Racisme
Le gouvernement veut combattre «<i>les dérives communautaires</i>» à l’école
La multiplication des incidents à caractère raciste et surtout antisémite dans les établissements scolaires et universitaires français a incité le gouvernement à prendre des mesures pour stopper un phénomène qui remet en cause les principes laïcs de l’éducation. Dans un contexte politique international marqué par des oppositions culturelles et religieuses de plus en plus exacerbées, l’école aussi devient un lieu d’affrontement. Luc Ferry, le ministre de l’Education nationale, a donc proposé des mesures pour combattre la violence d’origine communautaire et ses conséquences sur la vie scolaire.
Professeur d’histoire, c’est un métier à risque. Surtout dans les quartiers «mixtes» où cohabitent les communautés musulmanes et juives. De plus en plus d’enseignants témoignent de leurs difficultés à aborder certains thèmes des programmes de cette discipline parce qu’ils se trouvent en face d’élèves musulmans qui n’acceptent pas d’entendre parler d’événements qui se rapportent à la communauté juive. Des Hébreux à la guerre d’Algérie, en passant par la Seconde Guerre mondiale, des chapitres entiers sont parfois évités parce qu’ils provoquent des réactions d’hostilités, voire des agressions verbales ou physiques de la part des élèves.
«J’ai trop souffert l’an dernier. Je ne ferai plus le cours sur le conflit israélo-palestinien prévu au programme d’éducation civique». Pour Marie-Line Nahon, professeur d’histoire-géographie dans un établissement de Seine Saint-Denis, l’ambiance dans sa classe est souvent à la limite du supportable et elle préfère «aseptiser» ses cours plutôt que de subir l’animosité au quotidien.
Quand les professeurs ne peuvent plus suivre les programmes scolaires parce qu’ils ont peur, il y a un problème. Quand un jeune enfant juif est obligé de changer d’établissement parce qu’il est persécuté par ses petits camarades musulmans, aussi. C’est ce qui est arrivé à Julien, 12 ans, élève d’un collège du 20e arrondissement de Paris. En dernière année de primaire, il avait participé à l’inauguration d’une plaque à la mémoire des enfants déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela lui a valu d’être catalogué «sale juif» à son arrivée au collège et de subir tant d’insultes et de mauvais traitements que le principal a conseillé à ses parents de le changer d’établissement car il ne pouvait plus «garantir sa sécurité».
L’importation du conflit du Proche-Orient
Certes ce genre d’incidents ne sont pas le lot quotidien de la majorité des écoles et lycées français. Mais Luc Ferry a noté «la montée d’un certain nombre d’actes et de paroles antisémites et racistes, recensés au sein des établissements scolaires et universitaires». Ce phénomène est assez significatif, du point de vue du ministre, pour être préoccupant et pour nécessiter une prise en compte immédiate. Le contexte politique international n’est pas étranger à cette radicalisation des rapports entre communautés religieuses à l’école. De plus en plus d’enfants d’origine maghrébine s’identifient aux Palestiniens et font payer à leurs camarades juifs la politique d’Israël. Pour Luc Ferry, il faut «résister» à l’importation du conflit du Proche-Orient dans les classes et lutter contre la «banalisation» de l’antisémitisme qui atteint aujourd’hui l’école.
C’est pour aller dans ce sens que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a demandé à son ministre de mettre au point rapidement «une méthode de travail» pour lutter contre les dérives communautaires dans le milieu scolaire et universitaire. L’idée est à la fois de prévoir des sanctions (réglementaires ou même judiciaires) contre les responsables d’actes ou de propos racistes, mais aussi de jouer la carte de la prévention et de l’information auprès des jeunes pour les sensibiliser aux «valeurs de la République», qui leur sont bien souvent totalement étrangères, comme la laïcité et le respect de l’autre.
Luc Ferry va dans un premier temps faire un bilan de tous les incidents à caractère racistes et antisémites signalés depuis le début de l’année scolaire pour «prendre la mesure exacte» du phénomène. Il a aussi annoncé la mise en place d’une cellule de veille et de suivi de ces incidents dont le rôle sera double. Elle devra non seulement participer à la prévention mais aussi aider les professeurs à résoudre concrètement les problèmes. Une vingtaine de médiateurs seront à sa disposition pour intervenir dès que nécessaire dans les établissements. Dans le même temps, un certain nombre d’outils pour diffuser le message républicain seront élaborés : guide, recueil de textes… Et à l’occasion de la refonte des programmes, un accent sera mis sur l’éducation civique.
