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Sommet France-Afrique 2003

Contre-sommet : le deuxième souffle de la société civile africaine

Le contre sommet France-Afrique qui se tient à Paris en même temps que la rencontre officielle des chefs d’Etat se place résolument sous le signe de la nouvelle société civile «mondialisée». Forts de cette dynamique internationale, les Africains militants des droits de l’homme, du développement économique et social, font entendre leur voix, revendiquent une expertise et formulent des propositions.
Le continent africain est entré dans l’ère du mouvement citoyen international. Et, à ce titre, l’inquiétude à propos de la situation en Côte d’Ivoire est évidente chez les participants au contre-sommet africain qui se tient à Paris en même temps que le 22ème sommet France-Afrique. Pour François-Xavier Verschave, président de Survie, dont l’association est avec Agir ici organisatrice de cet «autre sommet pour l’Afrique», tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont réunis en Côte d’Ivoire. Il faudrait un rien pour déclencher, comme au Rwanda en 1994, cette «quatrième arme de destruction massive» qu’est le génocide, au côté des armes nucléaires, bactériologiques et chimiques. Sont en effet rassemblés les médias de la haine, l’enrôlement de la jeunesse, les milices d’autodéfense et les escadrons de la mort. Quant à la présence contestée du Zimbabwéen Robert Mugabe au sommet des chefs d’Etat, le président de Survie estime que la focalisation britannique sur son cas est peu habile, voire contre-productive, si elle donne à ce dictateur une posture de victime, entraînant un réflexe nationaliste de son peuple, à l’image de ce qui se produit en Irak pour Saddam Hussein.

Mais la société civile africaine qui se veut l’expression des «contre-voix citoyennes» au pouvoir politique n’entend pas se limiter à réagir, point par point, à l’actualité qui se dégage du sommet France-Afrique. Son ambition est désormais bien plus large. Après cet «âge d’or» qu’ont constitué pour l’expression citoyenne les conférences nationales des années 90 et les grands espoirs de démocratisation qu’elles ont suscités, la porte entrouverte s’est bien vite refermée. L’émergence d’une opinion publique internationale, d’un mouvement citoyen mondialisé depuis le sommet de l’OMC à Seattle en 1999, donne un nouveau souffle aux militants associatifs qui se sont débattus dans les difficultés de la répression ou de l’exil. Et la société civile africaine entend bien se saisir de cette perche et ne plus la lâcher.

Lula pour exemple

Benjamin Toungamani, membre de la Fédération des Congolais de la diaspora le dit clairement : «foin du slogan stupide, l’Afrique aux Africains». On sait depuis le sommet social mondial de Porto Alegre combien la pression exercée par les ONG et l’opinion publique mondiale dépasse largement la faible capacité des associations militantes locales, en un temps où les chefs d’Etat se doivent de présenter au moins une façade démocratique. Et l’exemple de Lula, ancien syndicaliste devenu président de la République du Brésil en prenant la tête d’un mouvement citoyen, est la direction à suivre.

Car, souligne Patrice Yengo, anthropologue et président de Rupture-solidarité, les élites africaines appartiennent de plain-pied à l’élite mondiale. La contre-expertise, en fait, l’expertise tout court, acquise dans les organisations, les entreprises ou les universités internationales permet au mouvement citoyen africain de passer du stade de l’interpellation des gouvernants à la phase de proposition car ses représentants sont crédibles. C’est même, selon Patrice Yengo, le seul moyen pour les chefs d’Etat africains d’acquérir une légitimité auprès de leur société et de se prévaloir du soutien de leur peuple dans les discussions internationales, notamment avec les bailleurs de fonds. C’est le sens des propositions alternatives qui seront formulées au prochain G8 d’Evian sur le nouveau partenariat économique avec l’Afrique (Nepad).

Les associations de défense des droits de l’homme illustrent bien la prise de conscience d’une société civile solidaire au delà des frontières. Elles se sont saisies rapidement de ce nouvel outil qu’est la justice pénale internationale pour mettre en cause des chefs d’Etat mais aussi des multinationales. Ainsi, William Bourdon, président de l’association Sherpa, spécialisée dans la mise en cause de la responsabilité pénale des entreprises transnationales, rappelle que des travailleurs birmans ont ainsi porté plainte contre Total devant le Tribunal de Nanterre, siège social de l’entreprise. Les réseaux ainsi constitués permettent, sur un dossier de l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH), repris par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), le dépôt d’une plainte en France contre les commanditaires présumés du massacre de plus de 300 jeunes en mai 1999 à Brazzaville.



par Francine  Quentin

Article publié le 20/02/2003