Maroc
La mosquée Hassan II au centre d'une polémique
Achevée en 1992, la «grande mosquée», construite au bord de l’Atlantique, à Casablanca, est menacée par l’érosion. Des fissures qui suscitent une controverse autour de cet édifice pharaonique.
De notre correspondante à Casablanca
La plus grande mosquée d’Afrique va-t-elle s’effondrer ? L’hypothèse, émise récemment par l’hebdomadaire Maroc Hebdo International, rouvre un dossier sensible, celui du coût d’un bâtiment religieux gigantesque, boudé par les Marocains, qui l’ont en partie financé par une souscription «volontaire», dans les années quatre-vingts. Le dossier aurait, dit-on, été remis à l’architecte personnel du roi, chargé de l’étudier. Les autorités ont immédiatement réagi aux «informations alarmistes» parues dans la presse, en apportant un démenti officiel aux «menaces d’effondrement» de la mosquée Hassan II. Le wali (préfet) de Casablanca, le gouverneur de la région et le Directeur de l’Agence Urbaine de la ville, en charge de la maintenance du bâtiment, ont effectué une visite du site, au terme de laquelle ils ont précisé que «les usures observées sur les infrastructures de base ne concernent qu’une partie de l’esplanade surplombant la mer». Le communiqué ajoute que «les piliers supportant le bâtiment principal n’ont subi aucune altération» et que les «désordres» observés «paraissent normaux et typiques des constructions soumises aux agressions du milieu marin». Le journaliste par qui le scandale est arrivé se demandait, lui, quels risques font courir à l’édifice «des piliers fissurés, des panneaux de coffrage détachés, dont l’acier a éclaté».
Ali Benchekroun, le PDG de Bymaro, la filiale de Bouygues au Maroc, constructeur de la mosquée, admet que les problèmes existent, mais qu’ils sont sans gravité. «La structure de la mosquée n’est pas touchée. On a juste relevé un décollement de l’enrobage du béton sur la sous-face de l’esplanade qui donne sur la mer.» Le dossier technique, c’est-à-dire la recherche des causes des dommages constatés, ainsi que des solutions à apporter est en cours de traitement. Bouygues Maroc reconnaît que c’est une procédure habituelle, effectuée pour son client, le ministère de l’Intérieur, commanditaire de la construction. Impossible, en revanche, de connaître le montant des réparations à effectuer. Il faut dire que le financement des réparations est l’objet d’un litige entre le maître d’œuvre, Bouygues, et ses assureurs.
La polémique tombe mal pour Bouygues
Par deux fois, en juillet 2000 et en septembre 2001, le constructeur a envoyé au principal assureur, la Royale Marocaine d’Assurances, une déclaration de sinistre, après avoir constaté des «signes de détérioration». Un seul et même dossier, en fait, qui traîne au gré des expertises successives. Bouygues et les assureurs n’ont en effet pas les mêmes intérêts dans l’affaire. Si le constructeur est tenu d’effectuer les réparations de l’édifice durant les dix ans qui suivent sa livraison, ses assureurs, qui les financent, peuvent hésiter. En particulier lorsque l’on se souvient qu’avait été évoquée la construction d’une digue, protégeant le monument des vagues de l’Atlantique. Livrée en 1992, la mosquée ne devrait donc plus être garantie au-delà de 2002, mais Bouygues a demandé l’interruption de la prescription, si bien que les assureurs essaient, aujourd’hui, de faire déterminer les causes des dégradations, les responsabilités étant supportées différemment, selon qu’il y a vice de construction ou non.
Le litige entre le constructeur et ses assureurs a été porté devant le tribunal de commerce de Casablanca et sera tranché à partir des expertises en cours. Ahmed Hakimi, l’expert commis auprès du tribunal, a remis, en juillet, un volumineux rapport posant un premier diagnostic. Un deuxième rapport est en cours de réalisation, ses conclusions ne seront livrées qu’à la fin de l’instruction. Aujourd’hui, il établit, cependant que «la mosquée elle-même n’est pas en danger, que le problème ne concerne qu’un endroit précis, exposé à la mer».
Le «leader du bâtiment dans le monde» mène également une autre bataille juridique, pour faire récuser Hamou Moussaoui, un expert pour qui la construction de la digue est indispensable. Au-delà de la bataille juridique entre Bouygues et ses assureurs, les enjeux et les questions sont multiples.
Le financement initial de la mosquée, le montant de la souscription «volontaire» restent des sujets tabous. La mosquée, qui aurait dû servir de mausolée à Hassan II, pèse environ un million de tonnes et a été construite sur neuf hectares, dont les deux tiers ont été gagnés sur la mer. Inaugurée en 1993, elle comporte des dépendances qui ne sont toujours pas en service et son entretien coûte environ 40 millions de dirhams par an (4 millions d’euros). Est-elle réellement en danger ?
