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Chine

Sang neuf, mais pas de sang frais pour le PCC

La nomination des nouveaux dirigeants chinois s’est passée en douceur lors du XVIème congrès du PCC. Jiang Zemin se retire mais son clan continuera à dominer la scène politique.
De notre correspondant à Pékin,

Jiang Zemin s’est retiré jeudi de ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), et a cédé la place à Hu Jintao. Le nouveau chef suprême du PCC fait partie de la «quatrième» génération, celle qui a traversé la Révolution culturelle, qui est nationaliste, et moins éduquée que la précédente. Hu Jintao a 59 ans, et il est surtout connu pour avoir su passer entre les gouttes des purges internes du PCC, en s’attirant les grâces des dirigeants. Homme docile, discret, d’une mémoire prodigieuse, il est peu connu du grand public. L’immense majorité des Chinois n’avait même jamais entendu son nom avant les quelques semaines qui ont précédé le congrès. Hu a deux faces, l’une conservatrice, l’autre réformatrice. Il était gouverneur du Tibet durant la répression de 1989, et il s’est montré très actif dans la campagne anti-américaine de 1999, pendant la guerre en
ex-Yougoslavie. Mais il était aussi directeur de l’Ecole des cadres du parti, dans laquelle il a encouragé le débat sur la réforme démocratique, et où il a fait installer l’internet à haut débit.

La transition s’est apparemment effectuée en douceur, tout ayant été préparée à l’avance. La surprise vient du fait que Jiang a conservé son poste de chef de la Commission militaire, ce qui lui confère un pouvoir extrêmement important. D’autre part, il a placé cinq de ses alliés les plus fidèles au Politburo, qui comprend neuf membres, qui sont les véritables détenteurs du pouvoir. Wu Bangguo est un conseiller d'Etat (l'équivalent d'un ministre d'Etat en Chine) proche de Jiang Zemin. C’est lui qui devrait devenir président du parlement chinois en mars prochain. Wen Jiabao est vice-premier ministre et devrait remplacer en mars l'actuel premier ministre Zhu Rongji. A la quatrième place se trouve Jia Qinglin, également un proche de Jiang Zemin. A la cinquième place arrive Zeng Qinghong, l'influent conseiller de Jiang, suivi par Huang Ju, Wu Guanzheng, Li Changchun et Luo Gan.

Jiang dirigera en coulisses

Officiellement, Jiang quittera ses fonctions de Président de la république en mars prochain. D’ores et déjà, on sait qu’il continuera en coulisses à diriger le pays, tout comme son prédécesseur Deng Xiaoping l’avait fait pendant sept ans après avoir quitté le poste de secrétaire général du parti. C’est une façon aussi pour Jiang d’éviter que Hu ne manifeste trop d’entrain dans les réformes politiques, et de garantir qu’aucun scandale ne le poursuivra. En treize années de règne sans partage, Jiang a su continuer la réforme économique engagée par Deng -le pays a enregistré 8% de croissance en moyenne pendant douze ans-, mais il a su aussi conserver une ligne politique autoritaire, qui garantit tous les pouvoirs au parti unique malgré l’émergence du capital privé dans le pays. Pour réaliser ce grand écart entre pouvoir autoritaire et capitalisme, le PCC a pris une mesure importante lors de ce congrès, en modifiant sa charte pour permettre aux entrepreneurs privés de rejoindre les rangs du parti.

Le PCC ne sera plus désormais le représentant de la seule classe ouvrière, mais aussi des «forces avancées patriotiques». De fait, une douzaine de très grands patrons du secteur privé sont entrés hier au Comité central du PCC, aux côtés des soldats, intellectuels, paysans et ouvriers, qui étaient jusqu’à présent les seuls acceptés. C’est un changement de cap majeur qui a été officialisé. «Le pouvoir politique absorbe désormais le pouvoir économique, cela ne plaît pas à la vieille garde révolutionnaire, mais c’est une étape nécessaire pour adapter le parti aux réalités de l’époque», explique le sinologue Jean-Luc Domenach. «L’Histoire ne fait pas de sentiments. Le pays n’est plus communiste que par le nom, et les leaders ont compris que pour garder le pouvoir, ils doivent faire des concessions aux hommes d’affaires». Mais d’autres traditions s’incrustent. Des 198 membres du nouveau Comité central élus lors de ce congrès, cinq seulement sont des femmes.



par Abel  Segrétin

Article publié le 15/11/2002