’opposition que suscite ouvertement aujourd’hui sa candidature pourrait faire capoter le «projet Uhuru». Faute de temps pour installer une nouvelle formation, il faudrait que, contrairement aux précédents scrutins de 1992 et 1997, l’opposition manifeste une réelle volonté d’union plutôt que montrer cette fois encore le visage de la division. D’ores et déjà un mouvement dans ce sens est entamé. Des contacts sont en cours entre les dissidents de la KANU et le parti d’opposition Alliance nationale du Kenya. Ce dernier a déjà choisi l’ancien vice-président Mwai Kibaki, candidat malheureux lors des deux précédentes élections présidentielles, pour le représenter lors du scrutin de la fin décembre.



par Georges  Abou

Article publié le 14/10/2002