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Irak

La crise irakienne devant les Parlements

En Grande-Bretagne, en France, en Turquie, la crise irakienne est à l’ordre du jour des Parlements. Les débats n’ont pas partout le même objectif, ni les mêmes implications. Si les parlementaires français ne sont pas appelés à voter mais simplement à exposer leurs points de vue, les Anglais et le Turcs vont par contre devoir approuver, ou non, des textes présentés par leurs gouvernements.
Tony Blair, le Premier ministre britannique, s’est voulu ferme lorsqu’il s’est adressé, mardi, aux députés de la Chambre des Communes qui doivent se prononcer sur sa politique concernant le dossier irakien. Il a maintenu sa position sur la nécessité d’obtenir un «changement d’attitude» et une «coopération à 100 %» du président irakien Saddam Hussein, plutôt que de laisser du temps supplémentaire aux inspecteurs pour continuer leur travail sur place. Une idée, défendue par la France, la Russie et l’Allemagne, qu’il a tout simplement qualifié d’«absurde».

Le Premier ministre britannique qui s’est engagé sans ambiguïté aux côtés des Américains et fait partie du camp des «va-t-en guerre», ne fait pas l’unanimité dans son pays. Une large partie de l’opinion publique s’est mobilisée pour protester contre l’éventualité d’une intervention militaire en Irak. Un million de personnes ont même défilé dernièrement à Londres en faveur de la paix. Et les hommes politiques eux-mêmes ne sont pas tous sur la ligne du chef du gouvernement. Dans ce contexte, le débat sur l’Irak à la Chambre des Communes fait figure de véritable examen de passage pour Tony Blair qui doit affronter, à cette occasion, l’une des plus fortes contestations de sa politique depuis son accession au pouvoir il y a six ans.

La position du Premier ministre est d’autant plus inconfortable qu’il ne bénéficie pas sur ce dossier du soutien sans condition de son camp. Environ 80 députés travaillistes (sur les 412 qui siègent à la Chambre des Communes) font en effet partie des sceptiques, pour ne pas dire des protestataires, qui ont mis en cause la politique de Tony Blair et ont présenté, avec des libéraux-démocrates et quelques conservateurs, un amendement à la motion du gouvernement qui stipule que «les arguments en faveur d’une action militaire contre l’Irak restent pour l’instant infondés».

Un second vote en cas d’intervention militaire

Le vote de la Chambre des Communes ne concerne pas une éventuelle action militaire et l’engagement de troupes britanniques sur le terrain. Le gouvernement s’est appliqué à rappeler que cette décision n’était pas d’actualité et que le Parlement serait consulté sur ce point spécifique le moment venu. La seule incertitude étant de savoir si cela serait avant l’ouverture des hostilités ou après, pour ménager «l’effet de surprise». La motion présentée ne visait donc qu’à obtenir le soutien à la politique menée pour désarmer l’Irak dans le cadre des Nations unies. Les Britanniques et les Américains ont déposé à l’ONU un projet de deuxième résolution pour obtenir l’aval du Conseil de sécurité concernant une intervention en Irak qui reste l’une des conditions exigées par l’opinion nationale pour accepter la guerre.

Sur ce point, Tony Blair s’est montré optimiste en estimant qu’il pensait pouvoir obtenir les soutiens nécessaires au vote de cette résolution. Malgré l’opposition manifestée par la France, membre permanent du Conseil de Sécurité, qui dispose d’un droit de veto susceptible de bloquer l’adoption d’un texte qui ouvrirait la porte à la guerre.

La question de la nécessité de mettre un veto à l’ONU est d’ailleurs l’un des principaux enjeux du débat, sans vote, organisé quasi-simultanément devant le Parlement français. La position anti-guerre défendue par le président Chirac rencontre l’assentiment à la fois de l’opinion publique et de la classe politique. Malgré tout, les parlementaires sont divisés sur les limites de la politique diplomatique menée actuellement et les risques de cassure irrémédiable entre la France et les Etats-Unis en cas d’utilisation du veto qui empêcherait les Américains d’intervenir sous couvert de l’ONU. Les partis de gauche réclament, en effet, que la France aille au bout de ses convictions et utilise cette arme. Ceux de droite sont en général plus modérés. Ils estiment que le jeu n’en vaut pas la chandelle et qu’une telle attitude ferait exploser l’ONU. Dominique de Villepin, le ministre français des Affaires étrangères, a de toute manière écarté pour le moment le recours au veto.

En Turquie, le vote du Parlement sur la motion présentée par le gouvernement n’interviendra pas avant jeudi. Il s’agit d’obtenir l’autorisation de déployer sur les bases militaires du pays 62 000 soldats américains, 255 avions et 65 hélicoptères en prévision d’une guerre avec l’Irak. Le texte prévoit aussi l’envoi de soldats turcs dans le Nord de l’Irak pour éviter les ralliement des Kurdes turcs aux Kurdes irakiens. L’examen de cette motion a été plusieurs fois reporté depuis le début de la semaine. Car les négociations avec Washington se poursuivent. La Turquie conditionne, en effet, sa participation à une intervention militaire qui permettrait de prendre l’Irak en tenaille, à l’octroi d’une aide conséquente de la part des Etats-Unis. Ankara pourrait obtenir au moins six milliards de dollars de dons et 20 à 30 milliards de prêts. Le gouvernement turc se heurte néanmoins à de nombreuses oppositions. Des manifestations ont eu lieu dans le pays pour protester contre une participation à une guerre redoutée par les populations. Et il semble que de nombreux députés du parti de la Justice et du Développement (AKP) au pouvoir ne soient pas non plus convaincus par les arguments du gouvernement. Le président du Parlement, Bulent Arinc, a lui-même fait part de son opposition à la guerre.



par Valérie  Gas

Article publié le 26/02/2003