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Défense

Les Beurs dans l’armée française

La professionnalisation des armées, lancée en 1996, a créé de nouveaux besoins de recrutement. L’occasion, pour les jeunes français d’origine maghrébine, d’intégrer en plus grand nombre cette institution.
Leurs aînés ont combattu pour la France dès la première guerre mondiale. En 1939, les Algériens, Tunisiens et Marocains, qui formaient les troupes «indigènes d’Afrique du Nord», n’étaient pas moins de 127 000 dans l’armée française (appelés et engagés). Aujourd’hui, ce sont leurs petits-enfants, de nationalité française, qui choisissent de faire carrière chez les militaires. Combien sont-ils à intégrer chaque année la gendarmerie, la marine ou l’armée de terre ? Impossible de le savoir. L’armée française souhaite en effet garantir «l’égale représentation de la société française» et éviter tout regroupement communautaire. Comme le précise le Général Thierry Cambournac, sous-directeur du recrutement à la DPMAT (Direction du personnel militaire de l’armée de terre) : «Je n’ai pas de chiffre sur le nombre de jeunes français d’origine maghrébine dans l’armée de terre. C’est une donnée que l’on ne recueille pas dans les centres d’information et de recrutement. Les jeunes peuvent, s’ils le souhaitent, signaler une pratique religieuse ou une origine ethnique mais ce n’est pas une obligation». Du côté de la gendarmerie, on indique : «pas de chiffre, c’est le principe égalitaire qui prévaut».

Tout juste peut-on supposer que la professionnalisation des armées, qui a amené celles-ci à recruter massivement dans toutes les couches de la société, a permis à un nombre accru de jeunes issus de l’immigration de s’engager. Preuve en est, l’armée de terre a créé de nouveaux centres d’information et de recrutement dans la banlieue parisienne à proximité de quartiers dits sensibles. C’est notamment le cas à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et, apparemment, les résultats sont là !

Rations cachère et hallal

Contrairement à la police, les militaires y bénéficieraient d’une image positive. «Mes recruteurs me disent que nous ne sommes pas perçus comme des personnes répressives. Au contraire, nous offrons à ces jeunes la possibilité de s’insérer socialement», affirme le Général Thierry Cambournac. Et de rappeler que l’objectif des armées est de recruter chaque année 20% de jeunes sans diplôme, «or, dans ces quartiers, on compte plus de jeunes non diplômés». Quant aux possibilités de promotion, elles semblent réelles même si l’on compte encore trop peu de cadres d’origine maghrébine dans l’armée et, c’est certain, aucun général. L’armée le reconnaît mais ne semble pas prête à accroître de manière volontaire la part de ses «minorités». Contrairement à la Grande-Bretagne, qui a instauré en 1998 un système de quotas baptisé «Plan d’action pour l’égalité des chances».

Une fois recrutés, les engagés ont-ils la possibilité de pratiquer leur religion ? «Il y a une règle commune à toutes les armées qui impose de respecter les pratiques religieuses et les habitudes alimentaires liées aux croyances», précise le Général Thierry Cambournac. «Dès leur arrivée, les jeunes sont informés de l’existence de rations de viande cachère ou hallal». Seule exception, les musulmans sont les seuls à ne pas avoir d’aumônerie au sein de l’armée où l’on trouve rabbin, pasteur et prêtre mais aucun imam. Raison invoquée : en France, aucune instance ne représente officiellement les cinq millions de musulmans, divisés en plusieurs fédérations et courants. Si la proportion des jeunes d’origine maghrébine dans l’armée pourrait s’accroître dans les années à venir, il est difficile, sans chiffre à l’appui, de savoir si elle va égaler leur représentativité dans la société.



par Estelle  Nouel

Article publié le 28/11/2002