Irak
Le pape au cœur d’une noria diplomatique
«Le pape, combien de divisions ?», demandait Joseph Staline. Plus de cinquante ans après, le souverain pontife dont les armées se réduisent à quelques dizaines de gardes suisse impressionnent suffisamment les États pour que leurs principaux dirigeants fassent le voyage du Vatican.
De notre correspondant au Vatican
«Une guerre unilatérale constituerait un crime contre la paix». Cette petite phrase prononcée lundi par le responsable de la diplomatie vaticane, Mgr Jean-Louis Tauran, illustre à quel point la mobilisation du Saint-Siège contre une guerre en Irak est encore montée d’un cran cette semaine. La Charte des Nations unies dans une main, les règles du droit international dans l’autre, le collaborateur du pape s’en est tenu à la lettre des instruments juridiques de la vie diplomatique, mais ses propos n’en confirmaient pas moins l’ampleur du fossé qui sépare désormais le Vatican de la politique américaine. Non seulement Jean-Paul II n’a pas apporté la moindre caution morale à une attaque contre Bagdad, mais on peut parler de véritable mobilisation de l’ensemble de l’église catholique contre cette guerre annoncée.
Après les visites de Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires étrangères, de Tarek Aziz, le vice-premier ministre irakien, de Kofi Annan et de Tony Blair, c’était jeudi au tour du Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, d'être reçu en audience par Jean-Paul II. A l’instar du Premier ministre britannique, c’est un des plus fidèles alliés de l’administration Bush sur ce dossier. On peut supposer que le pape, une nouvelle fois, rappellera la position mainte fois répétée par le Saint-Siège depuis l’automne: hors des Nations unies, point de salut, et en leur sein tout doit être entrepris afin d’éviter l’option militaire. Ce même jeudi, le pape recevait également Mohammed Khatami au Vatican, vice-président de l’Assemblée iranienne et parent du chef de l’État iranien.
Condoleeza Rice: «je ne comprends pas»
Une nouvelle occasion, après de multiples initiatives de dialogue interreligieux, de lancer un nouveau signal de modération à destination de l’islam, pour mieux conjurer un possible choc religieux. Enfin, toujours ce jeudi, le secrétaire du pape chargé des relations avec les États, Mgr Tauran, a convoqué au Vatican tous les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège pour les «informer de toutes les initiatives entreprises dans la recherche de toutes les solutions pacifiques à la crise irakienne».
Que pense-t-on à Washington de cet activisme sans précédent (si ce n’est lors de la fameuse crise des missiles à Cuba en 1962) ? Dans une récente interview à l’hebdomadaire italien Panorama, Condoleeza Rice avait, à trois reprises, lancé un «je ne comprends pas». De fait, le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations entre la Curie romaine et Washington ont rarement été aussi tendues. L’hypothèse d’une mission diplomatique aux États-Unis, comparable à celle effectuée par le cardinal Etchegaray à Bagdad, semble de plus en plus lointaine.
Dans l’entourage du pape, on digère mal l’unilatéralisme américain et surtout la volonté de George W. Bush de réduire le Conseil de sécurité à un simple notaire de ses desiderata. Il ne s’agit pas pour autant pour Jean-Paul II (qui a constamment condamné depuis douze ans les répercussions humanitaires de l’embargo sur la population civile irakienne) de prendre la défense de Saddam Hussein. Ses «divisions» morales auront-elles un poids ?
Le porte-parole de la Maison Blanche affirmait mercredi que les prises de position du pape n’influenceront pas le président Bush. Au regard des intérêts considérables, stratégiques, militaires, économiques, que cristallise la crise irakienne, le pouvoir du pape peut paraître très relatif vu de l’autre rive de l’Atlantique. Au regard de l’opinion publique, en revanche, tant en Europe que dans les pays du Sud, les appels répétés de Jean-Paul II trouvent un écho inédit. Tony Blair, José Maria Aznar et Silvio Berlusconi en savent quelque chose.
«Une guerre unilatérale constituerait un crime contre la paix». Cette petite phrase prononcée lundi par le responsable de la diplomatie vaticane, Mgr Jean-Louis Tauran, illustre à quel point la mobilisation du Saint-Siège contre une guerre en Irak est encore montée d’un cran cette semaine. La Charte des Nations unies dans une main, les règles du droit international dans l’autre, le collaborateur du pape s’en est tenu à la lettre des instruments juridiques de la vie diplomatique, mais ses propos n’en confirmaient pas moins l’ampleur du fossé qui sépare désormais le Vatican de la politique américaine. Non seulement Jean-Paul II n’a pas apporté la moindre caution morale à une attaque contre Bagdad, mais on peut parler de véritable mobilisation de l’ensemble de l’église catholique contre cette guerre annoncée.
Après les visites de Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires étrangères, de Tarek Aziz, le vice-premier ministre irakien, de Kofi Annan et de Tony Blair, c’était jeudi au tour du Premier ministre espagnol, José Maria Aznar, d'être reçu en audience par Jean-Paul II. A l’instar du Premier ministre britannique, c’est un des plus fidèles alliés de l’administration Bush sur ce dossier. On peut supposer que le pape, une nouvelle fois, rappellera la position mainte fois répétée par le Saint-Siège depuis l’automne: hors des Nations unies, point de salut, et en leur sein tout doit être entrepris afin d’éviter l’option militaire. Ce même jeudi, le pape recevait également Mohammed Khatami au Vatican, vice-président de l’Assemblée iranienne et parent du chef de l’État iranien.
Condoleeza Rice: «je ne comprends pas»
Une nouvelle occasion, après de multiples initiatives de dialogue interreligieux, de lancer un nouveau signal de modération à destination de l’islam, pour mieux conjurer un possible choc religieux. Enfin, toujours ce jeudi, le secrétaire du pape chargé des relations avec les États, Mgr Tauran, a convoqué au Vatican tous les ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège pour les «informer de toutes les initiatives entreprises dans la recherche de toutes les solutions pacifiques à la crise irakienne».
Que pense-t-on à Washington de cet activisme sans précédent (si ce n’est lors de la fameuse crise des missiles à Cuba en 1962) ? Dans une récente interview à l’hebdomadaire italien Panorama, Condoleeza Rice avait, à trois reprises, lancé un «je ne comprends pas». De fait, le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations entre la Curie romaine et Washington ont rarement été aussi tendues. L’hypothèse d’une mission diplomatique aux États-Unis, comparable à celle effectuée par le cardinal Etchegaray à Bagdad, semble de plus en plus lointaine.
Dans l’entourage du pape, on digère mal l’unilatéralisme américain et surtout la volonté de George W. Bush de réduire le Conseil de sécurité à un simple notaire de ses desiderata. Il ne s’agit pas pour autant pour Jean-Paul II (qui a constamment condamné depuis douze ans les répercussions humanitaires de l’embargo sur la population civile irakienne) de prendre la défense de Saddam Hussein. Ses «divisions» morales auront-elles un poids ?
Le porte-parole de la Maison Blanche affirmait mercredi que les prises de position du pape n’influenceront pas le président Bush. Au regard des intérêts considérables, stratégiques, militaires, économiques, que cristallise la crise irakienne, le pouvoir du pape peut paraître très relatif vu de l’autre rive de l’Atlantique. Au regard de l’opinion publique, en revanche, tant en Europe que dans les pays du Sud, les appels répétés de Jean-Paul II trouvent un écho inédit. Tony Blair, José Maria Aznar et Silvio Berlusconi en savent quelque chose.
par Laurent Morino
Article publié le 28/02/2003