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Racisme

Expédition punitive antisémite à Bondy

Mercredi soir, des jeunes juifs membres d'un club de football ont été agressés par une bande de casseurs sur un stade de la ville de Bondy. Dans la vague d'attaques à caractère antisémite qui déferle sur la France depuis la dégradation de la situation au Proche-Orient, un nouveau palier a été franchi.
Il est 20 heures, mercredi soir. Comme à leur habitude, les jeunes de l’association sportive juive Maccabi s’entraînent sur un terrain de la ville de Bondy, en Seine-Saint-Denis. Ils sont quatorze et sont âgés de 16 à 20 ans. Tout à coup une bande d’une quinzaine de voyous cagoulés débarque sur le terrain en insultant les joueurs. Ils sont là pour en découdre et s’attaquent aux jeunes juifs pris au dépourvus à coups de barre de fer. Paniqués, ces derniers essaient de s’enfuir mais l’un d’entre eux est rattrapé par les agresseurs qui commencent à le tabasser rageusement. L’adolescent a été transporté aux urgences de l’hôpital de Bondy où on a dû lui recoudre le crane. Il est couvert d’hématomes sur le corps et l’un de ses bras, avec lequel il a tenté de se protéger, a été particulièrement touché.

Son témoignage est édifiant et ne laisse aucune ambiguïté concernant les motivations de l’agression : «J’ai eu vraiment très peur car je ne les ai pas vu arriver. J’étais dos à eux, au corner. J’ai reçu un coup de barre dans le dos, je me suis retrouvé à terre et ils étaient plusieurs à me massacrer. Ils me criaient ''sale juif''. Certains portaient des écharpes palestiniennes autour du visage, je ne pourrais pas les reconnaître mais je pense qu’ils devaient être âgés comme nous de 16 à 20 ans».

«Ils me criaient ''sale juif''»

L’expédition punitive s’est ensuite transformée en vol organisé. Les agresseurs ont pris tout ce qu’il y avait à prendre dans les vestiaires, téléphones portables, cartes de crédit, pièces d’identité, vélos… avant de s’éparpiller dans la nature.

Cette attaque en bande dans le but évident d’organiser le passage à tabac de ces jeunes juifs inquiète les responsables des organisations représentatives de la communauté. Sammy Ghozlan, président du Conseil des communautés juives de Seine-Saint-Denis où vivent environ 15 000 juifs, estime que l’on a «franchi un nouveau palier dans les actes antisémites. Il ne s’agit plus d’actes isolés. Cette attaque visait clairement les juifs. Ce qui est grave, c’est que l’on ne s’attaque plus seulement aux biens mais aux personnes».

La Licra (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) a d’ailleurs décidé de porter plainte. Et le président du consistoire de Paris (ACIP), Moïse Cohen, a annoncé qu’il avait demandé par lettre au Premier ministre, Lionel Jospin, la mise en place d’une cellule de crise en raison de «l’aggravation des incidents et agressions antisémites».

Ces dernières semaines, en effet, la France a vu se multiplier les actes de ce type notamment en Ile-de-France. L’un des derniers en date avait déjà fortement ému la communauté juive. Un bus transportant des enfants de l’école religieuse de Sinaï dans le XXe arrondissement de Paris a été la cible de jets de pierres et une fillette a été blessée par du verre. A Aubervilliers, un bus et une voiture d’une école juive ont été incendiés, le 3 avril. Plusieurs synagogues ont été dégradées par des inscriptions antisémites, des tentatives de destruction ou d’incendies. A Marseille, Montpellier, Toulouse, Strasbourg aussi, des actes malveillants ont touché des lieux de culte ou des institutions juives.

Tous ces actes et surtout l’attaque de Bondy ont été unanimement dénoncés. Lionel Jospin a qualifié l’agression des jeunes de Maccabi d’acte «abject» qui doit être «châtié avec sévérité». Il a réaffirmé son «refus du communautarisme» en s’adressant «à ceux qui essaient de reproduire en France la situation dramatique du Proche-Orient». Pour le RPR, il n’est «pas acceptable que des Français ou des personnes vivant dans notre pays puissent être menacés et attaqués en raison de leurs origines, de leurs convictions ou de leur religion». La Ligue des droits de l’homme estime quant à elle qu’il «appartient aux pouvoirs publics de réagir avec la plus grande fermeté à ces manifestations de racisme» mais aussi que «c’est à tous les citoyens de ce pays de dire leur refus de telles dérives».



par Valérie  Gas

Article publié le 12/04/2002