Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Algérie

Les tabous se brisent sur le Net

Le réseau Internet qui permet à chacun d'accéder à des informations en provenance du monde entier est un instrument dont se servent les Algériens pour s’exprimer. Avec une certaine liberté.
D’Alger la Blanche à Tlemcen, l’Internet a été mis à profit très tôt par la population algérienne pour s’exprimer. Notamment dans l’urgence. Si les premiers abonnements à l’Internet datent de 1992, la Toile a pris un véritable essor au plus fort de la vague du terrorisme en 1994, une période très troublée pour tous les Algériens. La presse nationale a été l’un des premiers secteurs à investir le réseau. Vingt-quatre titres disposent actuellement de sites web (dont sept en langue arabe). En général, les sites web fournissent le même contenu que les éditions papiers, leur accès est gratuit et permet aux différentes diaspora dispersées à travers le monde de consulter les journaux du pays. Mais à côté de journaux prestigieux comme elwatan.com ou elmoudjahid-dz.com coexiste sur la Toile une presse indépendante en ligne comme algeria-watch.de ou algeria-interface.com. Un site d’analyse et d’information sur l’Algérie dont l’essentiel de la rédaction est basée à Alger, mais qui dispose également d’une équipe de pigistes à Paris.

Algeria-interface, journal entièrement électronique, aborde les questions algériennes sans tabous. Toutes les questions sensibles que la presse abordait peu au moment du lancement du site, en 1999: armée, torture, massacres, droits humains, etc sont passées au crible. Mais contrairement aux idées reçues, ce journal n’a à ce jour rencontré aucune difficulté comme l’explique l’un des journalistes parisiens Djamel Benramdane : «Nous n’avons pas d’existence légale en Algérie et c’est pour nous un avantage de ne pas être sur place: nous ne subissons pas de pressions et nous avons plus de recul. Nos journalistes rencontrent les mêmes difficultés que les confrères d’autres médias: difficulté d’accès aux sources, informations contrôlées par le gouvernement (par exemple dans le cadre du terrorisme, des massacres, des atteintes aux droits de l’homme)», explique-t-il.

Internet a sauvé les dessinateurs politiques

Pour Djamel Benramdane, la censure n’est pas systématique en Algérie. En réalité, il s’agit plutôt d’autocensure. Les journalistes craignent des représailles ou des ennuis et n’abordent pas certains sujets. Les responsables des médias filtrent l’information ou les sujets qui peuvent gêner ou déranger les autorités. «Nous avons eu des informations selon lesquelles des courriers électroniques auraient été interceptés. Mais l’accès à Internet est entièrement libre en Algérie, contrairement aux pratiques, par exemple, des autorités tunisiennes», rappelle-t-il.

Pour tous les intellectuels algériens qui ont, bien souvent, maille à partir avec la censure, le Web est le lieu idéal pour continuer le combat mené sur le terrain. Internet dans toutes ses composantes (web, courrier, forum, liste de diffusion) est devenu le point de ralliement de bon nombre d’écrivains ou de dessinateurs. Parmi eux, l’un des humoristes politiques les plus célèbres en Algérie, le caricaturiste Slim. Selon lui, «Internet a sauvé les dessinateurs politiques algériens. Deux ont été assassinés, un autre condamné à l’exil». Et Slim d’expliquer que : «le fax n’est pas du tout adapté aux dessins, Internet est une grande révolution pour contourner la censure et pour envoyer ses travaux rapidement aux magazines auxquelles je collabore».

Même crédo pour l’écrivain oranais Hamid Skif, contraint à l’exil et réfugié en Allemagne, Hamid Skif a publié en 1995 son recueil de nouvelles «Citrouille fêlée» via Internet. Le seul moyen, selon lui, pour s’adresser à la fois aux lecteurs algériens mais aussi aux francophones du monde entier. Il a confié son manuscrit à l’éditeur en ligne 00h00, l’éditeur idéal selon lui : «Il était impossible de trouver un éditeur qui puisse éditer Citrouille fêlée en Algérie parce qu'il se serait fait découper en 4 000 morceaux et moi avec. Pas de possibilité d'édition, donc pas de possibilité de diffusion. Alors qu’il s’agit là d’un livre qui peut être lu par tous».

Le cyberespace est devenu ainsi le point de ralliement des Algériens d'Algérie mais également des Algériens de la diaspora. Les Français expatriés d'Algérie se donnent également rendez-vous sur la Toile. Une grosse proportion de sites a été créée par la population pied-noir nostalgique du pays. Bab El Oued est devenue Bab El Web.




par Myriam  Berber

Article publié le 01/01/2003