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Algérie

La population dépitée

Dans l’ensemble, la campagne électorale des législatives du 30 mai 2002 n’a pas suscité d’engouement populaire. Les Algérois, mais aussi l’Algérie profonde, ne ménagent pas leurs critiques vis-à-vis des députés sortants.
De notre correspondant à Alger

«Le renouvellement de l’assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du parlement) est une affaire qui se déroule entre eux et pour eux», commente désabusé un sexagénaire de la Casbah. «Que ce soit la ‘houkouma’ (le pouvoir) ou les députés du FLN ou du MSP, c’est pareil, ils ne pensent qu’à leurs affaires», surenchérit un jeune informaticien au chômage. «Ils quittent l’APN sans avoir publié leur déclaration légale de patrimoine», souligne un militant syndical. Cette déclaration, applicable aux détenteurs d’un mandat national et aux hauts fonctionnaires civils et militaires, a été instituée en 1997 par le président Zeroual. Depuis l’arrivée du président Bouteflika elle semble avoir été jetée aux orties. Mais ce n’est qu’un des nombreux motifs de mécontentement. «On sait qu’ils se servent, mais qu’ils nous servent au moins un peu», se lamente une dame retraitée qui n’arrive pas à joindre les deux bouts.

Des réserves de changes de plus de 18 milliards de dollars et un train de vie élevé des pouvoirs publics d’une part, l’enrichissement criard d’une minorité, l’écrasement de la classe moyenne et la paupérisation endémique, d’autre part, font grincer les dents. La relance économique promise par le président Bouteflika se fait attendre. Alors pourquoi voter ? C’est la question que se posent des pans entiers de la population. Dans les régions du grand Sud, à Djanet, El Menaa et In Salah, où plusieurs centaines de jeunes gens ont participé à des émeutes récemment pour protester contre le chômage et l’incurie des autorités locales, le sentiment est le même. Comme dans plusieurs autres villes, l’affichage électoral est arraché et parfois même les panneaux sont descellés.

Le FLN, «valeur-refuge»

A la télévision d’État, les partis en lice tentent d’accrocher le public mais le discours est souvent empreint de phraséologie et de populisme. A la radio, plusieurs tranches d’expression électorale ne sont pas honorées par leurs attributaires qui préfèrent s’investir sur le petit écran. Elles sont remplacées par de la musique classique, généralement programmée lors d’un deuil national. Plusieurs auditeurs ont d’ailleurs cru que le président du Conseil de la nation (chambre haute du parlement), Mohamed Chérif Messaadia, gravement malade, venait de décéder.

L’essentiel de la campagne électorale s’est déroulé dans des salles. Il y a eu 1 600 meetings rassemblant, au total, 350 000 personnes, a recensé le ministère de l’intérieur. Dans l’Algérois, à Oran (ouest du pays) et Constantine (est du pays), ce sont le FLN, le MSP (islamiste) et le RND qui ont le plus mobilisé. Leurs militants et leurs réseaux relationnels ont permis de drainer un public. Toutefois, le FLN qui a notamment fait campagne avec le prince du raï Mami et le champion Morceli, se détache du lot. Il est une «valeur refuge», soulignent de nombreux Algériens tout de même inquiet de la situation en Kabylie. Là, le boycott prôné par les partis FFS, RCD et la coordination des «arouch» (tribus) sera dominant. On craint qu’il y ait des débordements violents.

Concomitamment à cette crise régionale qui perdure, la violence terroriste, banalisée et contenue à un seuil jugé tolérable dans les cercles officiels, ne devrait pas perturber ces législatives. C’est du moins la conviction du gouvernement. Quant à la fraude électorale, qui a caractérisé plusieurs scrutins précédents, le ministre de l’intérieur et des collectivités locales, Yazid Zerhouni a absous par anticipation l’administration. S’il y a fraude, ce sera le fait des partis, a-t-il affirmé. Selon un sondage publié récemment par le journal El Watan, plus de 38% des électeurs pensent qu’il y aura fraude.



par Belkacem  Kolli

Article publié le 27/05/2002