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Sommet France-Afrique 2003

Chirac: «<i>J’ai foi dans l’Afrique</i>»

C’est dans un bâtiment futuriste, aux allures de paquebot échoué sur les bords du périphérique parisien, et sous le regard vigilant de centaines de policiers prêts à toute éventualité que s’est ouverte jeudi matin la XXIIe conférence des chefs d’Etat de France et d’Afrique. Un sommet dominé par les graves crises qui minent l’Afrique et par la volonté de Paris de reconquérir un rôle central sur le continent. Au terme de la première journée, le sommet a estimé qu'il "existe une alternative à la guerre en Irak".
Comme convenu, le sommet a démarré à 9 heures 30 avec l’accueil par Jacques Chirac des chefs d’Etat et de gouvernement. Une cérémonie suivie avec la plus grande attention par les dizaines de journalistes venus couvrir l’événement en raison des indications fournies sur la qualité des relations, personnelles et officielles, entretenues entre le président français et ses invités. Visages crispés ou détendus; poignées de main plus ou moins chaleureuses, plus ou moins appuyées; accolades simples, ou accompagnées d’une vraie marque d’amitié; pause complaisante pour la photo officielle ou, au contraire, volonté de ne pas s’attarder. Ainsi Jacques Chirac ne dissimule pas sa joie d’accueillir les présidents sénégalais, algérien et le souverain marocain, manifestement ravis de retrouver leur hôte. En revanche on a pu apprécier toute la distance diplomatique qui sépare toujours Paris de Kigali.

10 heures 45. L’hôte du sommet entame l’allocution d’ouverture de la XXIIe conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de France et d’Afrique. Un discours au cours duquel Jacques Chirac veut rassurer ceux qui «avaient l’impression que la France tendait à prendre ses distances. Le gouvernement a pris les décisions qui s’imposaient pour redresser la barre», dit-il, en signe de rupture avec les hésitations de la diplomatie française créées par le partage du pouvoir avec les socialistes du temps de la cohabitation. Dialogue, solidarité, partenariat: trois thèmes autour desquels s’articulent désormais les axes de la diplomatie française en direction de l’Afrique afin de «réaffirmer solennellement la communauté de destin qui nous lie et nous oblige». «L’Afrique est au cœur des priorités de la France», rappelle Jacques Chirac, indiquant sa volonté d’intervenir car, dit-il, «vous et nous ne pouvons légitimer le recours à la violence, laisser s’installer des zones grises et de non-droit, laisser des provinces entières tomber en déshérence».

«Si vous voulez sauver l’Afrique, sauver les Africaines»

Les moyens que veut dégager la présidence française sont ceux réclamés par la communauté internationale depuis une trentaine d’années. Sur le plan financier, Jacques Chirac annonce que l’aide publique française au développement atteindra 0,5% du produit intérieur brut (PIB) français d’ici la fin de son mandat, en 2007. «Nous avons pour objectif de la porter à 0,7% d’ici 2012», souligne encore le président français, soit le taux fixé par l’ONU. Sur le plan économique, Jacques Chirac réaffirme le soutien de la France au nouveau partenariat économique pour l’Afrique (NEPAD) dont il s’engage à continuer à porter le projet jusque devant ses pairs du G8, qui se réuniront en France, à Evian, dans quelques mois. Un soutien qui s’inscrit dans une perspective libérale: «ni les Etats africains, ni les Etats partenaires de l’Afrique ne seront les seuls moteurs du développement. Ce sont les investisseurs privés qui créent la richesse et qui font la croissance». En conséquence, Jacques Chirac appelle à perfectionner «l’environnement économique et juridique afin de garantir la sécurité de l’entreprise».

Au chapitre politique, ce sont les conflits qui ont occupé l’essentiel du discours présidentiel. Rendant hommage aux chefs d’Etat des communautés sous régionales d’Afrique de l’Ouest et centrale, CEDEAO et CEMAC, il a appelé chacun au respect de ses responsabilités. Le président français appelle à organiser la riposte «face à des maux endémiques tels que le trafic d’armes, le commerce illicite, le pillage des ressources ou les rébellions menées par des aventuriers». Evoquant la création de «la Cour pénale internationale qui étend sa protection à tous les citoyens du monde», il indique que le temps de l’impunité est fini.

Puis ce fut à l’hôte du précédent sommet de prendre la parole. Dans une courte allocution, le président du Cameroun a rappelé l’état du chantier en cours et dressé le constat qu’en dépit de la signature de pactes de non-agression, des efforts de l’Union africaine et des interventions de l’ONU, la situation s’était plutôt aggravée. Selon Paul Biya, il est temps de «passer de la mise sur pied à la mise en œuvre».

Enfin ce fut au tour du secrétaire général de l’ONU de prendre la parole. Selon Kofi Annan, sous l’influence notamment de la société civile, la démocratie et l’état de droit ont encore gagné du terrain. Mais il a surtout prononcé un implacable plaidoyer pour un engagement massif contre le sida, présenté comme le principal obstacle que l’Afrique doit actuellement surmonter pour résoudre nombre de ses problèmes. C’est ainsi que le secrétaire général a établi une relation de cause à effet directe entre l’insécurité alimentaire et les ravages causés par la maladie, au moment où le continent «a besoin d’une révolution verte, à la fois pour se nourrir elle-même et pour libérer la main d’œuvre qui lui permettrait de lancer une révolution industrielle». Il a également établi une relation directe entre Sida et gouvernance, en termes de renforcement de «la capacité de l’Etat à fournir les services publics essentiels». Kofi Annan annonce à cet égard son intention de créer une commission afin de conseiller «les responsables africains sur la manière de gérer l’impact structurel considérable que le sida commence à avoir sur leur capacité de relever les nombreux défis du développement».

Le secrétaire général a exhorté les chefs d’Etat et de gouvernement «à continuer de parler ouvertement de cette maladie et à souligner l’importance d’une sexualité sans risque, y compris grâce aux préservatifs». Et il a souligné l’importance capitale du rôle des femmes dans ce combat pour la vie et le développement. «Il n’y aura de Révolution verte en Afrique que si c’est aussi une révolution pour les femmes. Il n’y aura d’amélioration de la gouvernance que si les femmes se voient attribuer une part effective du pouvoir. (…) En bref si vous voulez sauver l’Afrique, vous devez d’abord sauver les Africaines».

En fin de journée, les chefs d'Etat et de gouvernement ont adopté une déclaration sur l'Irak dans laquelle ils réaffirment que "le désarmement de l'Irak est l'objectif commun de la communauté internationale" et que "le seul cadre légitime pour en traiter sont les Nations unies". Par ailleurs, ils "appellent les autorités irakiennes à apporter une coopération immédiate, active et sans réserve" aux inspecteurs de l'ONU. Ils estiment que "toutes les possibilités offertes par la résolution 1441 n'ont pas été exploitées" et que "l'usage de la force, qui comporte des risques graves de déstabilisation pour la région, pour l'Afrique et pour le monde, ne saurait constituer qu'un ultime recours".



par Georges  Abou

Article publié le 20/02/2003