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Kurdistan irakien

Le Kurdistan irakien réunit son parlement

La réconciliation des deux principaux partis rivaux du Kurdistan irakien a permis la réunion ce vendredi du parlement régional. C’est la première fois depuis six ans. Les deux protagonistes ont du céder à l’amical pression de la communauté internationale. Et, dans un premier temps, ils ont choisi de ne pas aborder les sujets les plus épineux.
De notre envoyé spécial à Erbil

«La réunion du Parlement kurde a Erbil est un signal fort qui est envoyé au gouvernement central de Bagdad et aux différents pays de la région», nous a déclaré un dirigeant du Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani. «Les deux partis, le PDK et l’UPK (Union Patriotique du Kurdistan de Jelal Talabani) ont mis de côté les divergences qui les séparent pour s’atteler aux défis qui les attendent».

Jusqu’au dernier moment, malgré l’importance de ces défis -une opération militaire américaine contre Saddam Hussein, un changement de régime à Bagdad- on avait pu craindre que les deux grands partis kurdes ne parviennent pas à surmonter leurs différends, et soient obligés de reporter la session plénière du Parlement d’Erbil, annoncée à grand fracas pour le 4 octobre.

Parmi les quatre groupes de travail créés par l’accord signé le 9 septembre à Sari Rash par Massoud Barzani et Jelal Talabani, c’est le «comité sur la normalisation des relations entre les deux partis» qui a rencontré le plus de difficultés: jusqu’au dernier moment, les délègués des deux partis ont buté sur des problèmes épineux comme la libération des prisonniers, qu’un parti considère comme des prisonniers politiques, et l’autre comme des prisonniers de droits commun; sur le nombre de nouveaux députés devant être désignés par l’UPK pour remplacer ceux qui avaient rallié le PDK; et sur le nombre de gardes armés devant escorter les personnalités ou garder les bureaux de chaque parti.

«La normalisation sera facile tant qu’il ne sera pas question de mélanger nos pechmergas (maquisards kurdes) et les agents de nos services de sécurité», nous a déclaré Roj Shawess, président du Parlement d’Erbil et membre du bureau politique du PDK, «mais mélanger des hommes en armes des deux partis pourrait tout détruire».

Réalisant qu’ils se déconsidéreraient définitivement aux yeux de leurs «partenaires» américains et des nombreuses personnalités étrangères invitées – dont madame Danielle Mitterrand pour la France- à assister a cette session exceptionnelle du Parlement kurde, s’ils devaient annuler sa réunion, Massoud Barzani et Jelal Talabani ont pesé de tout leur poids sur les appareils de leurs partis pour les forcer à se mettre d’accord sur l’ordre du jour de cette session historique... En remettant a plus tard la solution des problèmes les plus délicats.

Réconciliation sous pression internationale

Largement protocolaire, la session commencera avec la prestation de serment du cinquante et unième député du PDK -qui jusqu’alors n’avait que 50 députés, comme l’UPK. Ensuite les nouveaux députés de l’UPK (5 ou 6, ou plus) prêteront également serment. Puis le Parlement kurde, siégeant au complet pour la première fois depuis fin 1993, votera pour entériner les accords de Washington (1998), base de la réconciliation entre les deux grands partis kurdes.

Ensuite, Massoud Barzani et les chefs des deux grands groupes parlementaires (auxquels il faut ajouter les 5 députés assyriens) prononceront leurs discours. Madame Danielle Mitterrand devrait également intervenir, dix ans presque jour pour jour après sa première intervention devant ce parlement. Et les députés devraient décider de se retrouver pour une nouvelle session, 3 ou 4 jours plus tard, à Souleimania, cette fois-ci sous la présidence d’un député de l’UPK.

Les députés devraient ensuite se mettre au travail, siégeant d’abord trois mois a Erbil, puis deux mois a Souleimania. A l’ordre du jour, la normalisation des relations entre les deux partis, le choix d’une loi électorale, l’approbation d’un projet de constitution fédérale soumis par le PDK et probablement remanié par les députés, et l’organisation d’élections (théoriquement dans un délai de 9 mois).

Jelal Talabani, secrétaire général de l’UPK, a beau proclamer que sa rencontre avec Massoud Barzani a permis de «dissiper de nombreux nuages» et que les deux partis sont «convaincus, sous la pression populaire et sous la pression internationale, qu’ils ont besoin l’un de l’autre», rien ne garantit qu’ils parviendront a combler le fossé de méfiance qui les sépare.

«Pour l’instant, les deux régions conserveront leur gouvernement (à Erbil et Souleimania). Il faudra travailler plus longtemps ensemble, dans le parlement et avec l’opposition irakienne, pour pouvoir mettre en place un gouvernement de transition, pour préparer les élections», conclut Roj Shawess, président (PDK) du Parlement.



par Chris  Kutschera

Article publié le 04/10/2002