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Centrafrique

Peur sur Bangui

Les forces loyalistes appuyées par les rebelles congolais du MLC et des unités libyennes ont repris le contrôle de la capitale Bangui. Mais, malgré le calme apparent les populations vivent dans la peur. Règlements de comptes et affrontements interethniques sont redoutés par les organisations humanitaires.
«Depuis l’intervention des soldats MLC (Mouvement de libération du Congo), aux côtés de l’armée centrafricaine pour réprimer la rébellion dans la capitale centrafricaine, les populations de ce pays, d’après les informations reçues par notre ambassade, ne font plus la distinction entre les militaires venus pour les combats et les ressortissants de RDC vivant dans ce pays de façon paisible, parfois depuis de très nombreuses années», a déclaré Léonard She Okintundu, le ministre congolais des Affaires étrangères. Selon les autorités congolaises de nombreux congolais demanderaient déjà à être rapatriés vers leur pays, parce qu’ils seraient victimes d’actes de vengeance de la part des Centrafricains.

En effet, plusieurs centaines de soldats rebelles du Mouvement de libération du Congo, après avoir terminé le travail, se sont servis. Ainsi pourrait-on résumé le comportement des soldats congolais du MLC de Jean-Pierre Bemba. Repliés dans des villes au nord de la capitale Bangui, ces soldats congolais se sont livrés à des pillages et sont accusés de viols sur les femmes et jeunes filles des localités qu’ils investissent. Le chef du mouvement rebelle congolais affirme avoir donné des instructions et pris des sanctions contre tous les soldats reconnus coupables d’exactions. Mais les centrafricains ne se satisfont pas des paroles du chef rebelle. Certaines unités de l’armée centrafricaine ont érigé autour de la ville des barrages pour empêcher les rebelles congolais de sortir de Bangui avec des «biens volés». «Nous les avons invités à entrer mais nous ne les laisserons pas repartir avec des biens volés», a déclaré un soldat centrafricain. Le gouvernement centrafricain a aussi promis la restitution des biens à leurs propriétaires.

Crise militaire, crise sociale

Par ailleurs, les Tchadiens restent cloîtrés dans leurs domiciles, par peur de représailles depuis que les autorités centrafricaines ont dénoncé l’implication de leur pays dans la tentative de renversement du régime Patassé. Commerçants et pourvoyeurs de viande pour la capitale Bangui, leur «grève» perturbe la vie économique banguissoise et centrafricaine en générale. En quelques jours les prix ont flambé et certaines denrées de première nécessité sont devenues rares sur le marché. A la crise militaire se profile à l’horizon une autre crise sociale. L’instabilité gagne du terrain.

Les assaillants, partisans de François Bozizé, l’ancien chef d’état-major des armées centrafricaines, en se repliant de leurs positions dans et autour de Bangui, ont promis de nouveaux assauts pour tenter de prendre la ville et renverser le président Ange-Félix Patassé. Ces déclarations font craindre le pire dans un pays où les tensions interethniques sont exacerbées par les différentes tentatives de renversement du président Patassé. Ces soulèvements sont généralement analysés par le pouvoir comme des mouvements d’un groupe ethnique contre un autre. Ainsi le HCR, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, a-t-il recensé plus de 3 400 personnes de l’ethnie Yakoma, groupe auquel appartient le général André Kolingba, auteur du coup manqué de mai 2001, réfugiées dans le camp Mole, le long du fleuve Oubangui en République démocratique du Congo. De nombreux soldats du même groupe ethnique ont été désarmés et sont exilés en RDC. Selon le HCR la persécution du pouvoir actuel a «poussé ces gens à l’exil». Le HCR craint aussi que les différents groupes, fuyant les combats à Bangui, ne s’affrontent entre eux dans les camps qu’ils contrôlent.

En réponse à une demande de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, réclame de la communauté internationale la fourniture d’une assistance et des moyens nécessaires d’urgence pour déployer une force d’observation inter-africaine en Centrafrique. Cette force de 300 à 350 soldats du Gabon, du Cameroun, de la RDC, de la Guinée équatoriale, aurait pour mission d’assurer la sécurité du président Patassé, de participer à la restructuration de l’armée et de garantir la sécurité à la frontière avec la Tchad. Mais pour l’heure, seulement une centaine de soldats gabonais sont annoncés à Bangui, «pour remplacer» le contingent de rebelles congolais du MLC, ont affirmé les autorités centrafricaines.



par Didier  Samson

Article publié le 05/11/2002