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Expositions

Le Paris de Zola s’expose

Cent ans après la mort d’Emile Zola, la Bibliothèque nationale de France lui consacre une exposition riche de plus de 400 pièces comprenant notamment des manuscrits, des lettres, des affiches, mais aussi des œuvres des ses amis peintres. Sans oublier le fameux «J’accuse!».
C’est à la Bibliothèque nationale François Mitterrand, dans un quartier de Paris que l’on ne cesse d’éventrer depuis de longues années, que Zola est de nouveau à l’affiche, cent ans après sa mort suspecte. Au nom d’un autre progrès, mais aussi du profit et de la mode, le «ventre de Paris» est de nouveau d’actualité. De nouvelles tours sortent peu à peu de leurs coffrages, de nouveaux donjons pas trop hostiles côtoient le béton caché par le verre et le métal des quatre tours froides d’une «très grande bibliothèque» que les Parisiens n’aiment qu’à moitié. Un nouveau grand boulevard vient d’être percé, avant d’être nommé «Avenue de France», tout au long du terre-plein qui cache le cœur d’une bibliothèque qui se veut plus que moderne. Haussmann serait-il de retour ?

Emile Zola a découvert Paris en 1858, alors que la capitale française n’était qu’un immense chantier engendré par les rêves urbanistiques et architecturaux de Haussmann, que les Parisiens de l’époque ont eu du mal à digérer. Avant de subir le choc inattendu d’un autre rêve insensé : celui de la Tour Eiffel, lors de l’expo de 1889. Ce Paris, qui, dans la douleur, devient peu à peu le symbole du progrès et de la modernité, peuple la plupart des œuvres de Zola : «J’aime d’amour les horizons de la grande cité» a-t-il écrit.

Fidèle à «la vérité en marche»

Fils d’un ingénieur vénitien qui a légué le «canal Zola» que l’on peut toujours admirer à Aix-en-Provence, Emile Zola est à l’affiche de la BNF, pour le plus grand bonheur des dames et des messieurs qui oseront faire le déplacement. Car, ils pourront plonger dans une sorte de grotte magique contenant plus de quatre cent pièces d’exception : manuscrits de Zola, carnets de repérage, lettres, affiches de l’époque annonçant la parution des romans naturalistes en feuilleton dans les principaux quotidiens du deuxième empire ou de la troisième République, photographies familiales ou cartes postales, dessins, gravures, projections murales et, surtout œuvres des peintes amis de Zola. Sans oublier, bien entendu, l’original du «J’accuse !» que l’écrivain désormais très connu a adressé au président de la République en 1898, à la «une» de L’Aurore, pour faire éclater le scandale de l’injuste condamnation du capitaine juif Alfred Dreyfus.

Zola voulait décrire la réalité de la misère des plus démunis, l’hypocrisie d’une bourgeoisie dont il faisait partie, dénoncer ce que la plupart des autres écrivains ou journalistes préféraient éviter d’affronter, pour ne pas risquer de perdre leur statut, leurs médailles ou leurs privilèges. Cette exposition permet de parcourir de nouveau son histoire, ou plutôt celle d’une ville et d’un pays en pleine mutation, à un moment où rares étaient ceux qui osaient ne pas céder au conformisme. Et presque personne n’osait approcher deux tabous majeurs : le pouvoir de l’armée omniprésente et la place des Juifs.

Il était alors plus confortable de céder à la mode d’une fin de siècle apparemment splendide et déjà très moderne, qui connaît les vrais débuts - déjà ravageurs - de la publicité, appelée le plus souvent réclame. Comme la naissance des Grands magasins, ou l’éclosion d’une presse quotidienne et hebdomadaire que la France ne retrouvera plus après la première guerre mondiale.

Protagoniste central de cette époque, Emile Zola en a subis toutes les conséquences. Attaqué de façon ignoble par les ultra-nationalistes, traité de tous les noms, il a toujours été fidèle à «la vérité qui est en marche», même lorsqu’elle semble dans l’ombre. Une vérité quelque peu utopique, dans ses dernières œuvres. Car Zola a voulu s’octroyer «après quarante ans d’analyse, le droit à l’utopie».

L’exposition Zola de la BNF a le mérite de rendre accessible le Zola polémique comme l’écrivain naturaliste, très populaire et pourtant constamment haï par une petite minorité très agissante qui n’a jamais oublié qu’il était «fils d’immigré».

Le parcours de cette expo est bâti sur une trilogie quelque peu artificielle, autour de trois mots : écrire, décrire, dire. Mais on peut s’en passer facilement. Il suffit de se laisser conquérir par les manuscrits ou les lettres de Zola et de ses amis, se laisser porter par les oeuvres de Cézanne, Manet, Monet et Luce, ou parcourir de nouveau la débâcle de 1870 (plus que la Commune, que Zola n’a pas côtoyé) et tous les combats pour la République et la modernité. Sans jamais oublier que Zola a d’abord aimé une ville, avant de faire œuvre de mise a nu.

A voir jusqu’au 19 janvier 2003

à la Bibliothèque nationale de France,
Site François Mitterrand,
quai François-Mauriac
75013 Paris





par Elio  Comarin

Article publié le 24/11/2002