Mais Luc Ferry qui s’attache à faire preuve de fermeté dans son discours [«Il ne faut tolérer aucune dérive, même verbale»], veut aussi trouver les moyens d’être efficace sur le terrain. C’est donc pour aborder les problèmes concrètement qu’il va consulter, d’ici quinze jours, une centaine de chefs d’établissements très concernés par le risque d’affrontements communautaires, puis dans un second temps les représentants des jeunes eux-mêmes.
A écouter :
Luc Ferry, ministre de l'Education est l'invité de Valérie Lehoux.
27/02/2003, 8'23
«J’ai trop souffert l’an dernier. Je ne ferai plus le cours sur le conflit israélo-palestinien prévu au programme d’éducation civique». Pour Marie-Line Nahon, professeur d’histoire-géographie dans un établissement de Seine Saint-Denis, l’ambiance dans sa classe est souvent à la limite du supportable et elle préfère «aseptiser» ses cours plutôt que de subir l’animosité au quotidien.
Quand les professeurs ne peuvent plus suivre les programmes scolaires parce qu’ils ont peur, il y a un problème. Quand un jeune enfant juif est obligé de changer d’établissement parce qu’il est persécuté par ses petits camarades musulmans, aussi. C’est ce qui est arrivé à Julien, 12 ans, élève d’un collège du 20e arrondissement de Paris. En dernière année de primaire, il avait participé à l’inauguration d’une plaque à la mémoire des enfants déportés pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela lui a valu d’être catalogué «sale juif» à son arrivée au collège et de subir tant d’insultes et de mauvais traitements que le principal a conseillé à ses parents de le changer d’établissement car il ne pouvait plus «garantir sa sécurité».
L’importation du conflit du Proche-Orient
Certes ce genre d’incidents ne sont pas le lot quotidien de la majorité des écoles et lycées français. Mais Luc Ferry a noté «la montée d’un certain nombre d’actes et de paroles antisémites et racistes, recensés au sein des établissements scolaires et universitaires». Ce phénomène est assez significatif, du point de vue du ministre, pour être préoccupant et pour nécessiter une prise en compte immédiate. Le contexte politique international n’est pas étranger à cette radicalisation des rapports entre communautés religieuses à l’école. De plus en plus d’enfants d’origine maghrébine s’identifient aux Palestiniens et font payer à leurs camarades juifs la politique d’Israël. Pour Luc Ferry, il faut «résister» à l’importation du conflit du Proche-Orient dans les classes et lutter contre la «banalisation» de l’antisémitisme qui atteint aujourd’hui l’école.
C’est pour aller dans ce sens que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a demandé à son ministre de mettre au point rapidement «une méthode de travail» pour lutter contre les dérives communautaires dans le milieu scolaire et universitaire. L’idée est à la fois de prévoir des sanctions (réglementaires ou même judiciaires) contre les responsables d’actes ou de propos racistes, mais aussi de jouer la carte de la prévention et de l’information auprès des jeunes pour les sensibiliser aux «valeurs de la République», qui leur sont bien souvent totalement étrangères, comme la laïcité et le respect de l’autre.
Luc Ferry va dans un premier temps faire un bilan de tous les incidents à caractère racistes et antisémites signalés depuis le début de l’année scolaire pour «prendre la mesure exacte» du phénomène. Il a aussi annoncé la mise en place d’une cellule de veille et de suivi de ces incidents dont le rôle sera double. Elle devra non seulement participer à la prévention mais aussi aider les professeurs à résoudre concrètement les problèmes. Une vingtaine de médiateurs seront à sa disposition pour intervenir dès que nécessaire dans les établissements. Dans le même temps, un certain nombre d’outils pour diffuser le message républicain seront élaborés : guide, recueil de textes… Et à l’occasion de la refonte des programmes, un accent sera mis sur l’éducation civique.
Mais Luc Ferry qui s’attache à faire preuve de fermeté dans son discours [«Il ne faut tolérer aucune dérive, même verbale»], veut aussi trouver les moyens d’être efficace sur le terrain. C’est donc pour aborder les problèmes concrètement qu’il va consulter, d’ici quinze jours, une centaine de chefs d’établissements très concernés par le risque d’affrontements communautaires, puis dans un second temps les représentants des jeunes eux-mêmes.
A écouter :
Luc Ferry, ministre de l'Education est l'invité de Valérie Lehoux.
27/02/2003, 8'23
par Valérie Gas
Article publié le 27/02/2003