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Algérie

Quarante ans après l’indépendance, toujours l’impasse

Quarante ans après son indépendance, l’Algérie n’est toujours pas parvenue à se débarrasser d’une armée omniprésente et à instaurer, à travers le pouvoir civil, un système démocratique. Ce quarantième anniversaire d’une indépendance arrachée dans le sang ne soulève d’ailleurs que très peu d’enthousiasme dans un pays rongé par une crise économique et sociale des plus dures. Les émeutes qui secouent sporadiquement la Kabylie depuis plus d’un an menacent de s’étendre désormais à l’ensemble des régions tandis que le pouvoir peine à éradiquer les groupes islamistes armés toujours actifs et au cœur d’une guerre civile qui en dix ans a fait plus de 200 000 morts. Un attentat a d’ailleurs endeuillé ce quarantième anniversaire de l’indépendance. Vingt-neuf personnes ont en effet été tuées dans l’explosion d’une bombe sur un marché à vingt kilomètres au sud d’Alger.
Lorsque l’Algérie accède à l’indépendance après sept années de combats sanglants entre son mouvement de libération nationale et la France, elle est loin de rompre avec un cycle de violences qui dans les derniers mois de l’année 1962, fera, selon les historiens, plus de 150 000 mo,rts. Si le pouvoir a été remis aux civils, l’armée n’a toutefois jamais été absente des prises de décisions. Et en 1965, Ahmed Ben Bella, le premier chef d’Etat de l’Algérie indépendante, pourtant soutenu par la hiérarchie militaire, est renversé par le général Houari Boumediene. Son arrivée au pouvoir va faire surgir au grand jour le rôle de l’armée algérienne qui était déjà omniprésente depuis des années puisque ce sont ses cadres qui ont mené la lutte pour l’indépendance.

Houari Boumediene présidera aux destinées de l’Algérie pendant treize années, cumulant à son arrivée au pouvoir les fonctions de président du Conseil de la révolution, de président du Conseil des ministres et de ministre de la Défense. Il lance un programme d’industrialisation à outrance et nationalise les terres, les banques, les entreprises de transport qu’il place sous la tutelle directe d’une administration à la soviétique. A sa mort, un autre militaire le remplace, le général Chadli Bendjedid mais contrairement à son prédécesseur qui était l’homme fort de l’Algérie, il ne sera que la vitrine d’une hiérarchie militaire qui s’est aussitôt partagée tous les pouvoirs et notamment les ressources du pays. Mais l’Algérie va mal et les émeutes de 1988 réprimées dans le sang pousse le pouvoir à lâcher du lest. Le général Chadli Bendjedid, contraint et forcé, instaure le multipartisme et s’engage à introduire des réformes économiques.

En 1991, les premières élections locales libres du pays sont largement remportées par le Front islamique du salut (FIS) qui concentre tous les espoirs des Algériens, lassés par près de trente années de parti unique, de corruption généralisée et d’économie collectiviste. Les législatives qui suivent quelques mois plus tard sont en passe d’être également remportées par les islamistes mais le président Chadli Bendjedid démissionne et un Haut comité d’Etat est mis en place dans lequel l’armée est omniprésente. Elle le sera d’autant plus ces dix dernières années que l’Algérie s’enfonce peu à peu dans un cycle de violences où les civils sont pris en otages entre le terrorisme forcené des islamistes et la répression féroce des militaires. Et l’élection d’Abdelaziz Bouteflika ne fait pas illusion puisque les rares tentatives de réformes qu’il a voulu entreprendre ont été systématiquement contrées par la hiérarchie militaire.

Une crise sociale tragique

Lorsque la France quitte l’Algérie en 1962, elle laisse un pays peu développé à dominante agricole ou se côtoient une agriculture moderne contrôlée par les colons et une autre traditionnelle et vivrière aux mains des Algériens. L’industrie y est secondaire et essentiellement consacrée à la transformation des produits de la terre. L’équipe qui prend le pouvoir sous la conduite de Ben Bella ne prend pas la mesure de la catastrophe économique qui se dessine. Et ce n’est qu’après le coup d’Etat du général Houari Boumediene que des réformes en profondeur de la société algérienne sont mises en place. Le choix va s’avérer catastrophique puisqu’il se porte sur une industrialisation avec pour modèle l’Union soviétique.

Quarante ans après son indépendance, l’Algérie, malgré des ressources en pétrole et en gaz qui ont font le pays le plus riche du Maghreb, traverse donc une crise sociale profonde sur fond de violences terroriste et militaire. La situation est telle que le pays n’attire guère d’investisseurs étrangers. Le chômage atteint des taux records chez les jeunes et frappe officiellement 30% de la population active. La démographie galopante –l’Algérie est passée de 10 millions d’habitants en 1962 à 31 millions en 2002– a accentué la paupérisation et aujourd’hui la moitié de la population vivrait en-dessous du seuil de pauvreté.

Cette crise sociale et économique s’est cristallisée en Kabylie en proie à des émeutes sporadiques depuis plus d’un an. Les autorités algériennes, qui ont voulu y voir une crise identitaire, se sont heurtés à de violentes revendications sociales. Ces émeutes menacent d’ailleurs de s’étendre à l’ensemble du pays ou la population vit de plus en plus mal la crise de l’emploi, du logement et plus récemment celle de l’eau. Dans plusieurs régions, en effet, les Algériens sont descendus dans la rue n’hésitant pas à brûler des bâtiments publics pour protester contre des pénuries d’eau qui frappent même la capitale algérienne.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 05/07/2002