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Sommet France-Afrique 2003

La France partenaire

Malgré la volonté de sortir du bilatéralisme en matière de relations franco-africaines, les problèmes qui comptent vraiment ont été l’objet d’intenses discussions séparées entre les délégations. Si la France sort renforcée de la réunion sur la question irakienne, l’incertitude continue de peser sur le règlement des conflits africains en cours. Paris prend garde de ne pas froisser la susceptibilité de ses partenaires et annonce la poursuite de son engagement par l’intermédiaire des organisations sous-régionales. En dépit de cette nouvelle approche, le succès n’est pas garanti.
Cinquante-deux pays représentés, dont quarante-deux au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement: «la plus importante participation que nous ayons connue», se félicite à la tribune le chef de l’Etat français à l’issue du XXIIe sommet de France et d’Afrique, vendredi à la mi-journée, à Paris. A ce titre, la conférence a été une réussite et cette présence massive confirme le caractère toujours attractif, voire incontournable, de cette «réunion de famille» pour les partenaires africains de la France. Le discours, il est vrai, à de quoi séduire. Libéré depuis peu des entraves de la cohabitation, qui réduisaient considérablement son champ d’action en matière de politique extérieure, Jacques Chirac a recouvré la plénitude de ses prérogatives. D’autre part, la formule a lentement évolué: là où se tenait hier une réunion informelle entre amis et obligés, se tient aujourd’hui une authentique conférence, regroupant plus du quart des pays-membres de l’ONU et dont les participants attendent qu’elle exerce toute son influence sur la marche du monde.

Le président français a joué cette carte. Il n’a pas manqué de rappeler qu’une page était tournée et il a voulu rassurer ses invités sur l’engagement renouvelé de Paris auprès de l’Afrique dont il se veut l’ambassadeur au sein des instances internationales, politiques, financières, commerciales. A commencer par le G8, présidé par la France, qui se réunira en juin à Evian et qui donnera à Jacques Chirac l’occasion de porter devant ses pairs du club des pays les plus riches les projets des Africains.

Si l’on s’en tient à l’ordre du jour officiel de la rencontre, il règne au sein de la famille franco-africaine un véritable consensus sur la plupart des thèmes qui figuraient à l’ordre du jour. A commencer par la volonté de traduire dans les actes cette notion de «partenariat», apparue voici deux ans sous le sigle de Nepad (Nouveau partenariat pour le développement) et dont l’objectif est d’harmoniser les usages continentaux à ceux du reste de la communauté internationale afin que l’Afrique rejoigne rapidement, et sans négliger ses propres critères, les standards internationaux et le train de la mondialisation des échanges.

Il est ainsi question de partenariat à tout propos. Au plan politique, en matière de développement, de coopération internationale, d’environnement… autant de thèmes déjà longuement abordés au cours de ces trente ou quarante dernières années sans qu’ils ne débouchent sur d’authentiques solutions durables. Mais cette fois Jacques Chirac attend une «renaissance africaine» dont il se fera le porte-parole au sein des instances internationales. Pourtant rien de concret n’aboutira avant que les principales conditions du développement ne soit remplies: la paix, la sécurité, la stabilité, la démocratie, la capacité d’anticiper, de prévenir et de traiter les crises politiques avant qu’elles ne deviennent militaires. Et, lorsqu’elles le deviennent, les traiter selon une approche globale, avec les organisations internationales, régionales et sous-régionales plutôt que sous une forme bilatérale, toujours suspecte de favoriser les intérêts particuliers et les intrigues.

La caution du secrétaire général de l’ONU

En l’état, et indépendamment des calamités naturelles et historiques, force est de constater que les nombreux conflits qui déchirent le continent sont la principale source de perturbations du décollage économique et social de l’Afrique. Bien qu’ils n’apparaissent à l’ordre du jour que sous des termes génériques («prévention», «renforcement des capacités», etc.), ils constituent l’essentiel des débats et alimentent la quasi-totalité des discussions tant en coulisses qu’en séances plénières. Et les dossiers examinés n’échappent donc pas à la volonté de tel ou tel pays (ou tel groupe de pays) de tenter d’imposer sa vision. Sur l’Irak, la position française a remporté un incontestable succès. Sous réserve que l’unité ne vole pas en éclat face à l’offensive américaine en cours et que les liens franco-africains résistent jusqu’au vote de la prochaine résolution de l’ONU.

En revanche, malgré la volonté d’impliquer les organisations africaines sous-régionales, malgré plusieurs évocations menaçantes de la Cour pénale internationale, aucun consensus ne s’est dégagé sur les conflits régionaux et leurs cortèges d’atrocités. Sur le dossier ivoirien, le partenariat français est toujours diversement apprécié et si une solution politique paraît parfois en vue, avec l’annonce de la formation prochaine du nouveau gouvernement, les informations en provenance du pays font plutôt état d’une trêve consacrée au réarmement des différents protagonistes. La complexité et la gravité du conflit en République centrafricaine, et les relations anciennes et toujours fortes avec l’ex-colonisateur, replacent là aussi à l’évidence le dossier dans le champ des relations bilatérales, même si c’est sous couvert de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale que Paris exerce son influence.

La présence permanente du secrétaire général de l’ONU, tout au long de ce sommet, a cependant apporté à la diplomatie française un soutien de poids. Kofi Annan a conforté par sa présence la légitimité des orientations adoptées par la conférence de Paris. Au risque de fâcher Washington et Londres. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle, tant en ouverture qu’en clôture, le secrétaire général a concentré son propos sur un thème à la fois essentiel et consensuel : la lutte contre le Sida.

La messe est dite: le prochain rendez-vous est fixé à Bamako, dans deux ans. Les conférenciers quittent Paris, la plupart à destination de Kuala Lumpur où se tiendra les 24 et 25 février le sommet des pays non-alignés, dont les pays africains sont membres pour l’essentiel. Une conférence qui, sans doute, débouchera sur la conclusion qu’il n’y a pas de légitimité hors de l’ONU, sur le dossier irakien en tout cas.



par Georges  Abou

Article publié le 21/02/2003