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Centrafrique

Un «Marcoussis 2» pour le Centrafrique ?

Au moment même où les négociations de Marcoussis sur la Côte d’Ivoire commençaient, entre rebelles et loyalistes, d’autres rebelles continuaient leur progression vers Bangui, en Centrafrique cette fois-ci. Alors que des journaux locaux réclamaient à leur tour un «Marcoussis 2» pour régler une fois pour toutes la longue crise. Tout en offrant aux rebelles une reconnaissance internationale presque inespérée.
Quelque peu éclipsée par la grave crise ivoirienne, la guerre larvée qui persiste en Centrafrique a connu ces derniers jours de sérieux développements. Les rebelles se réclamant du général François Bozize, actuellement en exil à Paris, ont relancé leur offensive. Selon des sources proches de la rébellion, les troupes fidèles à Bozize contrôlent désormais une grande partie du nord et du nord-ouest du pays, et notamment deux villes clé: Bossangua, une cité importante située presque à mi-chemin entre Mondou ou Doba (Tchad) et Bangui, la capitale centrafricaine; ainsi que Bozoum, située elle à mi-chemin entre Bossangua et Bouar, sur la route qui mène au Cameroun, qui était autrefois une importante base militaire française. Ils ne semblent pas intentionnés à tenter d’occuper Bouar, préférant sans doute se diriger dans la direction opposée: Bangui.

Les rebelles pro-Bozize contrôlent Bossangua et Bozoum

Cette offensive a permis aux rebelles de prendre en quelque sorte une revanche sur ceux qui les avaient chassés, en novembre dernier, de Bangui et de ses environs à savoir les troupes congolaises de Jean-Pierre Bemba, qui ont porté secours au président Ange Patassé aux côtés des soldats libyens. Plus important encore, les rebelles centrafricains ont pu saisir, lors de la bataille de Bozoum quelques «orgues de Staline» appartenant au mouvement de Bemba (le MLC): il s’agit de lance-roquettes mobiles de fabrication russe qui, depuis la fameuse bataille de Stalingrad, permettent aux assaillants de «préparer le terrain», et l’assaut décisif, tout en se tenant à quelques kilomètres de la cible visée. En Angola, ces lance-roquettes ont permis au MPLA d’Agostinho Neto de remporter en 1975 la bataille décisive contre l’Unita de Jonas Savimbi, et de garder le contrôle de la capitale, Luanda.

Cette offensive intervient alors qu’à Libreville (Gabon), le quatrième sommet ordinaire des chefs d’Etats de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) a certes pu se tenir -sur une seule journée au lieu des trois au programme- jeudi 23 janvier. Cette organisation régionale a «encouragé le président Ange Patassé à conduire avec sérénité et détermination le dialogue national actuellement en préparation», avec toute l’opposition. Ce que Patassé n’est visiblement pas pressé de démarrer. Mais la Cemac, qui a néanmoins déjà dépêché sur place des casques blancs (350 militaires gabonais, congolais et équato-guinéens), n’est pas parvenue à fixer une date précise pour le début de ce dialogue, et n’a pas précisé s’il doit se tenir à Bangui ou ailleurs, comme le souhaitent certains opposants.

C’est dans ce contexte que le quotidien indépendant de Bangui Le Citoyen a publiquement réclamé le 30 janvier une sorte d’intervention diplomatique française de type Marcoussis. «Après Marcoussis 1 pour la Côte d’Ivoire, Marcoussis 2 pour la RCA ?» écrit-il, avant d’ajouter: «Une partie de l’opinion centrafricaine, fatiguée des crises à répétition, est en train de lorgner vers Paris. Après la Côte d’Ivoire, il est temps que Jacques Chirac et la France pensent à la souffrance exacte du peuple centrafricain, dont le pays est divisé en deux, avec un gouvernement plus qu’incapable d’accomplir les devoirs de sa charge régalienne malgré l’étendue faramineuse des richesse de la RCA».

L’intervention française est largement souhaitée par l’opposition centrafricaine, qui a regroupé ses forces et n’accorde que peu de crédit au dialogue promis par Ange Patassé. «Trop d’accords ont été conclus dans le passé avec le président Patassé qui sont restés lettre morte. Quant à une médiation purement africaine, ça n’a malheureusement jamais donné grand chose» selon un opposant.

Cette hypothèse a été aussitôt rejetée par le quotidien proche du pouvoir L’Echo de Centrafrique qui a écrit: «Le coup d’Etat d’une partie de l’armée ivoirienne vient d’être officiellement approuvé par Paris: des mutins deviennent ministres sans aucun jugement ni amnistie. Nous espérons que le dialogue national centrafricain n’aboutira pas au même consensus. Trop de concessions ont déjà été faites. Que va-t-on nous demander aujourd’hui ? Peut-on être un gouvernement d’opérette dirigé à la baguette par Dominique de Villepin ?». A Paris, la simple évocation d’un éventuel Marcoussis 2 pour le Centrafrique provoque autant d’étonnement que de démentis implicites.



par Elio  Comarin

Article publié le 31/01/2003