<i>"Mon premier Fespaco..."</i>
Cinéastes, ils témoignent de leurs souvenirs liés au Fespaco. Propos recueillis par Elisabeth Lequeret lors des éditions 1999 et 2001 du Fespaco
Henri Duparc, réalisateur ivoirien
Je suis venu au Fespaco pour la première fois, avec Abusuan, mon premier long métrage, l’histoire d’un jeune cadre qui rentre au pays avec sa femme, et qui est immédiatement envahi par la famille, qui débarque du village. Le premier film africain à direction populaire, à une époque où Fanon et Césaire étaient les références. C’est là que j’ai pris goût au public (rires). Pour la première fois, les gens voyaient un film qui les concernait directement. J’ai reçu le prix de l’OCAM (organisation commune africaine et malgache), et d’ailleurs, c’est bien la première fois que j’ai été primé à Ouagadougou. La surprise, c’est que le président de la cérémonie de clôture a attribué le prix à «Monsieur Abusuan». Je le regardais fixement, sans comprendre. Je ne me suis levé qu’au deuxième appel !
David-Pierre Fila, réalisateur congolais
Mon premier Fespaco, c’était en 1985, j’arrivais de Bangui par Lomé, puis de Lomé, j’avais pris la route. A l’arrivée, pas d’hôtel, pas de badge, pas de prise en charge, rien. A l’époque, Sankara venait toujours faire un tour pendant le festival pour s’assurer que tout se passait bien. Moi, j’arrive avec mon film, Le masque du sorcier, il était là, en béquilles, car il venait de se casser la jambe. Au culot, je me suis dirigé vers lui: «Camarade président, je viens du Congo, mon film n’est pas programmé, je n’ai pas de prise en charge». Du coup, tous mes problèmes ont été réglés très vite… Cette même année, je me suis retrouvé une nuit sur la route avec des copains. A l’époque, il y avait les CDR (Comités de la Révolution). Tout à coup, derrière les arbre: on entend crier «Haut les mains !» Evidemment, on obéit et on se met à crier «Fespaco ! Fespaco !», pour signaler qu’on fait partie du festival. Mais les types ne se calmaient pas: «Haut les mains ! Haut les mains !». Nous, on continuait à crier «Fespaco, Fespaco», mais à la longue ça devenait plutôt «Fais pas le con ! Fais pas le con !» Et eux: «Haut les mains, sinon on envoie les éléments». Les éléments, c’est-à-dire les balles, pour un peu, ils nous mitraillaient…
Mohamed Abderrahmane Tazi, réalisateur marocain
A mon premier Fespaco, il y a six ans, je suis venu présenter A la recherche du mari de ma femme, une comédie sur la polygamie. Les gens riaient tellement que j’avais l’impression d’être dans une salle populaire au Maroc. Preuve que la polygamie ne concerne pas que les musulmans ! (rires) Ce qui est extraordinaire, ici, c’est le public, si nombreux et attentif, alors que je suis habitué à des festivals plutôt guindés, en Amérique ou en Europe du Nord. On se sent à la fois objet et sujet de la fête, pour un peu, on en oublierait la compétition. On est bien loin de l’esprit de vedettariat de certains festivals, où l’on voit toutes les caméras braquées sur une star qui se promène ou qui fait ses courses. Du coup, même si les conditions sont plus dures, même si c’est parfois mal organisé, ça reste passionnant, c’est vraiment la fête du cinéma.
Adama Drabo, réalisateur malien
Le Fespaco qui m’a le plus marqué est celui de 1991, où je suis venu présenter mon premier film, Ta Dona. Je l’avais terminé dans des conditions si difficiles que j’était un peu comme une femme qui viendrait d’accoucher et ne supporterait plus son enfant. Dès que j’entendais le son, dès que je voyais une image du film, j’avais la chair de poule. A Bamako, pour la première, j’étais sorti de la salle. Trois jours plus tard, je devais présenter le film au Fespaco. J’arrive dans la salle, pleine comme un œuf, à tel point qu’on n’était même pas parvenu à fermer les portes. Je m’installe, le film démarre. Là, je commence à sentir la salle vibrer, vivre le film, et à mon tour je commence à vivre le film comme s’il ne m’appartenait pas. C’était extraordinaire. Et, à la fin de la projection, l’ovation de la salle, la joie des amis qui savaient combien j’avais souffert... C’est comme ça que je me suis réconcilié avec le film. Sans le Fespaco, je ne sais pas ce que j’aurais fait, je serais peut-être aller planter des choux (rires), en tout cas je n’aurais plus jamais fait de cinéma !
Mwezé Ngangura, réalisateur congolais
Quand je pense à mon premier Fespaco, en 1983, c’est surtout la différence entre cette édition et l’édition 1999 qui me frappe. A l’époque, nous étions tous logés dans le même hôtel, et il restait des chambres libres. Aujourd’hui, le festival est très événementiel, tourné vers les professionnels. Il y avait beaucoup moins de festivaliers et on était supposé savoir où trouver chacun. Or, le soir de la remise des prix, j’étais à une soirée chez un ami compatriote. On m’a cherché partout, car j’avais reçu le prix du meilleur documentaire pour mon court métrage Kin-Kiesse. Ce n’est que plus tard que le réalisateur sénégalais Paulin Soumanou Vieyra m’a dit, «C’est vous, le réalisateur zaïrois ?», en me tendant une enveloppe avec 10 000 francs.
