Madagascar
Campagne électorale morose
Les Malgaches se rendront aux urnes le 15 décembre prochain, pour des élections législatives anticipées. Ce scrutin devrait permettre d’asseoir la stabilité politique du nouveau régime. Mais visiblement, ce rendez-vous électoral ne suscite pas franchement l’enthousiasme. Illustration en province, à Toamasina, sur la côte est de la Grande Ile.
De notre correspondant à Madagascar
«Les présidentielles, c’était une grande élection. Mais les législatives, là, c’est pas très important». Ce jugement de Monsieur Modeste, tireur de pousse-pousse, reflète une opinion largement répandue. «Beaucoup de gens ignorent le rôle des députés, précise Jérôme Leyraud, observateur de l’Union européenne, arrivé à Toamasina fin novembre pour suivre les préparatifs et le déroulement du scrutin. Il n’y a pas eu de campagne d’éducation civique. Et jusqu’à présent, dans les zones rurales notamment, les citoyens ne sont pas nécessairement au courant des événements». La campagne électorale a commencé le 30 novembre. Elle se déroule dans le calme. A moins que ça ne soit de l’indifférence.
Une pluie fine a transformé les ruelles des quartiers populaires en champs de boue. Les candidats quadrillent leur circonscription, les uns à pied, les autres dans leur véhicule 4x4 bardé d’autocollants. Les plus riches ont une sono, les autres, un simple mégaphone. Pas de grands meetings, mais plutôt une campagne de proximité. Aller vers les gens, puisqu’il faut bien le dire, les gens ne viennent pas vers les candidats.
«Les gens, ils ont assez du blablabla en politique», explique le Dr Rakotomalala, candidat indépendant affilié à la mouvance présidentielle. «On fait du porte-à-porte, précise Norbert Avizara, qui représente un des partis d’opposition pour les législatives. Mais les gens nous disent: on vous soutient, mais on ne veut pas se manifester, on ne veut pas aller dans vos meetings…».
Des personnalités de l’ancien régime arrêtées
Pas beaucoup d’intérêt donc pour ce scrutin traditionnellement peu mobilisateur. Mais surtout, aujourd’hui, après les événements politiques, il règne toujours comme un climat de suspicion. Toamasina était le fief de l’ancien président, le dernier bastion du camp Ratsiraka durant la crise. Le pouvoir de Marc Ravalomanana s’est installé. Plusieurs personnalités de l’ancien régime ont arrêtées, pour atteinte à la sûreté de l’Etat, à la fin des événements politiques. Mais récemment encore, il y a eu deux nouvelles arrestations, dans la province, là encore officiellement pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il se trouve que ces deux personnes arrêtées devaient se présenter candidats d’opposition aux législatives… Dans le camp Arema, l’ancien parti au pouvoir, on dénonce ces «intimidations». Le sénateur Dauphin Koto, élu Arema dans la région, demande que «ces arrestations arbitraires cessent».
En tout cas, la population ne vit donc pas dans une totale sérénité. «On n’est pas sûr de ce qui se passera demain, explique un jeune homme dans la rue. C’est pour cela que les gens ont peur de parler, de s’identifier». Plus loin, un homme plus âgé, confirme: «à cause de la politique, les gens ont peur. Mais moi, je n’ai pas peur, parce que actuellement, on a fait la démocratie»… Disons que la démocratie s’installe, aidée dans ce sens par des observateurs internationaux. L’Union européenne a dépêché à Madagascar plusieurs équipes d’experts répartis sur tout le territoire.
A Toamasina, Jérôme Leyraud a bien perçu, lui aussi, une retenue diffuse, chez la population. «On peut ressentir une certaine réticence à vouloir discuter, le cas échéant avec des observateurs internationaux, confie-t-il. Les gens ne sont pas habitués à en voir, ici à Madagascar. Donc, oui, les gens sont un peu réticents…».
Les habitants semblent donc attendre que les élections se passent. Et les autorités semblent vouloir qu’elles se passent bien. Et elles s’en donnent les moyens. Pour la première fois à Madagascar, le scrutin du 15 décembre verra l’utilisation d’urnes transparentes, dans tous les bureaux de vote. Ce qui fait dire à beaucoup que pour la première fois, les élections seront vraiment transparentes, conformément à l’engagement du nouveau régime. Mais il faut le reconnaître, cela n’empêche pas nécessairement d’éventuelles irrégularités. Notamment dans l’élaboration des listes électorales, avant le scrutin. «Il faut courir après les cartes d’électeur, constate Roland Ratsiraka, le maire de la ville. Mais j’ose espérer que tout cela va être résolu avant la date du scrutin».