La polémique, en tout cas, tombe mal pour Bouygues, qui vient de se voir chargé du réaménagement du port de Tanger, le projet-phare de la modernisation du Maroc.
La plus grande mosquée d’Afrique va-t-elle s’effondrer ? L’hypothèse, émise récemment par l’hebdomadaire Maroc Hebdo International, rouvre un dossier sensible, celui du coût d’un bâtiment religieux gigantesque, boudé par les Marocains, qui l’ont en partie financé par une souscription «volontaire», dans les années quatre-vingts. Le dossier aurait, dit-on, été remis à l’architecte personnel du roi, chargé de l’étudier. Les autorités ont immédiatement réagi aux «informations alarmistes» parues dans la presse, en apportant un démenti officiel aux «menaces d’effondrement» de la mosquée Hassan II. Le wali (préfet) de Casablanca, le gouverneur de la région et le Directeur de l’Agence Urbaine de la ville, en charge de la maintenance du bâtiment, ont effectué une visite du site, au terme de laquelle ils ont précisé que «les usures observées sur les infrastructures de base ne concernent qu’une partie de l’esplanade surplombant la mer». Le communiqué ajoute que «les piliers supportant le bâtiment principal n’ont subi aucune altération» et que les «désordres» observés «paraissent normaux et typiques des constructions soumises aux agressions du milieu marin». Le journaliste par qui le scandale est arrivé se demandait, lui, quels risques font courir à l’édifice «des piliers fissurés, des panneaux de coffrage détachés, dont l’acier a éclaté».
Ali Benchekroun, le PDG de Bymaro, la filiale de Bouygues au Maroc, constructeur de la mosquée, admet que les problèmes existent, mais qu’ils sont sans gravité. «La structure de la mosquée n’est pas touchée. On a juste relevé un décollement de l’enrobage du béton sur la sous-face de l’esplanade qui donne sur la mer.» Le dossier technique, c’est-à-dire la recherche des causes des dommages constatés, ainsi que des solutions à apporter est en cours de traitement. Bouygues Maroc reconnaît que c’est une procédure habituelle, effectuée pour son client, le ministère de l’Intérieur, commanditaire de la construction. Impossible, en revanche, de connaître le montant des réparations à effectuer. Il faut dire que le financement des réparations est l’objet d’un litige entre le maître d’œuvre, Bouygues, et ses assureurs.
La polémique tombe mal pour Bouygues
Par deux fois, en juillet 2000 et en septembre 2001, le constructeur a envoyé au principal assureur, la Royale Marocaine d’Assurances, une déclaration de sinistre, après avoir constaté des «signes de détérioration». Un seul et même dossier, en fait, qui traîne au gré des expertises successives. Bouygues et les assureurs n’ont en effet pas les mêmes intérêts dans l’affaire. Si le constructeur est tenu d’effectuer les réparations de l’édifice durant les dix ans qui suivent sa livraison, ses assureurs, qui les financent, peuvent hésiter. En particulier lorsque l’on se souvient qu’avait été évoquée la construction d’une digue, protégeant le monument des vagues de l’Atlantique. Livrée en 1992, la mosquée ne devrait donc plus être garantie au-delà de 2002, mais Bouygues a demandé l’interruption de la prescription, si bien que les assureurs essaient, aujourd’hui, de faire déterminer les causes des dégradations, les responsabilités étant supportées différemment, selon qu’il y a vice de construction ou non.
Le litige entre le constructeur et ses assureurs a été porté devant le tribunal de commerce de Casablanca et sera tranché à partir des expertises en cours. Ahmed Hakimi, l’expert commis auprès du tribunal, a remis, en juillet, un volumineux rapport posant un premier diagnostic. Un deuxième rapport est en cours de réalisation, ses conclusions ne seront livrées qu’à la fin de l’instruction. Aujourd’hui, il établit, cependant que «la mosquée elle-même n’est pas en danger, que le problème ne concerne qu’un endroit précis, exposé à la mer».
Le «leader du bâtiment dans le monde» mène également une autre bataille juridique, pour faire récuser Hamou Moussaoui, un expert pour qui la construction de la digue est indispensable. Au-delà de la bataille juridique entre Bouygues et ses assureurs, les enjeux et les questions sont multiples.
Le financement initial de la mosquée, le montant de la souscription «volontaire» restent des sujets tabous. La mosquée, qui aurait dû servir de mausolée à Hassan II, pèse environ un million de tonnes et a été construite sur neuf hectares, dont les deux tiers ont été gagnés sur la mer. Inaugurée en 1993, elle comporte des dépendances qui ne sont toujours pas en service et son entretien coûte environ 40 millions de dirhams par an (4 millions d’euros). Est-elle réellement en danger ?
La polémique, en tout cas, tombe mal pour Bouygues, qui vient de se voir chargé du réaménagement du port de Tanger, le projet-phare de la modernisation du Maroc.
par Isabelle Broz
Article publié le 26/11/2002