Je suis venu au Fespaco pour la première fois, avec Abusuan, mon premier long métrage, l’histoire d’un jeune cadre qui rentre au pays avec sa femme, et qui est immédiatement envahi par la famille, qui débarque du village. Le premier film africain à direction populaire, à une époque où Fanon et Césaire étaient les références. C’est là que j’ai pris goût au public (rires). Pour la première fois, les gens voyaient un film qui les concernait directement. J’ai reçu le prix de l’OCAM (organisation commune africaine et malgache), et d’ailleurs, c’est bien la première fois que j’ai été primé à Ouagadougou. La surprise, c’est que le président de la cérémonie de clôture a attribué le prix à «Monsieur Abusuan». Je le regardais fixement, sans comprendre. Je ne me suis levé qu’au deuxième appel !
David-Pierre Fila, réalisateur congolais
Mon premier Fespaco, c’était en 1985, j’arrivais de Bangui par Lomé, puis de Lomé, j’avais pris la route. A l’arrivée, pas d’hôtel, pas de badge, pas de prise en charge, rien. A l’époque, Sankara venait toujours faire un tour pendant le festival pour s’assurer que tout se passait bien. Moi, j’arrive avec mon film, Le masque du sorcier, il était là, en béquilles, car il venait de se casser la jambe. Au culot, je me suis dirigé vers lui: «Camarade président, je viens du Congo, mon film n’est pas programmé, je n’ai pas de prise en charge». Du coup, tous mes problèmes ont été réglés très vite… Cette même année, je me suis retrouvé une nuit sur la route avec des copains. A l’époque, il y avait les CDR (Comités de la Révolution). Tout à coup, derrière les arbre: on entend crier «Haut les mains !» Evidemment, on obéit et on se met à crier «Fespaco ! Fespaco !», pour signaler qu’on fait partie du festival. Mais les types ne se calmaient pas: «Haut les mains ! Haut les mains !». Nous, on continuait à crier «Fespaco, Fespaco», mais à la longue ça devenait plutôt «Fais pas le con ! Fais pas le con !» Et eux: «Haut les mains, sinon on envoie les éléments». Les éléments, c’est-à-dire les balles, pour un peu, ils nous mitraillaient…
Mohamed Abderrahmane Tazi, réalisateur marocain
A mon premier Fespaco, il y a six ans, je suis venu présenter A la recherche du mari de ma femme, une comédie sur la polygamie. Les gens riaient tellement que j’avais l’impression d’être dans une salle populaire au Maroc. Preuve que la polygamie ne concerne pas que les musulmans ! (rires) Ce qui est extraordinaire, ici, c’est le public, si nombreux et attentif, alors que je suis habitué à des festivals plutôt guindés, en Amérique ou en Europe du Nord. On se sent à la fois objet et sujet de la fête, pour un peu, on en oublierait la compétition. On est bien loin de l’esprit de vedettariat de certains festivals, où l’on voit toutes les caméras braquées sur une star qui se promène ou qui fait ses courses. Du coup, même si les conditions sont plus dures, même si c’est parfois mal organisé, ça reste passionnant, c’est vraiment la fête du cinéma.
Adama Drabo, réalisateur malien
Le Fespaco qui m’a le plus marqué est celui de 1991, où je suis venu présenter mon premier film, Ta Dona. Je l’avais terminé dans des conditions si difficiles que j’était un peu comme une femme qui viendrait d’accoucher et ne supporterait plus son enfant. Dès que j’entendais le son, dès que je voyais une image du film, j’avais la chair de poule. A Bamako, pour la première, j’étais sorti de la salle. Trois jours plus tard, je devais présenter le film au Fespaco. J’arrive dans la salle, pleine comme un œuf, à tel point qu’on n’était même pas parvenu à fermer les portes. Je m’installe, le film démarre. Là, je commence à sentir la salle vibrer, vivre le film, et à mon tour je commence à vivre le film comme s’il ne m’appartenait pas. C’était extraordinaire. Et, à la fin de la projection, l’ovation de la salle, la joie des amis qui savaient combien j’avais souffert... C’est comme ça que je me suis réconcilié avec le film. Sans le Fespaco, je ne sais pas ce que j’aurais fait, je serais peut-être aller planter des choux (rires), en tout cas je n’aurais plus jamais fait de cinéma !
Mwezé Ngangura, réalisateur congolais
Quand je pense à mon premier Fespaco, en 1983, c’est surtout la différence entre cette édition et l’édition 1999 qui me frappe. A l’époque, nous étions tous logés dans le même hôtel, et il restait des chambres libres. Aujourd’hui, le festival est très événementiel, tourné vers les professionnels. Il y avait beaucoup moins de festivaliers et on était supposé savoir où trouver chacun. Or, le soir de la remise des prix, j’étais à une soirée chez un ami compatriote. On m’a cherché partout, car j’avais reçu le prix du meilleur documentaire pour mon court métrage Kin-Kiesse. Ce n’est que plus tard que le réalisateur sénégalais Paulin Soumanou Vieyra m’a dit, «C’est vous, le réalisateur zaïrois ?», en me tendant une enveloppe avec 10 000 francs.
Article publié le 11/02/2003
