Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Algérie

Mohamed Garne reconnu «<i>victime de guerre</i>»

La justice française vient de reconnaître que Mohamed Garne, né des suites d'un viol commis sur sa mère pendant la guerre d'Algérie, est une «victime de guerre». La portée juridique de cette décision est limitée par les restrictions apportées par les magistrats dans leur arrêt. Mais l'affaire de cet homme met de nouveau en lumière le problème de la torture et du viol durant la guerre d'Algérie. Un phénomène dénoncé depuis des années par la célèbre avocate Gisèle Halimi.
Gisèle Halimi avait notamment défendu, en 1960, une Algérienne, Djamila Boupacha, membre du Front de libération nationale (FLN), qui avait été victime de tortures et de viols par les militaires français. Elle a d'ailleurs rendu compte de cette affaire dans un livre écrit avec Simone de Beauvoir, autre grande figure de la défense de la cause féminine. En temps de guerre, «les femmes sont le premier butin», a expliqué Gisèle Halimi, dans l'émission 24 heures en France sur Radio France Internationale. Dans tous les conflits et pas seulement en Algérie, pas seulement du fait des soldats français, «le viol est la première des tortures infligées aux femmes». Dans le cas de la guerre d'Algérie, elle estime cependant que «presque toutes les femmes arrêtées par les paras français ont été violées mais la plupart ont gardé le silence».

«Le viol est la première des tortures infligées aux femmes».

Le cas de Mohamed Garne est cependant assez exceptionnel. Il a porté plainte contre l'Etat français pour être reconnu comme victime d'un acte de guerre et donc obtenir une pension. La mère de Mohamed Garne a été violée à plusieurs reprises par des militaires français dans un camp de détention en Algérie. Tombée enceinte, elle a donné naissance à un enfant, en avril 1960. Le bébé a été placé très rapidement. Mohamed Garne n'a eu connaissance des conditions dans lesquelles il avait été conçu qu'à l'âge de 25 ans. Depuis, il se bat pour faire reconnaître que les troubles psychiques dont il souffre sont consécutifs au viol de sa mère et aux mauvais traitements qu'elle a subi pendant sa grossesse.

L'arrêt rendu le 22 novembre par la cour régionale d'appel des pensions de Paris ne lui a pas donné entière satisfaction. Les magistrats ne lui ont accordé qu'une pension provisoire au titre de «victime de guerre», d'une durée de trois ans, en lui reconnaissant 30 % d'invalidité. Il n'ont pris en considération que les coups infligés à sa mère durant sa grossesse, pas le viol ou la séparation entre la mère et l'enfant, comme cause des troubles psychiques dont a souffert Mohamed Garne. Les magistrats ont pris la précaution de sortir leur décision du contexte historique pour éviter d'en faire un précédent juridique trop lourd de conséquences. Ils précisent que leur «rôle n'est pas d'écrire l'histoire ni de commenter les polémiques qu'elle a suscitées plusieurs décennies après» et critiquent la campagne de presse qui a tendu à faire de cette affaire «une illustration des turpitudes imputées à l'armée française pendant la guerre d'Algérie».

Même si sa portée juridique devrait rester limitée, cet arrêt marque une étape. Malgré tout, dans sa lutte pour la reconnaissance des cruautés de la guerre d'Algérie, Gisèle Halimi avoue qu'elle a encore, aujourd'hui, le «sentiment de l'inaccompli».



par Valérie  Gas

Article publié le 23/11/2001