Restent donc quelques jours pour terminer les préparatifs et, si possible, essayer d’effacer les imperfections. Quelques jours encore pour que les candidats emportent l’adhésion des électeurs, ou au moins les motivent pour remplir leur devoir de citoyen. Le maire de Toamasina conclut: «les gens ont envie de revivre normalement, de pouvoir travailler en toute sérénité».
«Les présidentielles, c’était une grande élection. Mais les législatives, là, c’est pas très important». Ce jugement de Monsieur Modeste, tireur de pousse-pousse, reflète une opinion largement répandue. «Beaucoup de gens ignorent le rôle des députés, précise Jérôme Leyraud, observateur de l’Union européenne, arrivé à Toamasina fin novembre pour suivre les préparatifs et le déroulement du scrutin. Il n’y a pas eu de campagne d’éducation civique. Et jusqu’à présent, dans les zones rurales notamment, les citoyens ne sont pas nécessairement au courant des événements». La campagne électorale a commencé le 30 novembre. Elle se déroule dans le calme. A moins que ça ne soit de l’indifférence.
Une pluie fine a transformé les ruelles des quartiers populaires en champs de boue. Les candidats quadrillent leur circonscription, les uns à pied, les autres dans leur véhicule 4x4 bardé d’autocollants. Les plus riches ont une sono, les autres, un simple mégaphone. Pas de grands meetings, mais plutôt une campagne de proximité. Aller vers les gens, puisqu’il faut bien le dire, les gens ne viennent pas vers les candidats.
«Les gens, ils ont assez du blablabla en politique», explique le Dr Rakotomalala, candidat indépendant affilié à la mouvance présidentielle. «On fait du porte-à-porte, précise Norbert Avizara, qui représente un des partis d’opposition pour les législatives. Mais les gens nous disent: on vous soutient, mais on ne veut pas se manifester, on ne veut pas aller dans vos meetings…».
Des personnalités de l’ancien régime arrêtées
Pas beaucoup d’intérêt donc pour ce scrutin traditionnellement peu mobilisateur. Mais surtout, aujourd’hui, après les événements politiques, il règne toujours comme un climat de suspicion. Toamasina était le fief de l’ancien président, le dernier bastion du camp Ratsiraka durant la crise. Le pouvoir de Marc Ravalomanana s’est installé. Plusieurs personnalités de l’ancien régime ont arrêtées, pour atteinte à la sûreté de l’Etat, à la fin des événements politiques. Mais récemment encore, il y a eu deux nouvelles arrestations, dans la province, là encore officiellement pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il se trouve que ces deux personnes arrêtées devaient se présenter candidats d’opposition aux législatives… Dans le camp Arema, l’ancien parti au pouvoir, on dénonce ces «intimidations». Le sénateur Dauphin Koto, élu Arema dans la région, demande que «ces arrestations arbitraires cessent».
En tout cas, la population ne vit donc pas dans une totale sérénité. «On n’est pas sûr de ce qui se passera demain, explique un jeune homme dans la rue. C’est pour cela que les gens ont peur de parler, de s’identifier». Plus loin, un homme plus âgé, confirme: «à cause de la politique, les gens ont peur. Mais moi, je n’ai pas peur, parce que actuellement, on a fait la démocratie»… Disons que la démocratie s’installe, aidée dans ce sens par des observateurs internationaux. L’Union européenne a dépêché à Madagascar plusieurs équipes d’experts répartis sur tout le territoire.
A Toamasina, Jérôme Leyraud a bien perçu, lui aussi, une retenue diffuse, chez la population. «On peut ressentir une certaine réticence à vouloir discuter, le cas échéant avec des observateurs internationaux, confie-t-il. Les gens ne sont pas habitués à en voir, ici à Madagascar. Donc, oui, les gens sont un peu réticents…».
Les habitants semblent donc attendre que les élections se passent. Et les autorités semblent vouloir qu’elles se passent bien. Et elles s’en donnent les moyens. Pour la première fois à Madagascar, le scrutin du 15 décembre verra l’utilisation d’urnes transparentes, dans tous les bureaux de vote. Ce qui fait dire à beaucoup que pour la première fois, les élections seront vraiment transparentes, conformément à l’engagement du nouveau régime. Mais il faut le reconnaître, cela n’empêche pas nécessairement d’éventuelles irrégularités. Notamment dans l’élaboration des listes électorales, avant le scrutin. «Il faut courir après les cartes d’électeur, constate Roland Ratsiraka, le maire de la ville. Mais j’ose espérer que tout cela va être résolu avant la date du scrutin».
Restent donc quelques jours pour terminer les préparatifs et, si possible, essayer d’effacer les imperfections. Quelques jours encore pour que les candidats emportent l’adhésion des électeurs, ou au moins les motivent pour remplir leur devoir de citoyen. Le maire de Toamasina conclut: «les gens ont envie de revivre normalement, de pouvoir travailler en toute sérénité».
par Olivier Péguy
Article publié le 10/12/2002