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Question basque

Paris, cible du terrorisme basque ?

Selon des documents saisis par les enquêteurs français les séparatistes basques de l’ETA préparaient une spectaculaire évasion de la prison parisienne de la Santé et s’apprêtaient à mener une action contre une juge anti-terroriste spécialiste du terrorisme basque.
Le dernier foyer historique de terrorisme au sein de l’Union européenne se signale une nouvelle fois cette semaine par son impressionnante capacité d’action, surtout en France. En dépit des sérieux revers enregistrés par l’organisation, désormais confrontée à un véritable tir de barrage anti-terroriste sur le plan international, la police française et l’administration pénitentiaire ont découvert que Paris, comme Madrid, fait désormais partie des cibles directes d’ETA. Le «champ de bataille» va donc à présent bien au-delà du «Pays basque», au sens large c’est à dire dans ses parties espagnole et française, puisque les actions déjouées par les autorités auraient pu se dérouler dans Paris.

Tout d’abord un spectaculaire plan d’évasion de la prison parisienne de la Santé a été découvert le 2 janvier. Le projet prévoyait la mise en œuvre d’explosifs et la participation de complices à l’extérieur. Apparemment il n’en était qu’au stade embryonnaire puisque le document saisi «schématisait succinctement des endroits de la prison où poser ces explosifs et des indications sur la manière de les poser», selon des sources judiciaire et syndicale. Aucune indication de date pour la mise en œuvre n’a pu être déterminée, et aucun matériel suspect n’a été saisi dans les cellules des huit détenus basques de la prison, qui ont tous été transférés vers d’autres établissements.

Depuis la disparition du dictateur Francisco Franco, en 1975, la restauration de la démocratie à Madrid, l’entrée de l’Espagne au sein de l’Union européenne, la France a définitivement rompu avec sa réputation de complaisance à l’égard des nationalistes basques. Aujourd’hui la coopération policière anti-terroriste avec Madrid ne peut plus souffrir l’ombre d’un soupçon. Et malgré tout, le «Pays basque français» demeure, historiquement, géographiquement, culturellement, la seule et unique profondeur stratégique des nationalistes radicaux basques espagnols. D’où l’intense activité de l’ETA en France où une centaine de ses militants sont emprisonnés.

Une juge anti-terroriste pour cible

L’autre projet de l’ETA a été mis au jour par les policiers français à l’occasion d’une opération effectuée le 19 décembre dans la planque d’un responsable de l’organisation, à Tarbes (sud-ouest de la France). Ibon Fernandez Iradi devait s’évader dans des conditions rocambolesques deux jours plus tard du commissariat de Bayonne et provoquer une enquête administrative et la mise à pieds temporaire des fonctionnaires chargés de sa surveillance. Mais, surtout, les documents saisis chez lui annonçaient que des projets inquiétant et inédit étaient en préparation. De toute évidence, ETA s’apprêtait à commettre une action d’envergure contre la juge anti-terroriste française Laurence Le Vert. Un document établissant précisément les horaires, les habitudes, le modèle de voiture, son numéro de plaque d’immatriculation et fournissant les noms des policiers chargés de la sécurité de la magistrate a notamment été retrouvé. Selon l’agence Reuters, ce document décrit aussi un possible mode opératoire pour exécuter Laurence Le Vert.

La juge Le Vert est l’un des quatre juges anti-terroristes français. Elle travaille sur ce dossier depuis seize ans. Elle a été à l’origine d’une bonne partie de l’action répressive menée par la France contre l’ETA. Bien qu’elle dispose d’une garde rapprochée 24 heures sur 24, la menace est prise très au sérieux en raison du «professionnalisme» des commandos de l’organisation séparatiste qui ont montré qu’ils n’hésitaient pas à s’attaquer à des magistrats, des militaires, des policiers et des politiques. Mais toujours en Espagne. En effet, les victimes françaises du terrorisme basque ont été, le plus souvent, des membres des forces de l’ordre pris sous le feu de militants tentant de leur échapper.

Hasard du calendrier, ce jeudi 9 janvier s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris le procès d’un ex-chef militaire de l’ETA. Ignacio Gracia Arregui comparait avec son épouse française Fabienne Tapia ainsi qu’un troisième militant indépendantiste, Juan Antonio Olarra Guridi, pour «association de malfaiteurs terroriste». L’ex-chef, qui purge déjà une peine de prison pour le même motif, doit notamment s’expliquer sur l’impressionnant stock d’armes et d’explosifs retrouvé à Bayonne et qu’il gérait, selon l’accusation.

D’ores et déjà les documents saisis à Tarbes fin décembre ont ouvert des pistes espagnoles: dans le cadre de cette enquête, deux personnes ont été appréhendées jeudi à Vitoria, au Pays basque espagnol, lors d’une opération contre l’ETA. Enfin cette affaire survient au moment où le Tribunal suprême espagnol examine deux demandes d'interdiction du parti indépendantiste basque Batasuna, considéré comme la vitrine politique, et jusqu'alors légale, d'ETA. Depuis le mois d'août 2002, les activités de la formation sont suspendues pour une période de trois ans, dans le cadre d’une procédure pénale instruite par le juge Baltazar Garzon.



par Georges  Abou

Article publié le 09/01/2003