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Propriété intellectuelle

France : vers l’interdiction de copier ?

La bataille se déchaîne autour de l’avant-projet de loi du gouvernement Raffarin qui prévoit de légitimer les protections de CD et de DVD contre la copie. Devant le tollé général, le gouvernement lance une concertation avec les sociétés d’auteurs et les éditeurs.
La copie privée bientôt menacée en France. En clair, le droit de graver ses CD audio, ses DVD ou dupliquer un morceau de musique depuis Internet. La polémique fait rage autour de l’avant-projet de loi relatif au droit d’auteur dans la société de l’information. Si l’on en croit les premières informations de ce document évoquées dans la presse, la principale disposition de ce texte de loi prévoit que «l’auteur d’une œuvre, autre qu’un logiciel, l’artiste-interprète, le producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes, l’entreprise de communication audiovisuelle peut mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui leur sont reconnus». Autrement dit, ce projet de loi légalise tous les procédés mis en place par les éditeurs sur leurs CD ou leurs DVD, pour empêcher toute forme de copie.

Cette législation répond à un impératif de transposer en droit français une directive européenne du 22 mai 2001 sur le droit d’auteur dans la société de l’information. Elle oblige les 15 Etats membres à prendre des mesures techniques contre la contrefaçon, tout en préservant le principe de la copie privée à usage personnel qui a été définie dans la loi sur la copie privée de 1985 dite «loi Lang».

Un front commun s’est constitué pour repousser la mise en place du projet de loi. On y trouve les libertaires du Net et notamment les associations de défense du logiciel libre comme April (Association pour la promotion de l’informatique libre) et la FSF (Free Software Foundation) mais également des associations de défense de consommateurs comme UFC-Que Choisir.

Ces organisations ne cachent pas leurs préoccupations face à ce texte qui s’inscrit dans la droite ligne du DMCA (Digital Millennium Copyright Act). L’exemple du DMCA, qui défraie la chronique aux États-Unis depuis 1998, est sur ce point peu engageant, si l’en croit Frédéric Couchet, le président de l’April. Le DMCA, comme la directive européenne du 22 mai 2001 dont est issue le projet de loi, a pour intention déclarée de réprimer la contrefaçon. «Mais pour y parvenir, le législateur commet l'impardonnable erreur de remplacer la loi par la technique», explique Frédéric Couchet. Et de relever que «le projet de loi propose même d'autoriser des organisations de défense de professionnels telles que le BSA (Business Software Alliance dont le principal membre est Microsoft) à se substituer purement et simplement aux auteurs. Et cette proposition n’a rien à voir avec la directive européenne du 22 mai 2001».

Vers une poursuite de la concertation

L’UFC-Que Choisir n’a pas tardé à réagir estimant que les droits des consommateurs français sont mis à mal. Selon elle, ce dispositif législatif –tout en veillant à réprimer la copie illégale- est contraire à la loi sur la copie privée. Autre argument avancé par ces associations: qu’en est-il de la taxe sur les supports vierges (CD, mini-disques et DVD) mise en place depuis janvier 2001 et supposée compenser le manque à gagner des éditeurs phonographiques et filmographiques dû au développement de la piraterie ?

Pour sa part, le gouvernement n’a pas dit son dernier mot. Jacques Aillagon s’accorde lui le temps de la réflexion sur ce délicat dossier. Chargé d’éclairer le ministre de la Culture et de la Communication sur les décisions à prendre en matière de copie privée, le conseiller d’Etat Raphael Hadas-Lebel s’est, jeudi 5 décembre, prononcé, dans le rapport de 16 pages qu’il a remis à Matignon, pour «une poursuite de la concertation avec l’ensemble des partenaires concernés pour parvenir à une solution équilibrée et satisfaisante».

Ce coup de frein à l’avant-projet de loi du gouvernement Raffarin laisse planer beaucoup d’incertitudes sur l’issue de ce texte, si l’on en croit de nombreux experts proches du dossier. Le débat est ouvert. Réponse dans les prochains mois à venir.




par Myriam  Berber

Article publié le 06/12/2002